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nombre de petites parcelles réparties çà et là dans toutes les paroisses.

Sur 136 communes composant le district de Caudebec, il y avait des biens fonciers ecclésiastiques dans 132. La superficie totale des biens fonciers ecclésiastiques dans le district de Caudebec était de 3,601 hectares, soit 5,10 0/0 de la superficie.

Le nombre des ecclésiastiques étant d'environ un demi pour cent de la population du district (450 sur 90,000 habitants), il semble (5,10 X 0,50) que chaque ecclésiastique possédât plus de deux fois et demie de biens fonciers que la moyenne des habitants. Comment expliquer alors que tant de membres du bas clergé aient si facilement voté la vente des biens ecclésiastiques?

C'est qu'il faut distinguer plusieurs sortes de biens ecclésiastiques; séparer nettement les biens du clergé régulier de ceux du clergé séculier et dans ces derniers ne pas confondre les biens des fabriques, des chapelles et des confréries avec les bénéfices de cures et de vicariats. Ceux-ci seuls servaient à l'entretien des ministres du culte.

Les biens du clergé régulier étaient plus importants de beaucoup que ceux du clergé séculier. Sur 3,600 hectares de biens ecclésiastiques, le clergé régulier possédait 2,030 hectares, soit 56,20 0/0. Les deux abbayes de Saint-Wandrille et de Jumièges, les principales du district, il est vrai, tenaient à elles seules 1,226 hectares, la première 643, la seconde 583. Les revenus de ces 1,226 hectares allaient à une trentaine de religieux au plus et à deux abbés commendataires. Il ne restait que 1,571 hectares de biens ecclésiastiques séculiers, soit 43,80 0/0 du total de la propriété foncière ecclésiastique.

Sur ces 1,574 hectares, 682, soit 42,44 0/0, appartenaient aux chapelles ou aux confréries; 576 hectares, 36,66 0/0, étaient la propriété de 108 fabriques; 313 hectares enfin, soit seulement 19,90 0/0, étaient bénéfices de cures ou de vicariats. Cela ne représentait qu'une moyenne de 3 hectares 29 par cure, et encore n'y avait-il que 95 cures sur 150 paroisses qui possédassent des biens fonciers. Les ministres du culte n'occupaient que 8,69 0/0 du total de la propriété foncière ecclésiastique et leur part, comparée à celle du clergé régulier, était dans le rapport de 45 1/2 à 100.

Quoi d'étonnant si un certain nombre de leurs représentants à l'Assemblée constituante votèrent la vente des biens du clergé et abandonnèrent de bon gré, contre la promesse d'un presbytère et d'un traitement fixe de 1,200 livres au minimum, leur portion congrue et les revenus aléatoires de la dîme!

Les biens fonciers ecclésiastiques ne couvraient, en somme, que 60/0 au maximum de la superficie du district de Caudebec. Il y a

loin de cette modeste réalité aux calculs fantaisistes qui attribuaient au clergé le quart et parfois la moitié du sol français.

Mais la comparaison des revenus fonciers du clergé aux revenus des terres roturières donne une idée plus exacte de la richesse foncière que la comparaison des superficies occupées et fait ressortir une plus-value à l'avantage du clergé.

Cette plus-value ne tient pas à une supériorité dans la qualité des terres occupées par le clergé, mais uniquement aux exemptions de charges et d'impôts dont celui-ci bénéficiait. Le revenu d'une terre augmentait ou baissait de 15,20 ou 25 0/0 suivant que cette terre passait des mains des roturiers aux mains du clergé ou inversement: dans le premier cas, en effet, elle cessait de devoir les vingtièmes (10 0/0 du revenu) et la dime (valeur variable, 10 0/0 au maximum), auxquels, dans le second cas, elle redevenait assujettie. Aussi, la proportion des revenus fonciers ecclésiastiques au reste des revenus fonciers donne-t-elle un pourcentage double de la proportion des superficies.

Dans la paroisse de Bacqueville, la superficie des biens ecclésiastiques était à celle des autres terres comme 8,25 est à 100 (138 acres contre 1,691) et la proportion des revenus fonciers comme 16,45 est à 100 (6,925 livres contre 42,000).

Dans la paroisse de Presles (canton de Neufchâtel), les revenus fonciers ecclésiastiques étaient aux autres revenus fonciers comme 8 0/0, et dans ce même canton le nombre d'articles fonciers ecclésiastiques n'était que de 3,46 0/0 du total.

Le reste de la propriété foncière, c'est-à-dire la plus grande partie, était aux mains des nobles, des bourgeois et des paysans; mais dans quelles proportions pour chacune de ces trois classes? Pour les nobles exempts, on peut l'établir; mais bourgeois et paysans paraissent avoir été confondus ensemble sur les rôles de vingtièmes.

