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pas reculé devant le fastidieux mais utile travail qui consiste à éplucher les minutes notariales. C'est ainsi qu'il a découvert, au xviio s., un très grand nombre d'imprimeurs dont le nom ne figure sur aucun livre sorti de leurs presses: « Beaucoup avaient un atelier et du matériel qu'ils exploitaient pour le compte d'autres imprimeurs de la ville. Des imprimeurs en chambre, qu'on cherchait à faire travailler à bas prix, se coalisent en 1644 pour fixer un tarif minimum. A côté des compagnons réguliers, il signale les alloués, ouvriers non pourvus de l'apprentissage, inaptes à la maîtrise, mais qui n'en prélevaient pas moins leur part, au détriment des compagnons, sur le marché du travail. On trouvera également ici un grand nombre de contrats de sociétés commerciales, soit pour la publication d'un livre déterminé, soit pour l'exploitation permanente en commun d'un même fonds, soit entre Troyens et habitants d'une autre ville. M. Louis Morin n'a pas manqué de signaler les curieux rapports qui, à Troyes comme ailleurs, existèrent au xvIe siècle entre l'art typographique et l'hérésie protestante. Mais ici, il n'est parfaitement renseigné que sur un côté de la question'.

Les historiens de l'avenir qui voudront décrire le régime du travail au XIXe siècle auront des facilités que M. L. Morin et ses émules n'ont pas connues. Au lieu de chercher péniblement, en groupant des minutes notariales et des préambules d'ordonnances, à se faire une idée plus ou moins exacte de la condition réelle des travailleurs, ils auront en mains, dans la collection de l'Office du travail, des statistiques sérieuses et précises, accompagnées d'une interprétation

Monceaux (les Le Rouge de Chablis sont venus à Troyes), Albert Babeau, Alex. Assier, Émile Soccard, Natalis Rondot.

1. P. 164, à propos de la condamnation de Macé Moreau, M. Morin hésite entre le 5 oct. 1546 ou 1549. L'Hist. eccles. et Crespin disent 1550; M. N. Weiss (Chambre ardente, p. xxxvIII) la place (d'après X2a 98 des Archives nationales) en 1546. — « Un libraire appelé Laurent de Normandie » est l'ami très connu de Calvin. « Un Picard nommé Antoine Marcou est Antoine de Marcourt, le célèbre auteur des placards de 1534. Quant au Livre des marchands (attribué à Antoine de Marcourt, avec la date de 1544, par l'arrêt de condamnation de Moreau, et dont Brunet dit à tort : « Imprimé à Troyes par Macé Moreau »), ce n'est pas du tout (p. 165) un livre inconnu le Livre des marchands, fort utile à toutes gens pour cognoistre de quelles marchandises on se doit garder d'estre trompé, imprimé par Pierre de Vingle en 1533, figure dans l'index de Vidal de Bécanis de 1548-1549 (Bulletin du protestantisme français, t. I, p. 354, et t. XVII, p. 331). — M. L. Morin a joint à son envoi un Mémoire sur les sociétes de secours mutuels aux XVI et XVII° siècles à Troyes (extr. du Bulletin des sciences économiques et sociales). On y remarquera surtout les contrats (véritables sociétés coopératives et syndicats de défense en même temps que sociétés de secours) des écorcheurs (1586) et des encordeurs de bois (1629).

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rationnelle'. Recensements professionnels, statistiques des grèves, que ne donnerions-nous pas pour avoir, lorsqu'il s'agit des siècles passés, des documents de ce genre? Dès à présent, certaines publications de l'Office présentent un intérêt proprement historique. Les deux volumes parus sur les Associations professionnelles ouvrières 2 s'ouvrent par une introduction sur l'histoire de ces associations depuis 1791 et, par endroits, depuis des dates antérieures (le plus ancien document cité est de 1498). On y rencontrera, bien classés, d'utiles renseignements sur la législation de l'ancien régime et des régimes modernes en matière de coalition, sur les compagnonnages, les sociétés de secours mutuels, l'origine des syndicals. L'historien trouvera également à glaner en tête des chapitres relatifs à chaque profession, de même que dans l'introduction du volume sur les Associations ouvrières de production (xIx° siècle) *.

