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trois ou quatre bandes de montagnes parallèles. Entre ces murailles, orientées du nord-ouest au sud-est, se creusent d'étroites vallées parallèles aussi, que terminent sur la mer des anses ou des golfes. La plus large de ces vallées est la plus méridionale. Elle a vue sur la mer de Kos par une rade circulaire bien abritée, avec une bonne plage pour tirer les bateaux et un bon mouillage par trente-six à vingt-deux mètres d'eau et de vase: c'est la rade de l'Échelle, la Skala. La vallée a un autre débouché sur l'Archipel du large, avec un autre port moins bon, à Linaria. << La population de Kalymnos, disent les Instructions nautiques1, se monte environ à 7,500 habitants, qui vivent, pour la plupart, à la Skala ou bien dans la ville de Kalymnos. Cette ville est bâtie à l'intérieur, au sommet d'une falaise abrupte, haute de plus de 244 mètres; une bonne route y mène en moins d'une heure. » La ville, en effet, se dresse au milieu de la vallée, juste à égale distance des deux ports. C'est là, sur une roche imprenable, qu'elle s'est réfugiée aux siècles derniers, aux temps des corsaires dont parle Tournefort : « Patmos, » dit-il à propos de l'ile voisine, «< Patmos est considérable par ses ports: mais ses habitants n'en sont pas plus heureux. Les corsaires les ont contraints d'abandonner la ville, qui était au port de la Skala, et de se retirer à deux milles et demi sur la montagne, autour du couvent de Saint-Jean2. » De même à Samos, la ville ancienne, voisine de la mer, « était abandonnée depuis longtemps, et, pour se mettre à couvert des insultes des corsaires, on s'est retiré sur la montagne3. »

Aujourd'hui, les corsaires disparus permettent aux insulaires de ramener leurs villes à la côte; on redescend aux Échelles. A Kalymnos et à Patmos, les Échelles sont redevenues les grands. centres de population. Sur leurs montagnes, les vieilles villes de l'Archipel franc sont presque désertées. Elles subsistent encore, mais vides, avec leurs églises et leurs cultes, qui appellent à certains jours les prêtres et les fidèles de la Skala. Ces panégyries annuelles repeuplent pour quelques heures les rues abandonnées sur le rivage de la Messénie, Pausanias nous décrit de

1. Instr. naut., no 691, p. 217. On appelle Instructions nautiques les publications officielles du service hydrographique de la Marine pour la navigation à voile et à vapeur.

2. Tournefort, Lettre X. 3. Tournefort, II, p. 114.

même une vieille ville de Thouria, perchée en haut d'une falaise, où il ne reste qu'un temple de la déesse syrienne; les habitants sont descendus dans la plaine1.

Des textes anciens comme des faits récents, voici donc une loi topologique qui ressort formelle et constante: les vieilles villes indigènes de l'Archipel sont éloignées de la mer, perchées au sommet des monts. Or, il se trouve que toutes les Astypalées de l'Archipel hellénique échappent à cette loi : toutes sont situées au bord de la mer, toutes celles du moins dont nous connaissons l'emplacement exact. Une seule fait exception: l'Astypalée samienne. A Samos, en effet, Polyen nous dit que Polycrate fortifia l'acropole nommée Astypalée, τειχίσας ἀκρόπολιν τὴν καλουμένην Αστυπά

zv. Cette Astypalée samienne rentrerait dans le type des vieilles villes grecques semblable à l'acropole d'Athènes ou à l'Acrocorinthe, elle est sur la hauteur, à une certaine distance de la mer. Mais si, par le site, cette Astypalée semble grecque, nous verrons que son nom même de Samos ne semble pas hellénique. En outre, nous pouvons constater aujourd'hui que la capitale des Grecs, maîtres de l'île, n'est pas installée sur les ruines de cette ancienne cité. Tournée vers le sud, la Vieille Ville était assise au bord du détroit, comme un port de transit. La capitale contemporaine est assise sur la côte nord, au fond de la meilleure rade et en face de l'Asie Mineure. Ce déplacement n'est pas fortuit ni causé par des nécessités passagères, puisque dès l'antiquité le même phénomène s'est produit, et nous l'étudierons plus loin, pour les capitales de Kos et de Rhodes : le jour où les Hellènes ont vraiment disposé de ces îles, ils en ont installé la capitale sur la côte nord, en face de l'Asie Mineure, en tournant le dos à de plus vieux établissements. Si, dès l'antiquité, les Hellènes, devenus maîtres de Samos, ne délaissèrent pas ce vieil emplacement, c'est qu'un sanctuaire vénéré et des traditions religieuses rivaient la capitale à ce site préhellénique cette côte méridionale était le domaine, le séjour préféré de la grande déesse Hèra.