Suivant la méthode indiquée par M. Loutchisky dans sa brochure sur la Petite propriété en France avant la Révolution et la vente des biens nationaux, p. 41, note, rien ne serait plus simple que de distinguer les bourgeois des paysans: « Les membres des familles bourgeoises ajoutaient à leur nom le titre de sieur, sous lequel ils étaient inscrits dans les cadastres et dans les procès-verbaux des ventes. Pour les paysans, les ouvriers des villages, les artisans, etc., leurs nom et prénoms suffisaient sans aucun titre...;» il suffirait donc d'indiquer comme bourgeois tous les propriétaires qui, sur les rôles des vingtièmes, ont leurs nom et prénoms précédés du titre de sieur, et comme appartenant à la classe des paysans, ouvriers de village, artisans, ceux dont le nom n'est précédé d'aucun titre.

Cette division des propriétaires, bourgeois et paysans, d'après l'adjonction ou la non-adjonction du titre de sieur sur les rôles des vingtièmes, paraît une méthode un peu simpliste. Appliquée à trois paroisses de la Seine-Inférieure, Buglise (hameau de la commune de Cauville, canton de Montivilliers), Bruneval (hameau de la commune de Saint-Jouin, canton de Criquetot), Bénarville (commune du canton de Goderville), cette méthode donne des résultats assez étranges pour paraître suspecte. A Buglise, sur 36 propriétaires, dont 12 paysans et artisans, 10 ou 11 auraient loué leurs terres, 1 ou 2 seulement les auraient exploitées eux-mêmes; à Bénarville, sur 23 propriétaires, dont 16 paysans (?), 3 seulement occupaient leurs terres et les exploitaient, les autres louaient; à Bruneval, enfin, sur 12 propriétaires, dont 6 paysans (?), 2 seulement, Pierre Hauville et un sieur Georges Franchard, faisaient valoir eux-mêmes. Ainsi donc, sur 34 soi-disant paysans, 6 ou 7 seulement exploitaient eux-mêmes leurs propriétés et 27 ou 28 les louaient. Encore, parmi ces 7 exploitants, rencontre-t-on un sieur, c'est-à-dire, suivant la méthode de critique employée par M. Loutchisky, un bourgeois. N'est-ce pas une méthode suspecte que celle qui mène à de si étranges conclusions?

Il se peut que tous les individus qui« ajoutaient à leur nom le titre de sieur» fussent des bourgeois, mais parmi ceux qui, sur les rôles des vingtièmes, ne portent pas ce titre, n'y en avait-il pas également beaucoup d'autres?

Un fait certain ressort pourtant de l'étude de la propriété foncière dans les trois paroisses ci-dessus, c'est le grand nombre de propriétés louées ou affermées et, comme corollaire, le petit nombre de propriétaires exploitant eux-mêmes. Sur les 90 parcelles inscrites aux vingtièmes pour ces trois paroisses, 83 ou 84 étaient louées ou affermées, et sur 74 propriétaires 6 ou 7 seulement exploitaient eux-mêmes leurs terres.

Rien, à la veille de la Révolution, ne pouvait faire prévoir la vente des biens du clergé. Sur les 900 cahiers remis aux députés des États généraux, il n'y en avait qu'un nombre infime qui réclamassent cette vente. Dans la région qui devait être, un an plus tard, la Seine-Inférieure, il n'y en avait pas un seul. Le clergé était considéré dans la masse de la nation comme un propriétaire ordinaire dont les droits n'étaient pas plus discutables que ceux de n'importe quel particulier.

Ce que le pays n'avait pas demandé ses élus l'exécutèrent : sept mois après la convocation des États généraux, l'Assemblée constituante mettait les biens du clergé à la disposition de la nation.

Deux arguments avaient décidé du vote de l'Assemblée : un argu

ment financier : la nécessité de trouver des ressources extraordinaires pour combler le déficit du trésor, et surtout un argument politique : le désir, en confisquant les biens du clergé, de lui enlever tout pouvoir politique. Les discours qui décidèrent du vote de la loi et certains articles insérés dans la loi même ne laissent aucun doute sur ce point.

Les embarras du trésor furent le prétexte, l'occasion de cette vente; ils n'en furent pas la raison. Le clergé, par la bouche de son président, l'archevêque d'Aix, avait proposé les 400 millions nécessaires pour faire face au déficit du trésor; on repoussa cette offre et l'on s'attaqua au principe même de la propriété ecclésiastique. Mirabeau et Thouret, entre autres, soutinrent que le clergé n'était pas propriétaire, mais était seulement usufruitier; la propriété appartenait à l'État, toujours libre de reprendre ses droits de propriétaire, à condition de subventionner le ministre du culte. Maury répliqua brillamment, mais le siège de la majorité était fait.