H. HAUSER.

ÉPOQUE CONTEMPORAINE. L'histoire de la Révolution doit une mention reconnaissante à M. MINORET, qui a consacré un volumineux ouvrage à étudier les origines et les vicissitudes de la Contribution personnelle et mobilière pendant la Révolution3. Elle fait partie, depuis cent dix ans, de notre régime fiscal et a traversé tout le XIXe siècle sans presque subir de modification. Elle en a, au contraire, éprouvé de multiples pendant les dix ans de la période révolutionnaire. Confondant en une seule masse les revenus de toute espèce, l'Ancien Régime avait superposé sur eux trois impôts distincts taille, capitation et vingtième. La Constituante eut l'idée absolument nouvelle de substituer à ces trois impôts deux contributions nettement distinctes: la première (contribution foncière) frappant les revenus de la terre; la deuxième (contribution mobilière) ceux du commerce et de l'industrie et les richesses mobilières. De là la loi du 18 février 1794 le loyer servait de base pour fixer le revenu et le revenu pour l'impôt; il y avait en plus des lois somptuaires. Le fonctionnement de la loi nouvelle fut défectueux. En

1. Publications de l'Office du travail (Impr. nat.), en vente chez BergerLevrault.

2. T. I (agriculture, mines, alimentation, produits chimiques, industries polygraphiques), 1899, 1 vol. in-4°, Iv-909 p. T. II (cuirs et peaux, industries textiles, habillement, ameublement, travail du bois), 1901, 895 p. Un troisième volume sera consacré aux métaux, céramique, verrerie, bâtiments, transports. 3. Rédigée sous la direction de M. Finance.

4. 1897, 1 vol., 613 p. L'introduction est surtout précieuse pour le mouvement de 1848.

5. Maurice Minoret, la Contribution personnelle et mobilière pendant la Révolution. Paris, Rousseau, 1900, 1 vol. in-8° de 720 p.

l'an III, l'an V, l'an VII elle fut remaniée selon des inspirations variables. L'expérience permit d'asseoir finalement un régime qui ne s'inspirait plus de pures concéptions théoriques. M. Minoret ajoute de nombreux détails sur la manière dont entrèrent en exercice les diverses lois qu'il énumère et sur les résultats qu'elles réalisèrent. Son ouvrage sera utile à consulter pour l'histoire financière de la Révolution.

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Il y a un livre intéressant à écrire sur les chambres hautes, c'està-dire sur les corps constitutionnels qui durent servir soit d'intermédiaire entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, soit de contrepoids aux chambres basses qui exercent en général dans les États modernes les fonctions législatives, ou qui enfin cumulent ces deux fonctions et quelques autres. Pour ne nous en tenir qu'à la France, tandis que, depuis 1789, on peut dire qu'il y eut une certaine unité de conception dans les chambres basses qui se succédèrent, les chambres hautes, installées par les régimes divers, dérivèrent de principes fort différents et figurèrent de manières fort variées celte représentation des aristocraties qui apparaissait à nombre d'esprits comme nécessairement constitutive d'un bon régime politique. M. Jules RAIS a étudié avec une bonne méthode et une documentation suffisante les diverses solutions qui furent données de 1789 à 1815 d'abord, comment fut conçue et tentée, sous la Révolution, la représentation des intérêts aristocratiques dans une chambre haute; comment elle échoua et quel fut le caractère de la division du pouvoir législatif; comment la représentation d'une aristocratie révolutionnaire apparut sous le Consulat et aboutit, sous l'Empire, à la création du sénat conservateur; comment la représentation de l'aristocratie historique » fut organisée au moment de la première Restauration dans la Chambre des pairs; le changement qu'elle subit pendant les Cent-Jours et au moment de la seconde Restauration par l'établissement de l'hérédité de la pairie. Quelques pièces annexes bien choisies complètent cet utile volume.

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L'ouvrage où lord ROSEBERY 2 a étudié les dernières années de la vie de Napoléon Ier sur le rocher de Sainte-Hélène retrouvera en France, dans l'excellente traduction de M. Augustin Filon, le grand succès de curiosité d'abord et de très vive estime ensuite que l'original a eu en Angleterre. Presque autant qu'à ce que ce volume peut nous

1. Jules Rais, la Représentation des aristocraties dans les Chambres hautes en France (1789-1815). Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1900, 1 vol. in-8° de

348 p. 2. Lord Rosebery, Napoléon. La dernière phase. Traduit par Augustin Filon. Paris, Hachette, 1901, 1 vol. in-16 de x11-329 p.

