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celle-ci parla d'entrer au couvent plutôt que d'épouser César1. Pour obtenir la dispense nécessaire au mariage qu'elle projetait, Mme de Mercœur s'était adressée au nonce, puis directement au pape. Le roi pouvait facilement neutraliser cette demande; il en chargea son ambassadeur à Rome, M. de Brèves2. Il lui était plus difficile de vaincre l'obstination de la princesse et l'opposition de Mayenne: Henri IV s'adressa au duc de Lorraine.

Le mariage de Françoise était subordonné au consentement de Henri II, comme chef de la maison de Lorraine, et à celui de son frère le comte François de Vaudémont, représentant de la branche dont était issu le duc de Mercœur3. M. de Chan vallon, surintendant des affaires de Lorraine en France, venu à Nancy à la mort de Charles III, acheta le consentement du duc. Grâce à une pension de 12,000 écus, Henri IV obtint « un pouvoir par escrit et verbal de declarer et accomplir tout ce qui seroit necessaire pour le mariage'. Muni de cette pièce, le roi se rendit incognito à Paris et descendit à l'hôtel de Mayenne où les Guise étaient assemblės. Les princes lorrains, intimidės, consentirent au mariage et signèrent le contrat5.

L'opposition de la duchesse n'en continua pas moins. En vain les conseillers du roi, Sully, Sillery et Villeroy essayaient-ils de la réduire et le duc de Luxembourg, son parent, s'efforçait-il de lui persuader d'envoyer sa fille auprès de la reine, pour découvrir si la répugnance qu'elle témoignait à César venait d'ellemême ou lui était dictée7; rien n'y fit. L'évêque de Verdun, Erric de Lorraine, beau-frère de la duchesse, appelé par le roi pour sermonner sa nièces, n'avait pu en venir à bout. Après

1. Instructions à M. de Breves, allant resider ambassadeur à Rome, en may 1608 (Bibl. nat., fonds Colbert Ve, t. 107, fol. 86 v; L'Estoile, t. IX, p. 81). 2. Lettres missives des 12 et 16 mai 1608, t. VII, p. 550 et 552, et Instructions citées.

3. Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, était fils de Nicolas de Vaudémont, second fils du duc de Lorraine Antoine.

4. Instructions au baron de la Chastre, mai 1608, et à M. de la Clielle, juin 1608 (Annales de l'Est, t. XV, p. 87 et 92).

5. Instructions à M. de la Clielle (Ibid., p. 92), et Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, t. V, p. 567-568.

6. Lettres missives des 13, 17 et 22 mai 1608, t. VII, p. 550, 555 et 556.

7. Négociations avec la Toscane, t. V, p. 568. Mme de Mercœur était une Luxembourg-Martigues.

8. Instructions à M. de la Clielle (Annales de l'Est, t. XV, p. 90). Cf. Lettres missives du 2 juin, t. VII, p. 563, et L'Estoile, t. IX, p. 81-82.

avoir épuisé tous les moyens de conciliation, il ne restait plus à Henri IV qu'à obliger Mme de Mercœur à s'exécuter en lui intentant une action judiciaire. D'après les termes du traité conclu en 1598, le roi pouvait, en cas de dédit, réclamer à la duchesse cent mille écus comptant, lui en faire payer deux cents mille autres et se faire amener la princesse; mais il préférait avoir pour lui la légalité1.

Pour gagner le procès que Henri IV pensait faire à Mme de Mercœur, le consentement de Henri II ne suffisait plus; Chanvallon devait déclarer en justice la volonté du duc de Lorraine et celle du comte de Vaudémont. Henri IV chargea son maître d'hôtel ordinaire, M. de la Clielle, d'aller à Nancy retirer les pièces nécessaires. Le choix du roi était significatif. Depuis qu'il avait conclu la paix avec Charles III, Henri IV n'avait pas envoyé en Lorraine d'ambassadeur pour traiter d'affaires politiques. La Clielle, que le roi chargeait d'une mission de confiance, connaissait les affaires du duché. Envoyé plusieurs fois comme ambassadeur à Florence pendant la Ligue, il avait réclamé les bons offices du grand-duc pour amener la paix entre Henri IV et Charles III. Il devait, cette fois, accompagner l'évêque de Verdun qui s'en retournait en Lorraine et retirer de Henri II un pouvoir, de François de Vaudémont une procuration au nom de Chanvallon pour le mariage du duc de Vendôme et de Mile de Mercœur3.

