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sance parfaite, une analyse précise et lumineuse, une interprétation judicieuse et impartiale des documents, une exposition claire dans un style sobre et ferme. Il a les défauts de ses qualités. Certains pourront trouver qu'il conserve un peu trop le ton et l'allure des rapports, mémoires et dissertations dont il est fait; qu'il lui manque le pittoresque, le relief, la couleur et la vie dont le sujet est susceptible et qui font le charme des travaux analogues de Parkman. C'est une étude utile à consulter, plutôt qu'un livre agréable à lire. Mais les historiens ne s'en plaindront pas trop, car l'étude est du moins excellente et résume bien l'histoire du Canada à cette époque.

L. MALAVIALle.

Henricus LORIN. De Praedonibus Insulam Sancti Dominici celebrantibus Saeculo Septimo decimo. Thesim Facultati Litterarum Parisiensi proponebat. Paris, Colin, 1895. In-8°, 74 pages.

Les boucaniers et flibustiers de Saint-Domingue et de la Tortue ne s'attendaient pas sans doute à voir célébrer un jour leurs exploits en latin. Ils ont eu pourtant cet honneur, grâce à la persistance de cette tradition surannée, qui impose aux candidats au doctorat ès lettres une thèse latine. Quand le sujet est emprunté à l'antiquité ou au moyen âge, passe encore. Quand c'est une question d'histoire moderne, cet exercice devient un véritable casse-tête et un réel tour de force. Il en résulte une étrange composition, dans une langue toute de convention, où les mots anciens et les idées modernes hurlent de se voir accouplés, une sorte de rébus où les Romains perdraient certainement leur latin. M. L. ne m'en voudra pas (car il n'y a rien qui lui soit personnel dans mes observations) de dire que sa thèse est un remarquable exemple de ce genre faux. Praedones pour flibustiers (freebooters) n'est que vague. Testudo désignant l'île de la Tortue, pour être exact, n'en est pas moins drôle. Mais que dites-vous de Littorales Socii pour traduire les Frères de la côte? Auriez-vous deviné que boucaniers peut se rendre par assa

d'Acadie était alors appliqué, non seulement à la presqu'île qui est aujourd'hui la Nouvelle-Écosse, mais encore au littoral occidental de la baie de Fundy. C'est vrai. Mais M. Lorin n'ignore pas que la question fut discutée plus tard lorsqu'il s'agit de fixer les limites anciennes de l'Acadie suivant les termes du traité d'Utrecht. Peut-être ne fallait-il pas la trancher ainsi d'un seul mot. P. 382, note 1, pour la date de la prise de Port-Royal par les Anglais, M. Lorin adopte le 12 mai 1690, d'après Parkman et une lettre de Boston du 22 mai 1690, et il dit que la date du 22 mai donnée par Charlevoix est certainement inexacte. Ne serait-ce pas la même, mais dans deux styles différents, les Anglais étant restés fidèles jusque-là au vieux style, au calendrier Julien, qui, au XVIIe siècle, retardait de dix jours sur le nouveau style du calendrier grégorien, adopté par les Français dès cette époque? Dans les documents diplomatiques d'alors, on trouve souvent deux dates, à dix jours d'intervalle.

tores (rôtisseurs)? C'est en effet le sens du mot, parce que ces aventuriers vivaient surtout de sanglier rôti ou fumé. Mais il y a lieu ou jamais de dire que c'est du latin de cuisine. On s'amuse et on souffre à la fois de voir le malheureux candidat au doctorat s'escrimer à décrire en latin, avec beaucoup de soin et d'intérêt d'ailleurs, le costume pittoresque, les habitations, l'armement, les mœurs de ses héros, dont les Latins n'avaient certes pas la moindre idée ! Et les noms propres? Passe encore de Pierre Legrand, de Dieppe, qu'on traduit sans hésiter Petrus Magnus. On aurait pu aussi traduire certains autres noms qui s'y prêtaient, comme Pierre Franc, Barthélemy, Levasseur, Pierre Roc, Pierre le Picard, etc. Mais allez donc latiniser Willis, Poincy, Pouançay, et surtout Brisegalet, Tournauvent, Passepartout, Bras-de-Fer, etc. On comprend que l'auteur y ait renoncé. Je n'insiste pas et j'aime mieux dire tout de suite qu'au fond le travail de M. L. est intéressant, qu'il présente un résumé bien fait de ce qu'on savait des flibustiers et des boucaniers, avec des détails nouveaux extraits des archives, et je suis sûr qu'on le lira avec autant de plaisir que de profit quand il se présentera sous sa forme naturelle, c'est-à-dire en français.