Dès la fin d'août 1789, les ci-devant privilégiés, qui, pendant la nuit du 4 août, avaient spontanément sacrifié leurs privilèges, laissaient paraitre certains regrets et donnaient à entendre que, s'ils cédaient pour un moment à la force du courant égalitaire qui emportait tout, ils n'avaient pas perdu l'espoir de se voir réintégrer plus tard dans leurs privilèges. Pour ôter cette espérance tout au moins au clergé, il fallait lui enlever la base de son pouvoir politique en confisquant ses propriétés. Ce fut le motif de la loi du 2 novembre 1789.

On prête à Mirabeau, à qui l'on faisait remarquer la difficulté de trouver des acquéreurs pour les biens nationaux, la réponse suivante : « Que nous importe! Si on ne les achète pas, nous les donnerons. » Exact ou non, ce mot traduit parfaitement la pensée de ceux qui avaient décidé la vente des biens ecclésiastiques; ils voulaient les supprimer à tout prix. La raison de cette vente était si bien une raison politique, que les assemblées administratives des départements le reconnaissaient elles-mêmes hautement. Le 22 novembre 1790, le comité des biens nationaux faisait rejeter par celle de la Seine-Inférieure une soumission générale aux biens de l'abbaye de Bellozane (district de Gournay) en s'appuyant sur des considérants politiques : « La Constitution française encore dans son berceau, disait le comité, repose essentiellement sur la vente des biens nationaux. Il faut qu'elle se fasse et qu'elle se fasse sans retour. Or, elle se fera sans retour si vous y intéressez beaucoup d'individus. L'intérêt plus divisé devient plus général, et ce sera cet intérêt général qui rendra inutiles tous les efforts du clergé pour rentrer dans les biens qu'il n'a jamais dû posséder. »

La loi du 2 novembre 1789 fut votée à 200 voix de majorité. Une partie du bas clergé avait voté la loi. L'article 2 portait : « Dans les dispositions à faire pour subvenir à l'entretien des ministres de la religion, il ne pourra être assuré à la dotation d'aucune cure moins de 1,200 livres par année, non compris le logement et les jardins en dépendances. » Un grand nombre de curés, qui ne connaissaient dans leurs paroisses, comme biens ecclésiastiques, que les propriétés et les terres de la plus proche abbaye et qui végétaient réduits à la portion congrue, estimèrent plus honorable la situation que leur faisait la nouvelle loi et préférèrent accepter 1,200 livres de l'État que de disputer à leurs paroissiens une dime qui les empêchait tout juste de mourir de faim, et ils votèrent la mise des biens ecclésiastiques à la disposition de la nation.

La loi du 24 décembre de la même année, en créant une caisse de l'extraordinaire, décida en principe la vente de domaines de la couronne et de biens ecclésiastiques pour 400 millions.

Mais comment exécuter cette vente? S'adresser directement au public, c'était courir le risque d'échouer. Effrayés par les menaces du haut clergé et dans certaines contrées du bas clergé lui-même, les particuliers n'oseraient sans doute se présenter aux ventes. Pour rassurer les acquéreurs contre les dangers possibles que pourraient leur faire courir une contre-révolution, on eut l'idée d'interposer entre eux et l'État des corps anonymes, les municipalités, auxquelles seules ils auraient affaire; ce fut l'objet de la loi du 24 mars 1790, qui ordonna l'aliénation aux municipalités de 400 millions de biens nationaux, dont la vente avait été décidée en principe trois mois auparavant. Les municipalités soumissionnèrent à l'envi tant et si bien que, le 9 juillet suivant, l'Assemblée vota l'aliénation de tous les domaines nationaux. Mais, pour prévenir toute tentation de spéculation de la part des municipalités, la loi portait qu'elles étaient tenues d'aliéner elles-mêmes aux particuliers dès que, sur une propriété particulière, elles recevaient de la part du public une soumission au moins égale à celle qu'elles avaient faite elles-mêmes. Pour empêcher que quelque fidéicommis n'achetât en bloc tous les biens d'une abbaye ou d'un couvent et ne les rendit plus tard aux religieux qui les avaient possédés, la loi portait qu'à offre égale les soumissions particulières seraient préférées aux soumissions totales. Les législateurs avaient pris toutes les dispositions nécessaires à la vente effective et au parlage définitif des biens ecclésiastiques.

Dans la Seine-Inférieure, la vente commença pendant les derniers mois de 1790 et dura jusqu'au 1er vendémiaire an VI (6 novembre 1795), date à partir de laquelle le restant des biens nationaux servit

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