Henri II et son frère s'exécutèrent et bientôt Mme de Mercœur en fit autant. Sa fille fut élevée auprès de la reine; le mariage eut lieu le 7 juillet 16094. César de Vendôme, devenu duc de Mercœur, devait, par lettres patentes du 15 avril 1610, enregistrées le 4 mai, « recevoir rang et seance immediatement apres les princes estrangers », c'est-à-dire de Lorraine, de Savoie et de Nevers. De ce côté, Henri IV avait pleinement réussi et il en témoigna sa reconnaissance au comte de Vaudémont, comme il

1. Instructions à M. de la Clielle, p. 93.

2. Cf. Annales de l'Est, t. XV, p. 89-90.

3. Instructions, p. 90. Cf. Lettres missives du 8 juin 1608, t. VIII, p. 959. Cette lettre, adressée au duc de Lorraine, avait été déjà imprimée avec celle du comte de Vaudémont comme étant de 1598, IV, p. 942 et 943.

4. L'Estoile, t. IX, p. 313.

5. Bibl. nat., coll. Brienne, t. 267, fol. 82, et arch. des Affaires étrangères, f. fr., t. 767, fol. 169.

6. Lettres missives du 23 décembre 1608, t. VII, p. 654 et 655.

l'avait fait déjà au duc de Lorraine et à l'évêque de Verdun'. Pendant qu'il mariait son premier bâtard, Henri IV réussissait à pourvoir le second de l'évêché de Metz. Le cardinal Charles de Lorraine, détenteur de ce siège, avait fait trop de mal au roi pour qu'il ne songeât pas à en assurer la succession à un serviteur dévoué. Dès 1601, Henri IV avait fait sonder le pape sur la coadjutorerie de cet évêché; mais cette demande, timidement faite et assez froidement accueillie par Clément VIII2, ne lui fut sans doute pas renouvelée. En vain, le roi avait-il réclamé l'indult pour les trois évêchés, le pontife le lui avait refusé. Henri IV songea alors à en assurer les sièges à ses candidats. Il choisit pour Metz le marquis de Verneuil. A la mort du cardinal de Lorraine (24 novembre 1607), les chanoines de Metz postulèrent en sa faveur; mais le prince était trop jeune, ils échouèrent3. Le roi, qui s'était déjà vu refuser l'abbaye de SaintSymphorien-lès-Metz', se contenta de réclamer pour son fils l'expectative de l'évêché dont le siège serait donné au cardinal de Givry 5.

Henri IV s'était flatté d'obtenir facilement cette satisfaction". En dépit du zèle que le roi mettait à réformer les abbayes de France et celles de Metz en particulier, son ambassadeur à Rome, M. d'Alincourt, ne parvenait point à obtenir de Paul V le « tiltre de l'evesché » pour le cardinals. Henri IV changea d'ambassadeur. M. de Brèves, rompu dans la diplomatie par un long séjour à Constantinople, fut envoyé à Rome avec les expéditions nécessaires pour obtenir la nomination de Givry. Le nouvel ambassadeur réussit; le cardinal obtint le siège de Metz dont l'expectative était garantie au marquis de Verneuil".

A Rome, le nouvel évêque avait défendu les intérêts français

1. Instructions à M. de la Clielle (Annales de l'Est, t. XIV, p. 90-92).

2. Lettres du cardinal d'Ossat, éd. Amelot de la Houssaye, t. IV, p. 507.

3. Histoire de Metz par les Bénédictins, t. III, p. 189.

4. Lettres missives du 7 février 1608, t. VII, p. 106.

5. Ibid., 28 et 30 novembre, 24 décembre 1607 et 7 février 1608, t. VII, p. 391, 394, 399 et 486-487.

6. Ibid., 13 décembre 1607 et 28 mars 1608, t. VII, p. 397 et 503. Cf. Négociations avec la Toscane, t. V, p. 567.

7. Lettres missives, année 1607, t. VIII, p. 404-406.

8. Ibid., 28 mars 1608, t. VIII, p. 503-504 et 539.

9. Ibid., 13 et 26 mai 1608, t. VII, p. 551 et 558; Instructions à M. de Brèves

citées plus haut (p. 35, n. 1), fol. 83 et 86; Histoire de Metz, t. III, p. 190.

contre les Lorrains. Le protonotaire Antoine de Lenoncourt, qui avait succédé au cardinal de Lorraine comme primat de la collégiale de Nancy, essayait d'obtenir de Paul V « quelques privilèges et prérogatives » en faveur de cette église pour acquérir une juridiction sur les collégiales dépendant de l'évêché de Metz; il songeait à annexer à sa primatiale le prieuré de Lay, du diocèse de Toul, au préjudice de l'abbaye de Saint-Arnould de Metz. L'ancien vice-lėgat du feu cardinal, le Viardin, était parti à Rome pour défendre ces prétentions. M. de Brèves pria le pape de ne rien octroyer à l'église de Nancy au détriment des évêchés de la protection du roi; Givry combattit les entreprises du Viardin et réussit à maintenir dans leur intégrité les droits de l'évêché de Metz1.

