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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N⚫ 26

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Sommaire: 124. D'EICHTHAL, Mémoire sur le texte primitif du premier récit de la Création. - 126. 125. BRANDES, Mémoires sur l'histoire ancienne de l'Orient. ELLIS, Peruvia-Scythica. 127. DAVIS, Journal d'un voyage en Asie-Mineure. 128. MERWART, Le premier conflit de la Pologne avec l'Allemagne. 129. Molière, Le Misanthrope, Les Femmes savantes, Les Précieuses ridicules, Le Tartuffe, Le Bourgeois gentilhomme, p. p. LAUN. 130. KUHFF, Géographie de l'Allemagne en allemand. Sociétés savantes: Académie des inscriptions.

124.

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Mémoire sur le texte primitif du 1er récit de la Création (Genèse, ch. I-II, 4), suivi du texte du 2e récit, par M. Gustave D'EICHTHAL. Paris, Sandoz et Fischbacher. 1875. In-8°, viij-80 p.

I.

La cosmogonie du peuple hébreu, qui ouvre le livre de la Genèse, nous a toujours paru d'une clarté transparente et d'une extrême simplicité. Avant tout, Dieu créa le ciel et la terre; la terre est toute confusion, les ténèbres enveloppent la masse liquide, et le vent s'agite sur la surface des eaux. Soudain la lumière pénètre dans ce chaos et l'œuvre de Dieu commence. La voûte du firmament se forme, la terre se dégage du milieu des flots, elle se couvre d'une variété immense d'arbres et de végétaux, les corps lumineux suspendus au-dessus d'elle lui envoient l'éclat et la vie; les fleuves, la mer et l'air se peuplent aussitôt d'innombrables espèces de monstres marins, de poissons et d'oiseaux, la terre elle-même devient la demeure bruyante d'animaux de tout genre, et lorsque tout est classé, disposé, orné, l'homme, fait à l'image de Dieu, entre en maître dans son superbe royaume.

Nous avons tous lu et raconté à nos enfants ce récit charmant, éclos dans la jeune imagination d'une âme naïve et pieuse, saisie un matin, dans les vastes plaines de la Mésopotamie, du spectacle merveilleux de la nature, jetant au premier rayon du soleil le linceul des ténèbres et du silence, et renaissant à la lumière, à la vie et au bruit des mille voix qui la remplissent. Le poète avait-il trouvé cette relation dans la vaste bibliothèque de Babylone, et en verrons-nous un jour surgir l'original sous les efforts des savants assyriologues, auxquels nous devons déjà tant de surprises? En tout cas, il l'aura débarrassée des fables et mythes qui l'obscurcissaient, il l'aura jetée dans le moule monothéiste de son culte, et terminée par la sanctification du jour de repos.

Qui s'en serait douté! ce récit sous sa surface plane et unie cachait des piéges de toute sorte, et depuis des siècles, théologiens et exégètes, juifs ou chrétiens, y ont cherché et découvert des difficultés assez nombreuses pour se troubler à

1. On a déjà trouvé une tablette, relative à la création; mais elle est fruste de toutes parts.

eux et à d'autres la douce jouissance que pouvait inspirer la lecture de ce délicieux morceau'. Il y a là des beautés si délicates qu'on les écrase en les serrant de trop près. Le ciel et la terre ayant été créés au commencement, se demandat-on, que signifie l'œuvre des autres jours? Comment la lumière existait-elle dès le début, si le soleil, la lune et les astres ne sortent que le quatrième jour de la main de Dieu ? Et pourquoi une bénédiction pour les habitants de l'eau et de l'air, puis pour l'homme, et point de « foisonnez et multipliez-vous » pour les animaux de la terre? L'approbation sacramentale : « Et Dieu vit que c'était » bon, » qu'on lit à la fin de chaque œuvre, pourquoi manque-t-elle après la création de la voûte du ciel? les mots : « Et il fut ainsi, » également habituels dans notre récit, sont une fois déplacés; pourquoi? Dieu donne leurs noms au jour, à la nuit, au firmament, à la terre, à la mer, pourquoi n'en fait-il pas autant pour le soleil et la lune 2? Nous ajouterons pour les astres, pour les animaux de toutes les classes! Nous aurions ainsi obtenu un curieux spécimen d'ancienne nomenclature pour les êtres qui peuplent notre terre, et comme linguiste, je n'y aurais pas été indifférent!

