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pape1. Quand fut signé le traité de Hall, la Ligue venait d'être définitivement conclue à Wurtzbourg (10 février 1610)2. Le duc de Bavière, Maximilien, beau-frère de Henri II, en était le chef. Les électeurs ecclésiastiques et le roi d'Espagne avaient songé à y faire entrer la Lorraine3; il était à craindre que Maximilien ne l'y entraînât. Dans les armées que préparaient les Impériaux, la plupart des capitaines étaient lorrains. Les princes protestants réunis à Hall prièrent le roi de déclarer à Henri II que, s'il ne voulait favoriser leur cause, il observât du moins la neutralité qu'il avait promise. En même temps, ils écrivaient au duc pour lui demander de ne pas tolérer les levées d'hommes qui se faisaient contre eux en Lorraine. Henri IV chercha à donner satisfaction à ses alliés. « Mon frere le duc de Lorraine m'a donné esperance de favoriser mes armes en ceste execution, répondit-il à Boissise. Mais il ne peult pas empescher ses subjectz de prendre party à la guerre où bon leur semblera. Toutesfois, j'espere de faire avec luy que le nombre de ceux qui me serviront surpassera celui des autres ». Henri II répondit à son tour aux princes de l'Union le 1er mars. Pour assurer ses États contre les troubles qui pouvaient résulter de la succession de Juliers, il avait, disait-il, depuis trois mois, défendu à ses sujets d'aller servir à l'étranger, et il venait de renouveler à ses baillis et aux gouverneurs de Lorraine l'ordre d'y tenir la main". Malgré ces promesses et ces déclarations, il y avait en Allemagne, au mois d'avril, « cinq ou six cens chevaux levés en Lorraine pour le service de Léopolds »; d'ailleurs, à cette époque, le

1. Philippson, t. III, p. 389. Cf. Lettres missives du 22 février 1610, t. VII, p. 840.

2. Allgemeine deutsche Biographie, art. Maximilian I, t. XXI, P. 5. 3. Briefe und Akten, t. VI, p. 674, 706, et t. II, p. 533.

4. Ibid., t. III, p. 87, n. 1, détail tiré de la lettre de Boissise au roi du 10 février 1610 (coll. Godefroy, t. 265, fol. 104. Original).

5. Briefe und Akten, t. III, p. 121 et suiv. Le baron Dohna, envoyé en France pour remercier Henri IV, était chargé de cette lettre. Il avait également pour mission d'empêcher, ou tout au moins de retarder, directement en Lorraine ou indirectement par le roi, les enquêtes d'une commission que l'archiduc Léopold avait envoyée dans le duché, sans doute vers la duchesse de Clèves (Ibid., p. 110, n. 1).

6. Lettre du 23 février 1610 (coll. Dupuy, t. 765, fol. 31). Cf. Briefe und Akten, t. III, p. 121.

7. Briefe und Akten, t. III, p. 122.

8. Boissise à Henri IV, 17 avril 1610 (coll. Dupuy, t. 765, fol. 45 v°).

comte de Salm, dont les possessions étaient enclavées dans le duché, se voyait assailli par ses propres sujets, et leur désir de servir la cause impériale était tel qu'il devait leur donner en masse la permission de partir1.

Les armements toujours croissants de Henri IV pouvaient pousser le Lorrain à protéger ses États; c'étaient les conseils des Espagnols qui l'amenaient à s'opposer au roi et à prendre parti pour les Impériaux. Au commencement de l'année 1610, Philippe III, alarmé des dispositions de Henri IV vis-à-vis de la Lorraine, avait prié son ambassadeur en France de lui faire connaître jusque dans les moindres détails les négociations entreprises par le roi en vue du mariage de l'héritière de Lorraine. Au dauphin, il voulait, disait-il, opposer son fils aîné, l'infant don Philippe'. Cardenas n'avait sans doute pas sous la main l'homme de confiance qu'il lui fallait pour accomplir cette mission, car ce fut seulement le 5 avril qu'il informa son souverain de l'exécution de ses ordres. Quelques jours auparavant, l'ambassadeur avait dépêché auprès de Henri II un religieux entendu aux affaires, d'origine italienne3. Depuis le départ de cet envoyé, les troupes de Henri IV augmentaient sur les frontières de Champagne1. On pouvait trouver là un excellent prétexte pour persuader au duc de Lorraine que l'armée française n'était là que pour l'obliger, soit par intimidation, soit de force, à conclure le mariage de Nicole et du dauphin. Il fallait donc conseiller au duc, avant que le roi de France en pût être averti, d'envoyer sa fille en Bavière pour la mettre à l'abri de tout enlèvement; aussi Cardenas pensait-il dépêcher immédiatement en Lorraine un second agent qui devait, tout d'abord, s'adresser au comte de Torniel pour appuyer le religieux, conseiller la

1. Lettre au prince palatin, 4 avril 1610 (Briefe und Akten, t. III, p. 181). 2. Arch. nat., K 1452, pièce 94. Lettre de Philippe III à Cardenas, du 15 janvier 1610, reproduisant une délibération du Conseil d'État du 5 (Ibid., K 1426, pièce 1).

