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documents, souvent très précieux : une liste de 593 noms (312 familles) de l'église du Câtelet; celle des 233 réformés de Saint-Quentin en 1599; une liste d'hérétiques que l'évêque de Noyon fit dresser par les curés des paroisses en 1632 (p. 94); une liste analogue datant de 1637-1640 (p. 99) 2; des rôles de conversion après la Révocation (p. 199); des listes de fugitifs (p. 215), enfin le rôle des sépultures protestantes en terre profane de 1737 à 1787 (p. 260-270).

Quand elle est faite avec ce soin, une étude d'histoire locale ne peut manquer d'apporter une contribution à l'histoire générale. Ce n'est pas que le Vermandois soit une grande province ni une terre d'élection de la Réforme3. On ne l'y voit pas avant 1564 et ses propagateurs y auraient été le Ramasseur, puis de l'Espine. Toujours est-il qu'en 1562 il fallait déjà interdire aux non-catholiques l'entrée des maîtrises. En 1599, presque tous les fabricants et marchands de « toilettes» et dix-sept « compagnons » figurent sur la liste; en 1670, ils seront un dixième de la population; leurs richesses, leur « faste », un peu imprudent peut-être, excitent les jalousies de leurs concurrents et du corps de ville. Un certain nombre d'entre ces gros marchands se convertissent (parmi eux les Crommelin) pour obtenir d'être constitués en communauté de métier. D'ailleurs, dès 1644, M. Daullé nous a fait assister à la démolition progressive de l'Édit de Nantes; il retrace ensuite les épisodes de la Révocation et nous donne la lamentable autobiographie du dernier converti (converti par force) de Saint-Quentin. Il suit la vie latente de la Réforme malgré la persécution, et il emprunte aux registres de l'état civil d'une paroisse voisine de Saint-Quentin l'un des traits les plus immondes de cette persécution: l'inhumation, ou plutôt l'enfouissement dans le fumier », le 23 janvier 1760, du cadavre d'un vieillard, « à cause de son entêtement et opiniâtreté à vivre et mourir dans la religion prétendue réformée 3. »

On trouvera des faits analogues, mais contés de façon succincte, dans l'Essai de M. C. CABROL Sur l'Histoire de la Réforme à Clairac“.

1. 424 personnes, 108 familles à Saint-Quentin.

2. 553 personnes, 128 familles ; quelques immigrés.

3. En 1542, un colporteur d'Anvers est condamné pour avoir vendu des Institution chrestienne à Paris à faire amende honorable à Paris et à SaintQuentin; non pas qu'il ait commis un délit dans cette ville, mais comme plus prochaine ville royale de l'yssue de ce royaulme du costé d'Anvers. » 4. Sous le ministère de Jean Mettayer.

5. P. 296, les Montmorency (le connétable et ses fils) sont à tort rangés parmi les protestants.

6. Des origines à l'édit de Tolérance (1530-1787), avec un plan du siège de 1621. Cahors, Coueslant (et Paris, Fischbacher), 1900, in-8°, 181 p.

Malgré de consciencieuses recherches', malgré l'intérêt du sujet, Clairac a eu pour abbé Gérard Roussel, et la population, au début du XVIIe siècle, était en presque totalité protestante, le travail de M. Cabrol reste superficiel, surtout pour la période antérieure à la Révocation. L'auteur nous mesure trop parcimonieusement les documents dont il s'est servi 2.