Que l'ancienne et la moderne orthodoxie aient été préoccupées des différences que l'observation scientifique de la nature établissait entre les résultats de la physique et de la cosmologie et les assertions des Écritures, qu'elle ait fait des efforts pénibles pour diminuer ou pallier l'écart qui allait grandissant entre la poésie empirique de la Bible et les découvertes des Copernic, des Newton, des Laplace, cela ne surprendra personne. Mais ce qui a lieu d'étonner, c'est de voir des esprits éminents, que ne retiennent pas des considérations aussi étroites, appliquer une critique minutieuse et subtile à une matière qui, à notre sens, ne la comporte pas.

M. d'Eichthal, dans le Mémoire que nous avons sous les yeux, marche sur les traces de savants considérables, tels qu'Ewald, Knobel, Schrader et bien d'autres qui se sont occupés du premier récit de la Genèse. Dans le chapitre II, intitulé << Objections soulevées par le texte traditionnel du 1er récit de la création, » il a réuni habilement et exposé clairement toutes les contradictions qu'on a cru rencontrer dans notre texte, et la solution qu'il propose dans les chapitres IV et V est certainement la plus hardie et la plus radicale qu'on ait tentée. La création du firmament remplace le fiat lux de notre rédaction, et sert de préliminaire à toute la création. Le premier jour est consacré aux luminaires; le second, à la séparation de la terre et des mers; le troisième, aux plantes; le quatrième, aux animaux qui remplissent l'eau et l'air; le cinquième, aux animaux de la terre; le sixième enfin à la création de l'homme. Nous n'en voulons pas à M. d'Eichthal de la témérité avec laquelle il bouleverse toute l'ordonnance des versets dans notre récit; nous croyons même qu'il peut être quelquefois utile que

1. Voyez Ewald, Jahrbücher d. bibl. Wissenschaft, I (1849), p. 77 et suiv. - Schrader, Studien zur Kritik und Erklærung d. bibl. Urgeschichte, 1863, p. i et suiv. Knobel et Dillmann, dans leurs commentaires sur la Genèse.

2. Schrader, 1. c. p. 24.

la critique s'use par son exagération même, et qu'elle aille jusqu'au bout dans la voie où elle est entrée, lorsque cette voie n'est pas bonne.

Pour nous, nous ne chicanerons pas les diaskeuastes de notre texte reçu pour le déplacement des mots waïhy kên du verset 7 au verset 6; nous admettrons aussi à la rigueur un wayar' ělôhîm kî tôb, au milieu du v. 8. Ce sont du reste les seuls changements que les Septante se soient permis, bien que nous ne croyions pas que ce fût sur l'autorité d'un texte différent du nôtre; ils ont fait modestement et timidement ce qu'on nous propose d'entreprendre en grand et en franchissant toute limite. Mais pour tout le reste nous croyons notre texte dans un excellent état de conservation, toutefois avec deux réserves que nous nous hâtons d'émettre. Premièrement, il se peut que les v. 29 et 30' soient ajoutés postérieurement, par rapport aux v. 2 et 3 du chap. IX. En second lieu, nous n'oserions pas affirmer que l'original de notre récit contient déjà les mots : <«< il fut soir, il fut matin, tel jour, » répétés six fois. Dans ce cas, la séparation des eaux supérieures et des eaux inférieures, et le dégagement de la terre ou du continent par la retraite de ces dernières dans leurs réservoirs, auraient été considérés comme une seule œuvre approuvée une fois à la fin par le «< et Dieu vit, etc. >>

