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politique de Marie de Médicis, opposée à celle de Henri IV, donnait bon espoir aux Lorrains. Plus l'on va et plus l'on se rassure, écrivait le secrétaire. Car ces commencemens sont manifestement favorables à ceulx de la maison. Il n'y a plus rien qui presse au fait de Malatour1 ny en beaucoup d'autres. Que Son Altesse n'apprehende plus, comme elle fainct, que l'on luy parle si tost de ma dame sa fille ny de beaucoup de choses semblables». Il n'y avait plus à craindre d'enlèvement ni de guerre. Aussi, malgré l'empressement que l'on mit à envoyer le baron d'Ancerville vers la Royne mere plaindre le deuil du feu Roy Henri IV, son mary3 », les Lorrains et Henri II en particulier éprouvèrent-ils un immense soulagement. Beaucoup, sans doute, jugeaient comme Marainville que « Dieu hait voulu punir le Roy et non le royaume » et pouvaient dire avec lui : « Il est certain que nous ne perdons gueres et ne tiendra qua nous de bien prendre locasion pour nos afaires si nous sommes sages et en savons user1 ».

Une telle oraison funèbre se comprend de la part d'un Lorrain. Si Henri IV eût vécu, les destinées du duché eussent évidemment changé. Peut-être le roi eût-il réussi à conclure le mariage de Nicole et de Louis; comme Henri II n'a pas eu de fils, la Lorraine eût été probablement donnée au fils puîné de Louis XIII et de Nicole, ce qui l'eût préparée à l'annexion au royaume. Mais Henri IV eût pu échouer; dans ce cas, il eût sans doute fait subir au duché le traitement que la Lorraine devait souffrir un peu plus tard. Ce ne sont là que des hypothèses, encore devons-nous les subordonner à l'idée d'un succès général des projets de Henri IV; mais il est nécessaire d'envisager ces éventualités pour apprécier comme il convient la politique du

1. Ancienne forme de Mars-la-Tour. On voit par là que l'occupation de ce lieu fut disputée par Henri IV jusqu'à sa mort.

2. Lettres de Marainville à Voillot, des 17 et 20 mai 1610 (coll. de Lorraine, t. 532, fol. 5 et 7).

3. Mandement du 21 mai 1610 (arch. de la Meurthe, B 1326, fol. 253 vo). D'Ancerville arriva à Paris le 24, d'après la lettre de Marainville du 25 mai (coll. de Lorraine, fol. 9). Cf. lettre de Marie de Médicis (fonds Colbert Vc, t. 88, fol. 29 vo et 30). Le comte de Vaudémont était aux funérailles de Henri IV; il semble que la mort du roi eût apaisé le ressentiment de François contre son frère (Mémoires de l'Académie de Stanislas, art. cit., 1888, p. 307).

4. Lettre de Marainville, du 17, citée note 2. Les mots en italiques sont chif frés dans l'original avec déchiffrement au-dessus.

duc de Lorraine. Si l'on s'arrête à la première hypothèse, on peut trouver que Henri II, en croyant assurer par son opposition aux projets de Henri IV l'indépendance de son duché, ne pouvait que la compromettre en précipitant les événements; dans l'autre cas, cette supposition devient une certitude. D'ailleurs, il est permis de penser que Richelieu, qui devait reprendre contre la maison d'Autriche les projets de Henri IV, s'est souvenu de cette opposition quand il a si durement traité la Lorraine, et ce n'est pas un paradoxe de dire que la politique de Henri IV, acceptée du duc de Lorraine comme elle l'avait été des trois évêchés, eût été aussi profitable au duché qu'à la France. La mort du roi, en faisant abandonner ses projets, eût en réalité mieux garanti l'indépendance de la Lorraine que ne le fit l'opposition de son duc.

Louis DAVILLÉ.

MÉLANGES ET DOCUMENTS

LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE DU CLERGÉ

ET LA VENTE DES BIENS NATIONAUX D'ORIGINE ECCLÉSIASTIQUE

DANS LA SEINE-INFÉRIEURE

ET SPÉCIALEMENT DANS LE DISTRICT DE CAUDEBEC.

La vente des biens nationaux a été laissée dans l'ombre par les grands historiens de la Révolution.

S'ils ont reproduit longuement et fidèlement les discussions passionnées auxquelles a donné lieu la loi du 2 novembre 1789 qui mit les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, s'ils ont mentionné la loi du 21 décembre de la même année et celle du 9 juillet 1790 qui décidèrent d'abord de la vente de 400 millions de biens nationaux, puis de la vente totale de ces biens, ils ont malheureusement passé sous silence la vente elle-même, les conditions dans lesquelles elle s'est accomplie et les résultats qu'elle a donnés.