L. MALAVIALLE.

Wolfe, by A. G. BRADLEY. Londres, Macmillan, 1895. 1 vol. in-12, 214 pages. (English Men of Action.)

Écrire pour l'excellente série des English Men of Action la biographie de Wolfe était une entreprise assez difficile, puisqu'il fallait nécessairement éviter une comparaison dangereuse avec l'œuvre de Parkman, sans se montrer trop inférieur à ce brillant devancier. On accordera, croyons-nous, que M. Bradley s'est parfaitement acquitté de sa tâche. Ses réelles qualités d'historien le rattachent, il est vrai, comme Parkman, à l'école pittoresque. Mais, sans rien emprunter à autrui, sans aucun soupçon de plagiat, il a su nous peindre son héros sous des traits vivants et sympathiques, en l'entourant de détails habilement et personnellement choisis. Qu'il s'agisse de l'enfance de Wolfe dans sa vieille maison paternelle de Westerham, timidement blottie sous l'ombrage, ou de l'arrivée des Anglais sous Québec, lorsque, le premier soir, après un violent orage, les feux du camp de Beauport s'allument à leurs yeux, pendant que la silhouette des remparts et des clochers de la ville, couronnant une masse de rocher formidable, se détache toute sombre sur la pourpre du couchant, l'esprit du lecteur garde l'impression de tableaux pleins de charme, de vérité, où l'on sent la main d'un artiste qui, suivant les exigences contemporaines de l'histoire, a parcouru et reconnu son terrain avant de le décrire.

Si les parallèles, à la façon de Plutarque, étaient encore de mode, aucun ne serait plus juste ni plus saisissant que celui de Wolfe et de Montcalm. Tous deux soldats dans l'âme, tous deux vigoureux de

caractère, passionnés pour leur métier, mais ayant un goût prononcé pour la culture générale d'esprit et le dédain des étroitesses d'humeur, où, comme le marquait déjà Tacite, la routine des camps jette les natures vulgaires. D'ailleurs, tous deux ont une tendresse de cœur franche et naïve, qui se traduit aussi bien à l'intérieur de la famille qu'à l'égard plus général de leurs troupes. Wolfe est un des rares Anglais que l'on puisse opposer à ses compatriotes quand ils raillent l'amour sentimental des Français pour leur mère; et l'on peut voir, par son exemple, que ce mode de sentiment très développé n'exclut point l'énergie virile. Pourtant, Wolfe, ainsi que Montcalm, avait été pris par le service militaire dès sa prime jeunesse. Tous deux ont été préparés à leur duel grandiose par les guerres d'Allemagne. Wolfe se trouva dans l'étrange mêlée de Dettingen, où les Français et les Anglais rivalisèrent de maladresse et d'incohérence; et, plus tard, il fut légèrement blessé à Laufelt. Entre temps, il fit, sous le duc de Cumberland, la campagne des Highlands contre le dernier des Stuarts; et, remarque M. B., le hasard lui réserva d'assister ainsi, durant sa carrière, aux deux rencontres les plus courtes parmi les plus décisives du xvшe siècle, Culloden et Abraham (p. 51). Cette campagne, où la brutalité du prince se donna jour contre les partisans des Stuarts, peut-être explique une certaine accoutumance de Wolfe à la dureté vis-à-vis des Canadiens pendant le siège de Québec, quoiqu'il fût loin d'approuver toutes les horreurs dont il avait été témoin dans les Highlands1. Chose curieuse, et qui montre qu'à la veille de la guerre de Sept ans notre prestige avait encore son importance, le rêve de Wolfe était de venir se perfectionner en France, d'étudier à Metz l'artillerie et le génie militaire (p. 60) 2. Mais le ministère anglais, fidèle à sa tactique prolongée d'entraver les relations intimes entre les deux pays3, n'y voulut jamais consentir. Wolfe ne fit en France qu'un séjour mondain pour s'initier à la vie parisienne de l'époque.