L'œuvre du premier jour était toute de préparation. Le mot « běrêschît » qui a tant tourmenté les grammairiens 2 ne présente aucune obscurité. La préposition bêt sans voyelle sert en hébreu à la fixation d'une date : le premier du mois se dit be-éhâd, etc. Le premier moment de la création est une date unique dans l'histoire; il ne pouvait être indiqué par aucun mot impliquant l'idée d'ordre et de succession. Bârischônâh, qu'on a souvent réclamé 3, aurait eu ce défaut qu'il fallait éviter. C'est bien une raison analogue qui a fait mettre à la fin du v. 5, yôm éhâd « un jour, » au lieu de yôm rischôn « premier jour; » après le second jour seulement, on pouvait parler d'un premier. On a donc choisi le terme berêschît qui ne sert jamais comme nom de nombre ordinal ou cardinal. Du ciel, mentionné dans le 1er verset, il n'est plus question; il est le séjour, le trône d'ělôhîm, et il est impénétrable. Le schâmayim des v. 7-8, au contraire, est le ciel visible aux humains, la voûte solide qui porte les réservoirs de pluie, et à laquelle seront plus tard attachés les luminaires, l'étendue introduite au milieu de la masse liquide, qui tout entière faisait partie de la terre du premier jour. Cette terre qui embrassait, en outre de l'eau, les ténèbres et le vent, ce chaos créé, diffère également de l'érés du v. 10, qui est la terre proprement dite, distincte du rakîa' et de la mer. Enfin la lumière qui traverse le chaos et doit en éclairer le débrouillement, n'en fait pas moins partie du chaos, et se distingue,

1. Une fois ces deux versets écartés, tous les verbes de notre récit peuvent être lus au pluriel, en y ajoutant à la fin un waw, lettre que l'orthographe phénicienne supprime tou jours. En phénicien, bárd et bâreou, wayyomer et wayyômerou, etc. s'écrivent de la même façon. On s'expliquérait ainsi le pluriel na ǎséh (vers. 26). Le verset 30 seul contient le singulier nåtatti.

2. Ibn Djanâh, Kitâb alousoul, r. rôsch. Ibn Ezra et Raschi dans leurs commentaires.

3. Voy. particulièrement Ibn Ezra, sur ce verset.

dans la pensée de l'écrivain, des corps lumineux, créés le quatrième jour. Il nous paraît puéril de se préoccuper de la possibilité physique d'une telle distinction, de même qu'il est oiseux de se demander, comment avant la création du soleil on pouvait parler de soir et de matin.

La différence que nous avons établie entre le ciel et la terre du premier verset, où l'hébreu présente schâmayim et érés avec article, et entre le ciel et la terre des versets 8 et 10, où l'article ne se trouve pas, ressort surtout dans le verset 4 du second chapitre, verset qui a été tant tourmenté par les interprètes de la Bible. Les chapitres II et III nous racontent des événements qui se sont passés entre Dieu et l'homme; le jardin d'Éden, qui est le théâtre de ces événements, tout terrestre qu'il soit, est presqu'un séjour intermédiaire entre l'habitation de Dieu et la demeure définitive du genre humain. L'histoire (tôledôt), qui plus tard sera celle de l'homme, est cette fois encore l'histoire «< du ciel et de la terre 2, » et elle ajoute, «< lorsque Jâhvé ělôhîm fit «< ciel et terre, » mentionnés dans les versets 8 et 10 du chapitre précédent. Cet écrivain continue: Et aucun produit des champs ne poussait encore sur la terre, etc. Il indique donc nettement le moment qui sépare dans le premier récit la première et la seconde œuvre du troisième jour. L'auteur du second récit, en mettant avec intention d'abord haschschȧmaïm ve-hâârés, et ensuite érés ve-schâmaïm, vise ouvertement le premier récit, bien qu'il s'en écarte sur bien des points et qu'il poursuive un but différent. En effet, la création des plantes lui sert de transition facile à la description du paradis, et à l'histoire du premier couple jusqu'au moment où ils sont obligés de le quitter.