Les notices que F. NAEF avait rédigées d'après des notes de Th. Claparède et que M. R. CLAPARÈDE publie sous ce titre la Réforme en Bourgogne3 ne constituent pas une histoire de la réformation dans cette province, mais de simples indications sur chacune des églises de la Bourgogne, classées par colloques. Ces notices sont exclusivement empruntées à des recueils connus, surtout à la France protestante. Telles quelles, elles nous rendent le service de nous présenter sous une forme commode tous les faits bien établis. M. R. Claparède, en fidèle légataire intellectuel de F. Naef, n'a pas voulu faire subir à ce travail une revision « trop complète, » ce qui en aurait changé le caractère. Il s'est contenté de le pourvoir d'un index, de quelques notes, d'une carte de l'ancienne Bourgogne, de quelques photographies et surtout d'une liste des réfugiés de Bourgogne admis à la bourgeoisie de Genève de 1539 à 17925. On notera sur cette liste la part considérable qui revient aux professions industrielles (plus du tiers), encore que pour certaines églises de la province, celle de

1. Aux archives du Consistoire (n'existent que postérieurement à 1752) et municipales, au fonds TT, etc.

2. Une désinence en ac n'indique nullement une origine celtique. Les cahiers de doléances (très intéressants d'ailleurs) de 1588 ne peuvent servir (p. 14) à expliquer la propagation de la Réforme à Clairac; trop de choses avaient changé depuis 1530. Sur G. Roussel, M. C. Cabrol n'ajoute rien à Schmidt, sauf des détails sur les nombreux procès qui éclatèrent entre l'abbé et ses sujets. 3. La Réforme en Bourgogne, notice sur les églises réformées de la Bourgogne avant la Révocation de l'édit de Nantes. Paris, Fischbacher, 1901, in-16, 257 p.

4. On peut en évaluer le nombre à 20 ou 25.

5. D'après le Livre des bourgeois. Plus un appendice donnant les dates des principaux événements relatifs au rétablissement du culte réformé sur le territoire de l'ancienne Bourgogne. On y relèvera, pour les années 1873 et voisines, quelques faits d'intolérance assez réussis.

6. Quelques-uns des réfugiés sont appelés « maître. » Peut-on en inférer que tous les autres étaient des compagnons? Il y a parmi eux des lanterniers, menuisiers, serruriers, maréchaux, cordonniers, maçons, horlogers, épingliers, sergiers, beaucoup d'imprimeurs, des couturiers, joailliers et orfèvres, aiguilleliers, tisserands, tondeurs de drap, confiseurs, chaudronniers, indienneurs, etc. Le nord de la province et la Bresse fournissent à la Réforme des agriculteurs, qui naturellement émigrèrent peu. Le reste appartient au commerce et aux professions libérales, avec quelques nobles.

Chalon par exemple, les protestants paraissent s'être recrutés surtout (p. 102 et 107) dans la classe moyenne. Ce livre ne saurait dispenser de recherches ultérieures. Mais il sera utile aux chercheurs, en leur épargnant un premier labeur toujours fastidieux. « D'autres, disait l'auteur de ces notices, pourront s'en servir pour un travail plus complet. » Il faut donc remercier M. R. Claparède de les avoir mises au jour'. L'histoire de la Réforme en Bourgogne reste à faire, mais le sujet est dès à présent débrouillé.

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C'est surtout d'après des documents lyonnais que M. l'abbé REURE raconte quelques Épisodes des guerres de religion dans le Forez prise du château d'Essalois par Honoré d'Urfé (1590), complot royaliste contre Montbrison (février 1591), escarmouche de Saint-Rambert (4 mars 1594), levée d'armes d'Honoré d'Urfé, démission d'Anne d'Urfé (1594-95), etc.