On sait comment Pitt désigna le jeune officier parmi ceux qui, remplaçant les vieux généraux incapables, devaient revivifier les cadres de

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1. Est-il bien exact de dire que « l'idée d'enrôler ces braves et solides montagnards dans l'armée anglaise et d'en former des régiments ne prit corps qu'après l'arrivée de Pitt au pouvoir..., et que, pour bien des raisons, Wolfe en a pu être le premier auteur (p. 63-64) » ? Il y avait des Highlanders à Fontenoy, avant le ministère de Pitt et la guerre du Canada. Le baron de Noirmont a publié récemment une gravure contemporaine, dédiée à Lord Temple et représentant un montagnard au service du roi Georges (« les Régiments écossais au service de la France, » Revue britannique, mars 1894, frontispice et p. 10). 2. Le témoignage de Wolfe est précieux à relever, quand il déclare que les officiers français montraient alors un zèle et un savoir professionnels dont les Anglais paraissaient absolument dépourvus (Bradley, p. 83).

3. Cette mauvaise volonté du gouvernement anglais se trahissait encore de la façon la plus désobligeante au commencement du siècle (voy. les lettres du col. Thornton, publiées aussi par la Revue britannique. « Voyage d'un sportsman anglais en France, » ibid., p. 144-150).

l'armée pour déloger enfin les Français de leur position menaçante sur le flanc des colonies anglaises. M. B. n'admet pas l'authenticité de la célèbre anecdote rapportée par Lord Mahon, où l'on voit Wolfe se répandre en bravades excentriques dans un diner chez le ministre, un jour ou deux avant son départ de Londres. L'anecdote nous a été transmise par Temple, qui n'offre aucune garantie d'exactitude (p. 162-3). Fût-elle vraie, cependant, il ne conviendrait pas d'y attacher grande importance. Les plus sages ont leurs heures d'oubli; et, dit fort bien. un critique anglais à propos de Carteret, qui prêtait également vers cette époque, par son intempérance de verre et de verve, à des récits plus amusants qu'édifiants, « il faudrait beaucoup d'autres sottises pour contrebalancer le témoignage unanime des contemporains sur les rares qualités du personnage. »

Le parallèle de Wolfe et de Montcalm se terminerait sur la plaine d'Abraham, où tous deux meurent frappés dans le même engagement: - l'un, craignant la défaite et remportant la victoire; l'autre, perdant la partie au moment où il pouvait se flatter d'avoir déjoué les efforts de l'adversaire. Il ne servirait pas d'insister sur ce contraste. Mais nous voulons rappeler un trait peu connu et qui devrait trouver sa place dans un livre comme celui de M. B., destiné surtout à éveiller les jeunes esprits au désir d'imiter les grands « hommes d'action. » Quelques jours avant son départ d'Angleterre pour sa dernière campagne, Nelson dînait chez le peintre Benjamin West, à qui l'on doit un tableau pathétique de la mort de Wolfe'. Le hardi marin exprima son admiration de ce tableau; et, sur la promesse du peintre de lui en consacrer un semblable, le cas échéant, il s'écria qu'il souhaitait alors de mourir dans le prochain combat. Nous ne savons que trop comment il tint parole. Les grandes actions ont leur généalogie nobiliaire. Les philosophes soutiendront sans doute, avec une ombre de raison, que la gloire est une duperie; mais peut-être ne convient-il pas que l'humanité se pénètre d'un aussi désolant sang-froid. En face de Nelson et de Wellington, enthousiasmés par le souvenir des héros de leur patrie, la France avait Napoléon, qui n'était pas moins soucieux de la postérité et qui se plaignait avec mélancolie, au lendemain de Marengo, que, si la mort le surprenait aussitôt, à peine occuperait-il une demi-page de l'histoire. Sa bibliographie absorbe déjà plus d'un volume. Nous lui devons assurément bien des misères irréparables; mais qui oserait affirmer pourtant que, dans les amertumes de ces dernières années, son souvenir ne nous ait pas été parfois un puissant réconfort?