apprendre sur la personnalité de Napoléon, l'intérêt public va à ce qu'il nous indiquera des pensées et du caractère d'un homme d'État qui, un jour ou l'autre, est susceptible d'être appelé à présider aux destinées de celle des nations de l'Europe dont, à l'heure actuelle, la politique peut avoir les plus graves conséquences le choix du personnage de Napoléon, comme héros de son livre, n'a-t-il pas quelque chose de symptomatique chez le « leader » de l'impérialisme libéral? Hâtons-nous de déclarer que ceux qui, dans l'histoire, cherchent autre chose que de l'histoire, seront déçus. A part quelques allusions ironiques au misérable ministère «tory » qui se fit le geôlier de Napoléon, nul passage de ce volume ne semble avoir été dicté par des idées politiques. Lord Rosebery n'a voulu faire et n'a fait qu'un livre d'histoire, ou plutôt qu'une série d'essais historiques sur Sainte-Hélène, ses hôtes, et naturellement, au premier plan, celui qui était venu y terminer la carrière la plus stupéfiante de l'histoire. Lord Rosebery connaît à fond la littérature de son sujet; s'il n'a recouru à aucune espèce de sources inédites, il l'a utilisée tout entière avec une méthode et une sûreté de critique de premier ordre; je ne crois pas qu'on ait jamais mieux analysé le degré de créance que présentent les différents récits de Sainte-Hélène; l'utilisation, au premier plan, des Mémoires de Gourgaud, récemment publiés, est entièrement légitime; il n'y a pas de doute que le récit de ce pittoresque officier dont nous avons entretenu ici même les lecteurs de la Revue est d'une valeur hors ligne pour l'histoire. Les portraits des personnages de second ordre sont sobres et pleins de justesse à la fois, et de finesse. Quant à celui autour de qui tout converge, il a été décrit avec mesure, critique et profondeur. Ce n'est peut-être qu'en ce qu'il admet un peu sommairement le droit que le gouvernement britannique avait de reléguer Napoléon à Sainte-Hélène que lord Rosebery se montre Anglais. En tout ce qui concerne la personne de Napoléon, sa psychologie, les mauvais procédés dont il fut victime, il apporte non seulement une impartialité irréprochable et cette sympathie intellectuelle pour son héros qu'il faut souhaiter à tout biographe, mais en plus une sorte de passion respectueuse et intelligente à le comprendre que l'on ne saurait priser trop haut. Il ne faut pas trop vulgariser le mot de chef-d'œuvre; nous ne dirons donc pas que le livre de lord Rosebery est un chef-d'œuvre, d'autant plus qu'il a ceci de particulier qu'il n'est pas un livre. Mais, parmi les ouvrages qui sont sortis des « loisirs d'un homme d'État,» il doit être placé au premier plan. Ce n'est pas une constatation dépourvue d'intérêt que d'observer, chez un homme qui peut être appelé à faire l'histoire, autant d'intelligence impartiale à la comprendre.

Les Souvenirs anecdotiques et militaires du colonel Biot1 viennent s'ajouter à l'innombrable collection des mémoires militaires relatifs à l'Empire et à la Restauration. Leur éditeur, le comte FLEURY, les a reçus de M. Georges Froberger, petit-neveu du colonel Biot, et les a accompagnés d'un court avant-propos, de quelques notes et d'un index des noms propres. Le colonel Biot naquit à Lille en 1778 et mourut dans la même ville en 1842. Il fut « un officier brave, intelligent et instruit, bon patriote, dévoué corps et âme à Napoléon. » Son propre témoignage confirme le dire de son éditeur. Si les Mémoires de Biot ne lui vaudront pas la gloire littéraire, ils révèlent, à coup sûr, un bon soldat et un homme de valeur. C'est comme aide de camp du général Pajol, de 1809 à 1815, qu'il vécut les années les plus glorieuses et les plus pleines de sa vie, et ceux de ses souvenirs qui s'y rapportent forment, sans contredit, les pages les plus intéressantes de son livre. Les récits des campagnes de Russie, d'Allemagne et de France ne seront pas renouvelés par ce volume. On y trouvera quelques épisodes intéressants et écrits en bon style. Rien de plus touchant et de plus lamentable que les efforts du brave Biot pour ramener à deux reprises en sûreté son vaillant chef blessé. La fin de la carrière de Biot fut moins troublée, mais moins glorieuse. L'histoire de ses garnisons sous la Restauration et la campagne d'Espagne, en 1823, ne rivalise pas avec l'épopée qui finit à Waterloo. La monarchie de Juillet, à laquelle il se rallia sans empressement mais sans difficultés, lui fut plus dure encore. A la suite de mésintelligences avec un de ses chefs d'escadrons, des délations vinrent le dénoncer au ministère. Il en fut victime et mis à la retraite le 7 janvier 1832. Ses protestations furent inutiles. Un portrait du général Pajol remplace, en tête du volume, la reproduction du seul plâtre qui ait existé de Biot et qui fut brisé par accident.

Depuis longtemps, les historiens de la Révolution et de l'Empire ont souligné tout ce qu'avait d'ambigu la physionomie de Bernadotte, le plus jacobin des maréchaux de l'Empire, le seul des nouveaux venus de la royauté qui ait gardé son trône après 1845. Le livre que M. Léonce PINGAUD lui a consacré 2, s'il ne donne pas de lui d'une manière saisissante le portrait psychologique qu'on eût attendu et désiré, permet de suivre, avec grand détail, toutes les

1. Souvenirs anecdotiques et militaires du colonel Biot..., avec une introduction et des notes par le colonel Fleury. Paris, Vivien, 1901, 1 vol. in-8° de xn-554 p.

2. L. Pingaud, Bernadotte, Napoléon et les Bourbons. Paris, Plon et Nourrit, 1 vol. in-8° de 452 p.

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