1. Sans sortir de son cadre, M. R. Claparède aurait pu signaler les documents relatifs aux églises de Bourgogne qui sont à la bibliothèque de Genève, et dont beaucoup ont été publiés dans les Opera de Calvin. En voici quelquesuns: Arnay-le-Duc, lettre de Popillon à Calvin, 22 déc. 1561 (intéresse aussi Chalon et Beaune); Beaune, lettre de Sébastien Tiran, 24 déc. 1561, et une lettre de Beaune du 7 mai 1562; Chalon, lettre de l'église, 9 juin 1561 (?); lettre de Bon Dupré à Calvin, 23 déc.; mention sur la liste de Colladon; Couches, 27 févr. 1561; Dijon, milieu 1561, 16 févr. 1562, 17 févr.; Is-surTille, 3 févr. 1562, et Corpus XLVI, 447, 448, 455, Calv. op. XIX, no 3558; Mâcon, 20 sept. 1561, 20 nov. : « Messieurs, jusques icy par faulte ou d'ordre ou de zèle tel qu'il appartenoit, sommes demeurés sans église, paresseux et tellement nonchallans qu'encores que soions si prochains de vous comme nous sommes, onques ne nous estoit venu en phantasie de vous aler requérir ung ministre pour nous annoncer la parole de Dieu » (d'après des notes de M. H. Aubert). De même le Livre des Bourgeois, capital au point de vue genevois, aurait pu être complété au moyen du Registre des habitants, bien plus intéressant pour l'histoire des provinces françaises. Il donne, par exemple, pour 1549 Noble Grégoire de Reynne de Challon en Bourgogne, sa nièce et son mari Becherle; Jehan Belot (cf. Naef, p. 95) de Montréal-les-Aucerre; » pour 1550: « Jehan Libenet, natif d'Yz-sur-Thilles, auprès de Dijon ou duché de Bourgoigne, menuisier. » Je retrouve en 1551 des réfugiés de Dijon (un pâtissier, un tailleur de pierre, un apothicaire, un chaussetier), de Noyers (des imprimeurs et des potiers d'étain), de Chevilly (localité non mentionnée par Naef), de Seurre, de Pise (loc. non ment.), de Mâcon (cordonnier), d'Is (drapier), du village de Malhour (?), d'Auxerre (menuisier), et de même pour les années suivantes. Je relève en 1553 Jean Durand, libraire à Dijon (Naef, p. 42), en 1558 Jean Bissac, libraire, natif de Noyers (p. 92). Il y aurait naturellement aussi, pour le futur historien de la Réforme en Bourgogne, à explorer le fonds TT des Archives nationales.

2. Montbrison, Brassart, 1901 (extr. du Bull. de la Diana), 23 p. Le même abbé Reure nous envoie une notice (extr. de la Revue du Lyonnais) sur l'Écrivain Claude du Verdier (1565-1649), personnage dont le seul mérite est d'être le fils d'Antoine du Verdier, le bibliographe. Lyon, Waltener, 1901, in-8°, 43 p.

Le texte inédit que MM. G. VALLÉ et PARFOURU nous donnent sous le titre de Mémoires de Charles Gouyon, baron de la Moussaye (1553-1587), est en réalité le Brief discours de la vie de Mme Claude du Chastel, dame de la Moussaye, rédigé entre 1587 et 15922 par le mari de la défunte3. C'est avant tout l'histoire du parfait et inaltérable amour d'un jeune gentilhomme réformé pour sa cousine, ardente huguenote. Et, à cet égard, comme tableau de mœurs du XVIe siècle, ces Mémoires sont des plus intéressants. Nous sommes trop habitués à vivre dans un xvIe siècle débauché et truculent; il y avait, sous les Valois, des hobereaux qui menaient une vie relativement tranquille, qui ne prenaient qu'une part assez restreinte aux guerres civiles, qui filaient le parfait amour avec leur épouse légitime et pouvaient se vanter de n'avoir pas, en seize ans, découché plus de six nuits de suite. Il est vrai qu'ils se mariaient jeunes et qu'ils n'hésitaient pas à se remarier: Charles Gouyon pleura six ans sa divine du Chastel, puis il convola avec Anne de la Noue, la fille du Bras-de-Fer.

S'ils ne présentaient pas ce genre d'intérêt, la valeur des Mémoires du baron de la Moussaye serait plutôt médiocre. Précisément parce qu'il a plus vécu auprès de sa « chère maitresse » que sur les grandes routes où chevauchaient les hommes d'armes, l'auteur nous apprend peu de choses. L'épisode le plus curieux est celui du voyage du prince de Condé à Jersey, en novembre 1585 (p. 139-141). - Nous féliciterons les éditeurs du soin avec lequel ils se sont acquittés de leur tâches. Notons, parmi leurs appendices, une lettre du pasteur Larroque, du 14 janvier 1663, sur la destruction de l'église de Plouër, et des lettres intéressantes sur la Révocation en Bretagne, les enlèvements d'enfants et l'arrestation des fugitifs (p. 179-183).

