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BULLETIN HISTORIQUE

FRANCE.

XV-XVII SIÈCLES.

Ive SIÈCLE. S'attaquer au XVe siècle italien après Burckhardt, après Voigt, après Taine, après tant d'autres, l'entreprise était hardie. La hardiesse a bien servi M. Philippe MONNIER. Ses deux gros volumes sur Le Quattrocento, essai sur l'histoire littéraire du XVe siècle italien', se lisent sans un moment de fatigue. C'est toute la vie du siècle qui défile devant nous, la Signoria, la société, l'Église, le menu peuple, les humanistes, les sages, les pédants, les platonistes, les moines. Tout cela décrit d'un style infiniment riche, infiniment souple, raffiné lorsqu'il faut dire les préciosités de l'humanisme, d'une touche subtile, délicate, gracieuse pour peindre la nouvelle éclosion de la poésie « en vulgaire, » d'une verve étourdissante, lourde, grasse et chaude lorsqu'il s'agit de rendre la vivante et savoureuse inspiration des chante-histoires de carrefour, retracer l'existence du calzolaio ou du menuisier, passer du palais de la Via Larga aux échoppes de Calimala2.

On dira que ce style est factice, que la préciosité y confine souvent à l'enflure, que la vulgarité y devient triviale, que l'auteur a des habitudes qui ressemblent à des manies 3. On le chicanera sur le sans-façon, l'à peu près de ses traductions du latin et de l'italien, sur sa passion pour le modernisme exaspéré. On l'accusera d'avoir mal composé son gros livre, de n'avoir évité ni les redites ni les

1. Paris, Perrin, 1901, 2 tomes in-8° de 341 et 463 p.

2. T. II, p. 161: « On se cogne, on se poche, on se bosse, on se casse, on s'écharpe, on s'enfonce, on s'abîme, on s'estourbit, » etc.

3. Par exemple l'emploi du mot « escient. »>

4. Je pourrais multiplier les exemples. P. 315, n. 3 : « Germen et omne, les graines et tout. »

5. M. Monnier ne peut pas dire un écrit; il dit « une écriture. >

6. L'hellénisme, le peuple, etc.; voilà des sujets qui reviennent trois ou

retours en arrière, de ne suivre un ordre ni chronologique, ni géographique, ni logique. On lui reprochera, dans son admiration pour les érudits italiens, auxquels il a, en italien, dédié son livre, d'avoir oublié qu'il existait aussi des savants de ce côté-ci des Alpes1. Je défie le plus grincheux des lecteurs de formuler ces critiques pendant qu'il lira ces huit cents pages; il sera sous le charme, emporté par le tourbillon. Cela grouille et cela vit.

Assurément il est, là dedans, surtout question de littérature. Mais M. Ph. Monnier, en ceci digne héritier d'un nom respecté, ne sépare pas la littérature de son fond social. C'est Rome, c'est Naples l'aragonaise, c'est Ferrare, c'est surtout Florence, la Florence de Laurent qu'il nous décrit, et, sans apprendre dans son livre aucun fait nouveau, l'historien pourra s'y plaire. Il y trouvera un portrait piquant d'Eneas-Sylvius Piccolomini (p. 254), un très juste dosage de ce qui reste encore du moyen âge dans l'humanisme, une franche appréciation de la nullité foncière des humanistes purs (p. 292) et une très fine caractéristique du genre particulier de « tyrannie, » qui fut celle du Magnifique (t. II, p. 33). Je ne crois pas qu'on ait mieux dit ni qu'on puisse mieux dire. Mais ce qu'il y a encore de plus intéressant dans le Quattrocento, c'est la foule florentine, cette foule qui se presse aux sermons de Bernardino, qui traîne dans les rues les cadavres des Pazzi, qui chante et qui danse, et d'où sortent ces artisans obscurs, ignorés, méprisés des humanistes, les Donatello, les Ghirlandajo, les Botticelli. Après nous avoir conté l'apogée, M. Monnier nous explique la décadence du Quattrocento, l'influence néfaste de Naples (t. II, p. 400), pour qui l'italien n'est qu'une langue étrangère, une matière à littérature, Naples la monarchique et la courtisane. Et le livre se ferme à l'instant où retentit la voix, chargée d'orages, de frà Girolamo2.