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Des cinq autres Astypalées, celle de Rhodes ne nous est connue que de nom. Kiepert croit pouvoir la placer tout au sud de l'île, sur un promontoire rocheux, véritable îlot rattaché à la côte par

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une langue de sable, que les Grecs modernes appellent Prasonisi. Mais il ne donne aucune raison de son hypothèse, sauf peut-être la ressemblance des autres Astypalees.

L'Astypalée de Carie est un promontoire, ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς ἠπείρου Αστυπάλαιά ἐστιν ἄκρα', sur la côte entre le cap Termerion et le port Myndos, en face des îles Argées. C'est le même emplacement, sans doute, que d'autres appellent Пakatà Móvèog, la vieille Myndos, Myndus et ubi fuit Palaemyndus, dit Pline. La nouvelle Myndos datait de la première colonisation grecque; la tradition la rattachait aux Trézéniens et à leurs plus anciennes fondations3. Nous pouvons donc nous demander si la vieille Myndos, antérieure à ces Trézéniens, est une ville hellénique.

L'Astypalée d'Attique est en un site exactement pareil. C'est un promontoire en face d'un îlot : « Entre le Pirée et le cap Sounion, » dit Strabon, « on rencontre d'abord le promontoire Ζώστης, puis le promontoire Astypalée, ἄλλη ἄκρα Αστυπάλαια, qui, chacun, ont en face d'eux une île, l'îlot Phabra et l'îlot Eléoussa, πρόκειται νῆσος Ἐλεοῦσσα. » Les cartographes contemporains ont identifié cette Astypalée avec la butte rocheuse qui ferme à l'ouest la rade d'Hagios Nikolaos, en face de l'île Arsida. << Il est impossible, » dit Kiepert, « d'imaginer une ville sur cette butte, qui mesure à peine mille pas de circuit et qu'un isthme de sables et de marais rattache à peine à une côte sans ressources. » Il est impossible, en effet, qu'un peuple maître du continent se soit jamais installé en pareil endroit. Mais, sur cette butte, la présence actuelle d'une chapelle de Saint-Nicolas prouverait, à elle seule, que les marins de tous les temps trouvèrent quelque commodité à la possession de ce promontoire. Saint Nicolas, dans la Grèce moderne, a remplacé le dieu des mers: il est le protecteur des matelots et souvent ses chapelles s'élèvent sur les ruines d'un temple de Poseidon. Cette anse d'Astypalée est, à l'ouest du Sounion, la première relâche à peu près sûre pour les barques et les bateaux venus du large : « Le port San-Nikolo, » disent les Instruc tions nautiques, « est convenable l'été pour les caboteurs; mais,

1. Strabon, XIV, ш, 20.

2. Pline, V, 29; cf. Ét. de Byz., s. v. Múvôoç.

3. Pausanias, II, 30, 9.

4. Strabon, IX, 1, 21.

5. Karten von Attika, Text, III, 21.

comme il est ouvert au sud, il n'est pas convenable en hiver1. » Au fond du port, une plage de sable et de marais salants offre un débarcadère commode, surtout pour les vaisseaux d'autrefois que l'on halait à terre. Le pays voisin n'est pas très habité. Nous verrons que cette relâche d'été et cette plage de halage est une station tout indiquée pour les marins de l'Égée primitive.