Le roi, reconnaissant, prépara au cardinal une réception splendide (14-17 juin 1609); mais les honneurs qu'il lui fit rendre n'étaient qu'un encouragement à le bien servir. Suivant les ordres de Henri IV, Givry s'efforçait de remédier aux abus que son prédécesseur avait introduits dans le diocèse : il obligea les vassaux de l'évêché et surtout les Lorrains à lui faire leurs reprises3 et se fit remettre les titres de fondation, les privilèges et les statuts des abbayes et des prieurés pour les garantir contre toute nouvelle prétention lorraine. Cependant, l'évêque de Metz n'était pas chez lui. En dépit des services qu'il lui rendait, Henri IV ne considérait Givry que comme le représentant de son fils naturel. Le cardinal n'avait le droit de « pourveoir à aucunes charges, n'innover en rien ès terres de l'évêché de Metz » sans en avoir donné avis au roi; c'était Le Maire, surintendant des biens du marquis de Verneuil, qui devait présenter à l'évêque, de la part de Henri IV, les candidats aux bénéfices3.

Maître absolu de l'évêché, le roi l'était aussi de la cité de Metz, celle des villes de protection qui lui était le plus dévouée. Henri IV en ménageait le gouverneur, M. d'Épernon, qu'il

1. Lettres missives des 16 avril et 16 juin 1608, t. VII, p. 523 et 572; Instructions à M. de Brèves, fol. 86.

2. Lettres missives du 3 juin 1609, t. VIII, p. 714-717, et Histoire de Metz, t. III, p. 192.

3. Lettres missives des 21 septembre et 14 octobre 1609, t. VII, p. 771 et 783. Cf. Bibl. nat., coll. Dupuy, t. 492, fol. 51. Le comte de Torniel vint faire les reprises de Henri II (arch. de la Meurthe, B 1317, fol. 273 v°).

4. Histoire de Metz, t. III, p. 193.

5. Lettres missives du 21 octobre 1609, t. VII, p. 791.

redoutait, mais faisait assez bon marché des privilèges municipaux. En 1609, il enleva aux magistrats de Metz le droit de nommer les gouverneurs des places de l'évêché1. Seuls, les Lorrains lui suscitaient des difficultés à Metz, à propos de l'exécution de certains traités passés entre Charles III et les rois de France et surtout des «< confins des pays messins ». Cette dernière question, soulevée en 1608, était encore pendante deux ans après, malgré plusieurs conférences tenues en 1609 2.

La possession des deux autres villes de protection, Toul et Verdun, dont les évêques avaient le titre de comte et dont François de Vaudémont était gouverneur, préoccupait à bon droit Henri IV qui s'efforçait d'y transformer sa protection en une véritable souveraineté. Toul surtout l'inquiétait. L'évêque, Christophe de la Vallée, créature du cardinal de Lorraine, n'avait cessé de s'opposer à l'autorité royale; Henri IV profita de sa mort pour établir sa souveraineté dans l'évêché et dans la cité. En dépit des efforts de d'Alincourt et du cardinal de Givry, le pape avait refusé d'accepter pour le siège un candidat français. M. de Maillane, frère du ministre lorrain, fut nommé à Toul3; mais le roi exigea qu'il lui jurât fidélité. Le nouvel évêque fit d'abord des difficultés pour prêter ce serment; la forme en fut longuement débattue'. Henri IV tint bon et de Maillane vint à Fontainebleau jurer entre les mains du roi, le 8 juillet 1608. Dans ce serment, il n'était plus fait de réserves touchant les droits de l'Empire sur la ville de Toul; bientôt l'ancien comte-évêque allait être qualifié par le roi d'« evêque au comté de Thoul ». Le chapitre de la cathédrale jura également fidélité (23 août)3. Ainsi, celui des trois évêchés qui était resté le plus indépendant de la France reconnut l'autorité de Henri IV.

1. Histoire de la ville de Metz, par J. Worms, p. 183.

2. Lettre du lieutenant général de Metz à Henri II, 8 novembre 1608 (Bibl. nat., coll. de Lorraine, t. 568, fol. 34; Lettres missives du 22 octobre 1608, 1. VII, p. 618 (reproduite à tort en 1609, p. 791), et du 31 octobre 1609, p. 795). Cf. coll. Dupuy, t. 188, fol. 5 et 28, et t. 586, fol. 42.

3. Lettre de Baret à Charles III du 14 avril 1607 (coll. de Lorraine, t. 14, fol. 36). Cf. de Pimodan, Histoire de la réunion de Toul à la France, p. 347 et suiv.

4. Lettres du nonce Ubaldini, 1608 (Bibl. nat., ms. ital. 1264, fol. 130 vo et 145). 5. Articles presentez au Roy par M. l'evesque de Toul, respondus à Sa Majesté avec le serment fait au Roy par le sieur evesque » (arch. des Affaires étrangères, fonds Lorraine, t. VII, non paginé). Cf. de Pimodan, ouvr. cit., p. 356-359.

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