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HISTOIRE DU XVI SIÈCLE ET HISTOIRE DE LA RÉFORME FRANÇAISE. existe sur Poyet un livre récent de M. Porée. Était-il utile d'en écrire un nouveau? M. Maurice DEUBEL a été de cet avis. Mais son Guillaume Poyet, avocat et chancelier 3, est plutôt une étude sur la procédure criminelle, l'administration et la fiscalité du xvIe siècle, une sorte de commentaire juridique de l'œuvre de Poyet qu'une bio

quatre fois. M. Monnier cède parfois à la très vilaine tentation de nous ahurir. P. 50 « Aucun siècle ne pensa moins que celui qui nous occupe. » 1. M. de Nolhac, par exemple, est ignoré.

2. Pas d'index! Pas d'index pour ces 800 pages où s'agitent des milliers de

noms.

3. Paris, Nancy, Berger-Levrault, 1901, in-8°, 148 p. (Bibl. de la conférence Rogéville).

graphie du chancelier'. L'auteur s'appuie moins sur les textes contemporains que sur l'Historiographe sans gages, qui est du XVIIIe siècle, et sur l'Histoire de France de Garnier 2. Ceci me met à l'aise pour ne pas discuter sa tentative de demi-apologie de Guillaume Poyet 3.

Peu à peu se continue le travail de constitution des histoires provinciales de la Réforme française. Montbéliard, la Bourgogne, la Saintonge, Clairac, Saint-Quentin, le Forez, nombreuses sont les régions à propos desquelles nous arrive, cette fois, une moisson de documents.

Cette histoire présente dans le comté de Montbéliard un intérêt particulier. Pays de langue française et de domination allemande, la principauté n'a connu ni les retours offensifs du catholicisme ni la persécution: c'est un type de petit État où s'est librement développée la Réforme. D'autre part, elle a été, précisément parce qu'elle était à la fois de France et d'Empire, le théâtre d'un conflit violent entre les deux tendances du protestantisme, la tendance luthérienne qui lui venait du Wurtemberg, la tendance « sacramentaire » des Français et des Suisses.

Sur cette histoire, il n'existait qu'un livre partial et sans critique de M. Tournier, le Protestantisme dans le pays de Montbéliard1. Tout autre est la valeur de la consciencieuse Histoire de la Réforme dans le pays de Montbéliard depuis les origines jusqu'à la mort de P. Toussain, 1542-1573, de M. John VIÉvor. Ce n'est pas que l'auteur atteigne toujours à l'impartialité absolue qui devrait être de règle en un pareil sujet. Il lui arrive trop souvent d'écrire « la vérité » pour « la doctrine réformée. » Il témoigne tout son mépris (p. 62) à un chanoine qui, pour conserver ses bénéfices, s'engage à

1. La vie de Poyet après sa condamnation tient en une note de trois lignes (p. 144, n. 2).

2. M. Deubel connaît mal les ouvrages récents.

3. Son gros argument contre Chabot est le suivant : Chabot innocent ne se serait pas contenté de simples lettres d'abolition. Mais comment pouvait-il obtenir une réhabilitation avant d'avoir établi que son juge s'était rendu coupable de forfaiture? P. 10: le « dépit de Louise de Savoie « d'avoir vu sa main refusée par le duc de Bourbon» n'est plus, depuis Paulin Paris, une de ces vérités qu'on puisse avancer sans preuves.

4. Besançon, 1889. M. l'abbé Tournier parle, par exemple, de « la dépravation >> bien connue de Marguerite d'Angoulême, qu'il confond sans doute avec la reine Margot.

5. Thèse de la Faculté de théologie de Paris, formant les volumes XXVII et XXVIII des Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard. 1900, 2 vol. in-8°, xx-356 et 358 p. Le deuxième est consacré aux pièces et appendices.

ne plus célébrer la messe; il n'a pas un mot de blâme pour le comte qui lui impose cet engagement, « lui promet en échange une place de conseiller à vie » et le tient deux jours enfermé. Il trouve naturelle (p. 67) l'interdiction faite aux catholiques d'aller entendre la messe hors de la principauté. Et lorsque Toussain, plus tolérant d'ordinaire, se laisse aller (1539) à prononcer des paroles qui rappellent Innocent III, M. Viénot ne relève dans ce ton (p. 70) que « de l'énergie et du sérieux. » Tant il est difficile d'écrire l'histoire de la Réforme comme celle des Babyloniens!

Mais M. Viénot, hâtons-nous de le dire, s'appuie sur des recherches très étendues. A partir de 1545, il a, pour ainsi dire (et en ce qui concerne Montbéliard), continué Herminjard en puisant aux fonds où le vénéré et regretté travailleur de Lausanne avait coutume de faire ses trouvailles', à Zurich, Neuchâtel, Bâle, etc. Il y a ajouté de fructueux dépouillements à Montbéliard, Vesoul et Besançon, aux Archives nationales et surtout aux Archives d'État de Stuttgart. Il a eu l'excellente idée de publier tous ses textes. Quelques-uns sont d'une réelle importance, par exemple: le rapport de Pierre Toussain sur l'Intérim, le colloque de 1571, les Articles sur lesquels ceux de l'église de Montbéliard désirent avoir fidèle résolution, avec les réponses de Bèze, etc.