Les deux dernières Astypalées sont des villes : l'une est dans l'île de Kos; l'autre est dans l'île que les Anciens appelaient du même nom d'’Actoñáλxia, d'où les modernes ont fait Stampalia. La première a disparu entièrement; mais nous en pouvons retrouver le site exact. Strabon nous dit qu'elle était au bord de la mer : « La ville des Koïens était autrefois Astypalée. Elle était située dans une autre partie de l'île, au bord de la mer néanmoins, comme la capitale actuelle, ἐν ἄλλῳ τόπῳ ὁμοίως ἐπί θαλάττης. » De l'avis de tous les explorateurs, cette Astypalée ne peut être située qu'à l'extrémité sud-occidentale de l'île, sur le promontoire recourbé qui, dans cette ile balayée de tous les vents, forme, à vrai dire, la seule rade abritée. La carte de Kiepert indique avec raison la vieille Astypalée auprès du hameau actuel de Stampalia. M. Paton, ayant longtemps séjourné à Kos et étudié l'île dans le plus grand détail3, ne voit pas d'autre emplacement possible pour la Vieille Ville. Mais il ne peut comprendre non plus les raisons de celui-là, et, en effet, le choix de cet emplacement semble à première vue tout à fait paradoxal. Que l'on jette seulement les yeux sur la forme et sur la situation de l'île.

L'île de Kos, par sa conformation, regarde vers le nord. Toute la côte sud, du cap Fourka au cap Krokilos, n'est qu'une montagne tombant à pic dans la mer. La côte nord, au contraire, borde une plaine fertile, bien arrosée, rafraîchie par le vent du nord: Anciens et Modernes en ont toujours vanté l'agrément et la salubrité. L'île de Kos, d'autre part, regarde vers l'est, de par sa situation au bord du continent asiatique. Elle ne peut avoir de débouchés commerciaux que vers ce continent. Et le détroit qui la sépare de l'Asie est un passage très fréquenté par les navires qui vont de Smyrne à Rhodes et inversement. Donc, conformation de l'île et situation du détroit, ces deux forces, attelées en quelque façon à la

1. Instr. naut., no 691, p. 151.

2. Strabon, XIV, 657.

3. Paton et Hicks, Inscr. of Kos. Oxford, 1891.

capitale de Kos, devaient avoir pour résultante la direction nordest. En effet, du jour où ces forces travaillent librement, du jour où Kos prend conscience d'elle-même, elle installe sa nouvelle capitale au bout de la plaine fertile et sur le bord du canal, près de la pointe nord-est, dans un site exactement symétrique, mais exactement opposé aussi à l'emplacement d'Astypalée. La ville actuelle est encore en cet endroit et Paton a cent fois raison de dire que << s'installer ailleurs c'est renoncer à toutes relations avec le monde. »

Mais Paton raisonne en citoyen de Kos. Si le nouveau site répond à tous les besoins des indigènes, peut-être n'est-il pas conforme à tous les désirs des marins étrangers. Les côtes nord et nord-est de l'île sont de dangereux parages, où les calmes plats alternent avec les violents coups de vent du nord ou du sud-est. Il faut sans cesse veiller au vent, prévoir les rafales et, dès que le ciel menace, chercher un mouillage et bien asseoir ses ancres: << Entre la petite île de Palatie et un cap que je ne connois que sous le nom turc de Karabagda, qui signifie Dans la vigne noire, le calme nous obligea de rester un peu de temps. Toutefois, le premier jour d'octobre, nous nous efforçâmes dans le canal qui sépare la terre ferme de l'île de Co... A peine avions-nous passé la nuit que tout d'un coup un vent contraire s'éleva, qui nous contraignit de relâcher et de retourner sur nos pas, et, continuant le lendemain, qui étoit le 2 du mois, il nous fit résoudre de donner fonds pour prendre quelques nouvelles provisions dans cette île de Co... Je m'avançai un peu dans la campagne, que je trouvai parfaitement belle, mais principalement la plaine, qui est aux pieds des montagnes et où la ville est située. De vray, elle estoit toute verdoyante d'orangers, de limons et de toutes sortes de fruits, et enfin cultivée en toutes ses parties et remplie de quantités de vignes et de plusieurs beaux jardins. J'entrai ensuite dans la ville, qui est jolie et assez peuplée..... Je me retirai dans notre galion. Le lendemain, néanmoins, on ne parla point de lever l'ancre, parce que nous avions toujours le vent contraire, et, comme le ciel et la mer nous menaçoient d'une grande tempeste, je ne voulus point sortir du vaisseau, parce que le lieu où nous avions pris terre n'estoit pas un port, ni même un endroit assuré pour nous... La nuit qui précéda le 4 d'octobre, feste de saint François, le mauvais temps s'augmenta. Mais, comme notre vaisseau estoit d'une grandeur extraordinaire, que

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