Il semble, à les lire, que l'histoire de la Révolution ne consiste que dans les guerres extérieures et civiles, dans les faits et gestes des assemblées, des clubs et de la commune. Pourtant, des derniers mois de 1790 à la fin de 1795, la vente des biens nationaux se poursuivait dans toute la France, et, dans les provinces assez heureuses pour n'être le théâtre ni de la guerre étrangère ni de la guerre civile, elle fut le principal événement politique de cette période. Elle est restée, avec la conquête de l'égalité civile et des libertés politiques, le grand point acquis de la Révolution; jusqu'en 1830, elle a tenu autant de place que ces dernières dans les préoccupations de la nation. Dans les diverses constitutions qui, pendant quarante ans, se succédèrent en France, de 1794 à 1830, l'irrévocabilité de la vente des biens nationaux fut proclamée et assurée par un article spécial.

Son importance dans l'histoire politique de la Révolution ne laisse

aucun doute; il conviendrait donc de l'étudier sérieusement et profondément pour pouvoir porter enfin sur sa cause, son exécution et ses résultats un jugement définitif et impartial.

Nous voudrions y contribuer en étudiant dans un département normand, la Seine-Inférieure, et spécialement dans ce qui fut, de 1790 à 1800, le district de Caudebec, l'état de la propriété foncière ecclésiastique à la veille de la Révolution et la vente de cette propriété sous la forme des biens nationaux. En rapprochant les conclusions de ce travail de celles auxquelles ont abouti MM. Minzès, dans son étude sur la vente des biens nationaux en Seine-et-Marne, et Loutchisky, qui l'a étudiée dans le district de Tarascon, peut-être pourra-t-on entrevoir les conditions qui ont généralement présidé à cette vente et les résultats qu'elle a donnés.

Il y avait encore, en 1789 (l'édit d'août 1787 n'ayant pas été maintenu), deux sortes de propriétaires fonciers, les privilégiés (nobles et clergé sous toutes ses formes), qui ne payaient pas l'impôt foncier, les roturiers (bourgeois et paysans), qui, au contraire, y étaient soumis. Il y avait donc une propriété foncière exempte d'impôt et une propriété foncière payant l'impôt des vingtièmes (un dixième du revenu).

Quel était en France, à la veille de la Révolution, le nombre des propriétaires fonciers qui n'étaient pas soumis à l'impôt et quelle était l'étendue des propriétés foncières non grevées ?

A ces deux questions, on a répondu par des hypothèses hasardées et sans bases précises; Sieyès nous avoue, en donnant la sienne (80,000 ecclésiastiques et 110,000 nobles), qu'il ignore, «< comme tout le monde, » le rapport des ordres entre eux. Sous toutes réserves, le mieux est de s'en tenir à l'opinion de Mounier, qui estime à 500,000 le nombre des privilégiés. Ce chiffre représente le cinquantième de la population française, évaluée généralement, pour 1789, à 25,000,000 d'habitants environ.

Les différentes évaluations de la superficie de la propriété foncière des privilégiés sont encore plus discordantes.

La propriété foncière du seul clergé couvrait, au dire de différents auteurs, soit la moitié, soit le tiers, soit le cinquième, voire le dixième du sol français; malheureusement, ces estimations ou proviennent de témoins suspects et partiaux (Talleyrand par exemple), ou sont le résultat de généralisations abusives. Le mieux est de n'en pas tenir compte. Seule, l'étude détaillée de la vente des biens nationaux permettra de la résoudre; nous allons tenter de le faire pour la Seine-Inférieure.

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La superficie de ce département était estimée, en 1790, à 357 lieues carrées, soit 571,200 hectares, et sa population à 600,000 âmes. Quelle y était alors la superficie et la valeur des biens ecclésiastiques?

Le nombre des articles ecclésiastiques inscrits aux vingtièmes pour 1790, comparé à celui des articles roturiers soumis à l'impôt avant la Révolution, donne, dans les onze cantons suivants, les rapports que voici :

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Soit, au total, pour les 11 cantons, le rapport: 9,13 à 100.

Ce qui représente 8,30 0/0 du nombre total des cotes foncières de vingtièmes prévues pour 1790.

Le calcul des superficies occupées dans le district de Caudebec par la propriété foncière ecclésiastique non bâtie donne un pourcentage inférieur à celui du nombre des cotes foncières de même nature : 5,10 0/0 (superficie du district de Caudebec : 44 lieues carrées environ, soit environ 70,400 hectares; superficie de la propriété foncière ecclésiastique non bâtie: 3,600 hectares).

La différence de 8,30 0/0 à 5,10 0/0 s'explique facilement : 1° les cotes foncières que nous avons étudiées en premier lieu comprennent à la fois et la propriété bâtie et la propriété non bâtie, alors que le calcul des superficies porte uniquement sur la seconde. C'est là la principale raison de la différence constatée. Cette différence tient aussi au fait que la propriété foncière ecclésiastique, bien loin d'être agglomérée par grandes masses, comme le laisse supposer de primeabord l'idée de la grande propriété, était morcelée en un très grand

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