3.

Un religiose de consideration ». C'est seulement dans la dépêche du 28 avril que Cardenas dit « un religiose italiano ».

4. Dès le mois de mars, Henri IV parlait de renforcer les armements qu'il s'était engagé à faire à Hall. « Au lieu de huict mil hommes de pied et de deux mil de cheval..., je fais assembler plus de vingt mil hommes ». Lettre à Boissise, 4 mars 1610 (coll. Dupuy, t. 765, fol. 39). Au mois d'avril, il augmentait encore ses forces; le 4, il devait avertir Henri IV de leur approche (Annales de l'Est, t. XV, p. 103, n. 1).

nouvelle mesure à prendre et proposer le mariage espagnol'.

Un courrier fut, semble-t-il, envoyé en Lorraine2. Dès lors, tout marcha vite, sinon à la satisfaction de Henri II. A la fin du mois d'avril, don Iñigo rendait compte à son maître de la mission du religieux entre les mains duquel il avait remis les intérêts de l'Espagne. Le récit de l'entrevue du moine et de Henri II est des plus intéressants: la scène eût mérité la plume d'un Bassompierre. Dans cette dépêche longue, mais sèche, il y a tout un drame. On y voit se dérouler les artifices de la diplomatie espagnole aux prises avec les terreurs du malheureux duc, pusillanime, irrésolu, mais avouant naïvement ses craintes et les raisons de son indécision, se trahissant ingénuement comme il l'avait fait devant Bassompierre3. Aux ouvertures que l'Italien lui avait faites des projets matrimoniaux du roi de France, Henri II répondit qu'il en avait déjà « quelques indices et soupçons » lorsque l'archiduc de Flandre l'en avait avisé. Cependant, il paraissait affligé et perplexe; pressé de questions, il avait fini par avouer qu'un de ses plus zélés serviteurs qu'il ne nommait pas, mais qui était le comte de Torniel1, envoyé auprès de Sa Majesté catholique, en avait reçu le meilleur accueil et entendu quelques propositions d'alliance entre la Lorraine et l'Espagne Philippe III semblait désirer marier à l'héritière du duché sinon l'infant, du moins son second fils don Carlos en lui donnant l'investiture des Pay-Bas. C'était,

1. Dépêche du 5 avril 1610 (Arch. nat., K 1462, pièce 95; Briefe und Akten, t. III, p. 177-178). Cf. avis du Conseil d'État du 27 avril (Arch. nat., K 1427, pièce 20, et K 1608, pièce 65).

2. C'est à cette personne plutôt qu'au religieux que nous rapportons cette indication, tirée des comptes de Cardenas, du mois de mai 1609 à la fin d'avril 1610, dépenses secrètes: «Una persona que per orden de S. M se embio a Lorena a haçar cierta... de ymportantia seledro una cadena de triescentos escudos de oro de peso » (Arch. nat., K 1427, pièce 24). Les dépenses faites par le religieux « en la jornada de Lorena» mentionnées dans la pièce 28 parmi d'autres fonds secrets furent certainement plus considérables. D'ailleurs, un semblable présent ne convenait guère à un religieux.

3. Le tableau, s'il était plus « écrit », mériterait, tout aussi bien que le récit de l'ambassade de Bassompierre, l'épithète de « romanesque » que Philippson donne à ce dernier. Les raisons alléguées à Henri II et les propositions des Espagnols sont encore ici plus monstrueuses et plus irraisonnables que celles du marquis. C'est pour nous une raison de plus de croire à la véracité de Bassompierre.

4. Y era bien entendido que era el conde de Torniel. Cette phrase est entre tirets dans l'original.

du moins, ce que la cour de Madrid avait donné à entendre à l'envoyé de Henri II1.

Le duc se montrait fort honoré de cette proposition, et peutêtre l'eût-il acceptée plus facilement que celle de Henri IV si sa famille y eût consenti; mais sa femme et son frère n'en voulaient point. Toute dévouée aux intérêts de son oncle, que venait d'embrasser son père, la duchesse Marguerite désirait marier Nicole au dauphin; ce projet la passionnait tellement qu'elle ne voulait plus en attendre la réalisation : elle menaçait son mari s'il n'y consentait d'emmener sa fille en France et de rester auprès de la reine pour garantir la sécurité de l'enfant et la sienne propre. Aussi Henri II ne pouvait-il envoyer Nicole en Bavière comme le lui conseillaient les Espagnols; d'ailleurs, le péril lui paraissait moins imminent qu'on ne le lui faisait craindre3. D'autre part, le duc « voyait avec une grande peine » le comte de Vaudémont lui proposer de marier son fils aîné, Charles, à Nicole; mais les prétentions et les droits de son frère lui paraissaient trop considérables pour être négligés. En vain, le religieux fit-il briller aux yeux de Henri II l'honneur et les avantages que lui apporterait le mariage espagnol; le duc répondit qu'à coup sûr, d'une alliance avec l'Espagne ou la France, il n'hésiterait pas à préférer la première, mais qu'il ne pouvait pas plus l'accepter que l'autre.« Si je donne ma fille à Sa Majesté catholique, disait-il en substance, mon frère s'en ira en France, bouleversera la chrétienté et la guerre retombera sur mes États; si je l'accorde à Henri IV, le comte se réfugie en Espagne, et c'est encore la guerre; en la réservant à mon frère, je cours autant de risques à cause de la passion qu'apporte ma femme aux intérêts français. » Telles étaient les dispositions où le religieux italien avait laissé le duc de Lorraine. De l'avis de Cardenas, le meilleur parti à prendre était de laisser Nicole épouser son cousin Charles'.