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Nous nous abstenons de tout jugement sur le chapitre III du mémoire : Influence des doctrines persanes sur les Israélites. La création de la lumière dans la Genèse. Certes cette influence sur la doctrine juive pendant et après la captivité est incontestable, et M. d'Eichthal a parfaitement raison, lorsqu'il cite, quelques passages du second Isaïe, destinés à la combattre. D'après ce que nous venons de dire, nous ne pouvons la découvrir nulle part dans le 1er récit de la création. J. DERENBOURG.

II.

Nous sommes heureux de publier sur cette importante question l'avis d'un éminent hébraïsant: mais nous demandons la permission d'ajouter un mot au sujet de l'influence perse, qu'il nous serait difficile de ne pas reconnaître dans le récit de la création. On trouvera naturel que nous nous rangions sur ce point du côté de M. d'Eichthal, ayant nous-même exprimé en plusieurs occasions l'opinion que les croyances perses ont laissé leur empreinte, non pas seulement sur le premier, mais encore sur le second chapitre de la Genèse 3.

1. Les uns l'ont considéré comme la souscription du récit; d'autres comme l'en-tête déplacé de ce récit; d'autres encore l'ont déchiré en deux en rattachant le premier membre au récit, et le second au second récit de la création.

2. Le mot behibbáreám « lorsqu'ils furent créés» est ajouté par l'auteur monothéiste pour prévenir la pensée d'une matière incréée, et vise le " verset du chapitre I. 3. Hercule et Cacus, p. 124. De Persicis nominibus, p. 43.

Quoique le Bundehesh soit de rédaction moderne, le fond de croyances qu'il représente est le même que dans l'Avesta: or, le Bundehesh nous donne un récit de la création qui offre avec celui de la Genèse une ressemblance trop frappante pour que l'un des deux ne soit pas imité de l'autre, à moins que tous les deux ne viennent d'une source commune. Laissant pour le moment de côté cette dernière hypothèse, que M. Derenbourg indique comme possible, mais pour laquelle les moyens de vérification nous font défaut, j'examine si le récit de la création est plus à sa place dans les croyances iraniennes ou dans les croyances du peuple d'Israël. Voici, selon le Bundehesh et selon la Bible, la succession des six créations :

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Non-seulement la disposition du Bundehesh est moins incohérente, mais elle se rattache au reste de la théologie perse, qui place au-dessous d'Ormuzd six grands génies (les Ameshas-çpentas) chargés de veiller sur les différentes parties de la nature. A ces sept divinités sont opposés autant de démons, qui se proposent de détruire l'œuvre de la création. Le plus grand d'entre eux, Ahriman, s'introduit dans le monde sous la forme d'un serpent (c'est la forme habituelle sous laquelle se montre le démon dans les livres iraniens), et il induit en tentation le premier couple (Meshja et Meshjanê, c'est-à-dire l'homme et la femme). Toutes ces idées sont à leur place dans une conception de l'univers où deux principes ennemis sont éternellement aux prises, tandis qu'on ne sait trop quel sens y attacher chez un peuple monothéiste. Dans le reste du Pentateuque il n'est plus fait allusion ni aux sept jours de la création, ni au serpent, ni au jardin d'Eden. C'est seulement plus tard que ce dernier reparaît, et cette fois sous un nom perse (pairidaêza « enclos»). Nous croyons donc qu'il est naturel d'attribuer ce récit à la religion où il fait le mieux corps avec l'ensemble, et si l'une et l'autre religion ont puisé à une source commune, nous pensons que la religion perse est la plus rapprochée de cette source.

Mais du moment que la narration hébraïque doit être considérée comme un emprunt, l'idée d'interversions survenues dans le récit n'a rien d'invraisemblable. M. d'Eichthal ne tire pas seulement ses arguments des fausses idées de physique qu'on y peut découvrir. Il montre certaines anomalies qui, même en se mettant à la place du narrateur, sont difficiles à concevoir. On est étonné, par exemple, de voir qu'il n'y ait pas un jour uniquement pour la création de l'homme. << Rappelons-nous, dit justement M. d'Eichthal, l'origine toute spéciale, la haute

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