René DE KERALLAIN.

1. Il va sans dire que ce tableau, dont il existe plusieurs gravures, est absolument fantaisiste, autant que le sont toutes les gravures publiées en France sur la mort de Montcalm. L'anecdote que nous rappelons ici se trouve dans le journal de Ticknor, à la date du 15 juin 1815.

RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.

1.

La Révolution française. 1896, 14 août. L. AMIABLE. Voltaire et les Neuf-Sœurs (de l'admission de Voltaire dans la francmaçonnerie; honneurs que les frères lui rendirent après sa mort). A. BRETTE. Les cahiers de 1789 considérés comme mandats impératifs (il y eut, dès le début, contradiction entre le gouvernement, qui demandait aux électeurs de conférer aux députés seulement des pouvoirs généraux et suffisants, et les électeurs, qui entendaient donner à leurs députés des mandats impératifs; le serment que les députés devaient prêter après l'élection accusa fortement ce caractère impératif. Malgré le roi, nombre de députés se tinrent en effet pour absolument liés par leur mandat et par leur serment). — G. BUSSIÈRE. La Révolution en Périgord; la fin d'un vieux municipe (lutte entre l'ancienne municipalité de Périgueux et le nouveau conseil des communes, d'octobre 1789 à mars 1790); fin le 14 sept. A. PERROUD. Une entrée épiscopale en 1791 (entrée de l'évêque Lamourette à Villefranche-en-Beaujolais, racontée dans une lettre adressée à Mme Roland par une de ses amies). — A. KUSCINSKI. Le conventionnel Louchet (et à ce propos de quelques conventionnels que l'on dit à tort avoir été d'abord prêtres ou moines). - Une lettre de Carrier (de Nantes, 10 pluviôse an II). = 14 sept. A. CORDA. Le représentant Rühl à Vitry-le-François en 1793 (chargé d'une mission de police politique, il en rend compte à la Convention). - L. AMIABLE. Louis XVI et les Neuf-Sœurs (raconte les persécutions contre la loge maçonnique des Neuf-Sœurs, qui venait de recevoir Voltaire, quoique Louis XVI, ainsi que ses deux frères, fût franc-maçon). Paul D'ESTRÉE. La résurrection d'un Septembrisé (publie une lettre de Charles-Camille -Honoré-Léonard de Pommerol - Grammont, du 23 ventôse an V; porté au nombre des victimes massacrées à Versailles le 9 sept. 1792, il réclame sa réintégration sur le tableau des citoyens domiciliés à Paris, où il vivait depuis trois ans sous le nom de PierreJoseph Lefèvre). Une lettre de Dartigoeyte sur la déchristianisation dans le Gers, 12 nivôse an II (il reconnaît qu'il a été impossible de détruire le culte catholique dans ce département).

2.

Revue de la Société des études historiques. 1896, no 2. P. COQUELLE. Occupation du Hanovre par les Français pendant la guerre de Sept ans. - Fr. FUNCK-BRENTANO. Pages modernes pour servir à l'étude des origines de la féodalité (résume l'organisation sociale des Duchobortz, peuplade du Caucase, d'après un article de la Gazette de Francfort). BRIDIER. Lettre de Talleyrand (sur un projet de descente en Angleterre, datée du 27 germinal an VI).

REV. HISTOR. LXII. 2e FASC.

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