1. Serait-ce à cette occasion que Henri II reçut l'offre d'une pension de 6,000 écus, dont il est question dans le post-scriptum d'une lettre du duc à Cardenas? (Des Robert, la Jeunesse de Nicole de Lorraine (Mémoires de l'Académie de Stanislas, année 1888, p. 301). Nous ne le savons pas; rien dans la correspondance et les comptes de Cardenas n'ayant trait à une pension de ce genre jusqu'à la mort de Henri IV. Peut-être l'offre n'eut-elle pas de suite. 2. Le duc de Mantoue venait, au dernier moment, d'adhérer à la ligue francosavoyarde (Philippson, t. III, p. 470).

3. La lettre du 4 avril, par laquelle le roi avertissait le duc de l'arrivée de ses troupes en Lorraine, l'avait sans doute rassuré.

4. Dépêche du 27 avril 1610 (Arch. nat., K 1462, pièce 225). La partie prin

L'Espagne, en effet, n'avait offert au duc de Lorraine qu'un appât grossier. A ce moment, Philippe III, redoutant une lutte qui devenait imminente, essayait de reprendre avec Henri IV des négociations de mariage entamées deux ans auparavant entre le dauphin et l'infante1. Marie de Médicis, poussée par le nonce Ubaldini, y aurait volontiers consenti2; Henri IV, outré de la protection que les Espagnols donnaient au prince de Condé3, s'y refusait et poussait de plus en plus ses préparatifs de guerre. Outre les princes protestants d'Allemagne et les ducs de Savoie et de Mantoue, le roi de France croyait pouvoir compter sur la Hollande et même l'Angleterre. Sur les frontières de la Lorraine se pressaient de nombreuses troupes: 30,000 hommes s'y assemblaient avec une forte artillerie, n'attendant, pour partir, que l'arrivée de Henri IV qui devait les commander en personne. Sully était chargé de pourvoir aux subsistances, le connétable de Montmorency de recruter des soldats, le maréchal de Bouillon se disposait à diriger les opérations. Pour gagner l'Allemagne sans traverser les territoires espagnols,

cipale, le récit du religieux, est reproduite dans les Briefe und Akten, t. III, p. 223-224. Ce récit est lui-même résumé dans l'instruction secrète donnée au duc de Féria vers le mois de juin (Perrens, les Mariages espagnols, p. 214, n. 1). Sur ce religieux, nous n'avons aucun renseignement; mais son origine italienne et son dévouement aux intérêts espagnols permet de croire qu'il était originaire du Milanais. L'emploi d'un religieux était un bon moyen pour persuader le dévot Henri II. Quelques années plus tard, François de Vaudémont devait se servir, pour faire réussir le mariage de Nicole et de Charles, d'un carme espagnol de grande réputation » (Mémoires du marquis de Beauveau. Cologne, 1687, in-12, p. 5 et 6).

1. Lettres missives, 23 juillet 1608, t. VII, p. 573-583. Ces projets étaient plus anciens. Cf. Perrens, ouvr. cit.

2. B. Zeller, Henri IV et Marie de Médicis, p. 306.

3. Condé, parti de Bruxelles le 22 février 1610, était arrivé le 31 mars à Milan, d'où l'on pensait qu'il allait gagner l'Espagne. « Nostre guerre s'eschauffe plus que devant à cause des faveurs que les Hespagnols font à M. le Prince », écrivait Villeroy à Boissise le 5 avril (coll. Dupuy, t. 765, fol. 44 vo). 4. Philippson, t. III, p. 382. Ce n'était pourtant pas sans appréhension (Lettres missives du 13 avril 1610, t. VII, p. 882-883).

5. Dans les Instructions à La Clielle, données vers le 10 avril 1610, Henri IV parle de vingt-cinq ou trente mil hommes » (Annales de l'Est, t. XV, p. 103); à la fin d'avril, ce dernier chiffre paraissait certain (Ibid., p. 103, n. 1). 6. Lettres missives des 8 et 10 mars, t. VII, p. 865 et 866.

7. Ibid., 20 mars, p. 877.

8. Dans une lettre datée de Sedan, qu'il écrit à Villeroy le 2 mai, le maréchal étudie les routes que devront suivre les armées du roi et s'y montre stratégiste consommé (fonds Colbert Ve, t. 107, fol. 320-321).

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