Le récit que M. Viénot a tiré de ces sources devrait débuter par une description physique et morale de la principauté2, quelques indications sur ses rapports avec le prince souverain, avec l'Empire, avec la France, avec les pays voisins, sur la situation de sa population3, l'état social des diverses classes (cette étude n'est faite que pour le clergé) et le plus ou le moins de résistance qu'elles opposaient à la Réforme. M. Viénot nous raconte l'extension au pays de Montbéliard de l'insurrection des paysans allemands, sans nous dire si la situation du paysan montbéliardais ressemblait à celle de ses frères de Souabe ou d'Alsace. On ne voit pas assez chez lui jusqu'à quel point les princes du Wurtemberg, en réformant le comté, eurent les habitants pour complices. Il ne nous parle pas assez du rôle des réfugiés français à Montbéliard (p. 293). Son livre a trop, comme cadre et comme ton, l'allure d'une biographie de Pierre Toussain, dont il loue avec raison l'opinion très nette sur le cas de Servet (p. 196), mais dont il s'exagère peut-être la valeur1.

1. Sur les sources, voy. t. II, p. 313-316.

2. Il y a bien une carte, mais qui donne les limites de 1786.

3. La question de la langue n'est guère traitée que par prétérition.

4. Notamment le mérite littéraire. P. 77, il donne en regard un texte de

Les parties les plus neuves et les plus solides du livre sont le récit des tentatives nombreuses faites pour soumettre au lutheranisme les populations réformées de Montbéliard et pour y rétablir des cérémonies plus ou moins empruntées au catholicisme, et surtout les chapitres relatifs à l'Intérim. On y voit très clairement quel était le vrai caractère de cette mesure sous couleur de ménager provisoirement la situation des églises rivales, c'était en réalité un essai de rétablissement subreptice du catholicisme et de suppression de la Réforme; l'archevêque de Besançon et l'empereur, en exigeant des pasteurs une stricte application de l'Intérim, les mettaient en réalité hors d'état d'exercer, tandis que les curés réinstallés prenaient impunément avec ce même texte les plus grandes libertés. Dans ces conditions, on comprend que cet armistice n'ait pas duré et qu'il n'ait contenté, au fond, personne1.

Le registre de baptêmes publié par M. H. PATRY est en réalité une Chronique de l'établissement de la Réforme à Saint-Seurin-d' Uzet en Saintonge 2, c'est-à-dire dans une petite paroisse rurale, de 4544 à 1564. Telle qu'elle apparait dans ce travail et dans sa position de thèses de l'École des chartes3, la méthode suivie par le jeune historien me parait excellente Il se place à un point de vue véritablement historique l'étude des agents, des milieux, des moyens et des résultats de la propagation de la foi nouvelle1.

L'un des principaux évangélistes de la Saintonge, Philippe Véron, le Ramasseur, a peut-être le premier prêché la foi nouvelle dans le Vermandois.

M. Alfred DAULLÉ, pour écrire l'histoire de la Reforme à SaintQuentin et aux environs du XVIe à la fin du XVIIIe siècle 5, a utilisé les documents des Archives nationales, de celles de l'Aisne et surtout du greffe du tribunal de Saint-Quentin, par exemple le registre de l'église du Câtelet de 1592 à 1617 (à partir de fin 4599, l'église est à Lehaucourt). Il publie un assez grand nombre de ces

Farel et la paraphrase de ce texte par Toussain. Il trouve la seconde très supérieure au premier; j'y vois un pur délayage.

1. Nombreuses planches, dont malheureusement M. Vienot n'indique jamais la source. Un index.

2. In-8° de 36 p., extrait du Bulletin du protestantisme français. Pièces justificatives provenant du fonds du parlement de Guyenne.

3. Les Débuts du protestantisme en Saintonge et en Aunis.

4. M. Patry se fait quelques illusions sur ce que pourront nous donner en général les registres des officialités et les archives municipales. En trop de lieux, ces fonds ont été dilapidés, quand ils n'ont pas été volontairement mutilés. 5. 1 vol. in-8° de 302 p. (tiré à 100 ex.), avec une carte du Vermandois et une gravure. Le Cateau, Roland, 1901.

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