1. Paris, Perrin, 1901, in-8°, xxxiv-248 p., 32 pl., heureusement choisies et bien exécutées. Une carte. Des pièces d'archives et des notices généalogiques, un index.

2. Les dernières pages rendent invraisemblable l'hypothèse d'une rédaction postérieure au remariage de l'auteur.

3. Le premier tiers du ms. est du xvre siècle; il a sans doute été écrit par l'auteur ou sous sa dictée. Le reste (voy. la pl. de la p. 2) est du xvi® siècle, c'est donc une copie (Gouyon mourut en 1593).

4. Ces remariages s'expliquent par l'âge peu avancé auquel meurent souvent ces jeunes femmes, victimes, après une de leurs nombreuses couches, de l'ignorance des médecins du temps. Inversement, les femmes à trois ou même à quatre maris ne sont pas rares au XVIe siècle.

5. P. xxv, n. 1. Walsingham est qualifié d'historien anglais. » Lisez : « ministre. P. 168 et 169, les éditeurs sont-ils bien sûrs que le nom de la seconde femme de François de la Noue doit se lire de Luré et non de Juré?

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Les documents recueillis par M. l'abbé J. LESTRADE sur les Huguenots en Comminges sont presque tous extraits des archives de Muret (où se trouvent en particulier les papiers des États de Comminges); ils intéressent surtout le bas Comminges2. Ce n'était pas un pays huguenot3; mais il était menacé par ses voisins, les huguenots du pays de Foix, et souvent traversé par les bandes qui opéraient en Gascogne, particulièrement celles du roi de Navarre'. Par suite, les Huguenots de Comminges forment un utile complément aux Mémoires de Monluc; ils contiennent quelques lettres inédites de ce capitaine. Une chose apparait avec beaucoup de netteté dans ces documents commingeois c'est de quelle façon et pour quelles raisons la Ligue s'est constituée en ce pays. Dès le 26 juillet 1563, Monluc invite les habitants à former une « confédération; » il leur cite l'exemple des autres provinces. Mais déjà le mouvement a commencé chez les paysans, mouvement pour se défendre contre les pillards; or, en Comminges, les pillards ce sont les huguenots. Ces premières ligues (au début la noblesse se fait plutôt tirer l'oreille pour y entrer) sont donc une tentative d'organisation spontanée, comme les fédérations de 1789. Ce sont, encore en 1587, des fédérations contre les auteurs de << voleries, meurtres et violements, » contre ceux qui veulent forcer le paysan à payer l'impôt, contre la misère qui le force à se retirer en Espagne, « et les aultres quy sont demeurés sont au pain quérant; » en présence de l'impuissance des pouvoirs publics, les Commingeois s'unissent pour se défendre eux-mêmes. C'est seulement en mars 1589 que les États adhéreront à la Sainte-Union. Cela n'arrête pas d'ailleurs le mouvement d'organisation spontanée. En dehors du gouverneur nommé par Mayenne, en dehors des États,

1. Paris, Champion, et Auch, Cocharaux, 1900, 1 vol. in-8°, x1-428 p. (Arch. hist. de la Gascogne, 2o sér., fasc. 5). Appendices et index.

2. Il y a un appendice sur Saint-Bertrand.

3. La pièce I, datée entre « 1553-1560 », ne saurait être antérieure à 1560. Elle témoigne d'un état de désorganisation sociale qu'on ne trouve pas avant François II.

4. M. Lestrade, qui a rempli avec une parfaite impartialité son rôle d'éditeur, établit (p. 56) que le pillage de Lombez et de Samatan par les huguenots en 1569 est une légende. Il n'y eut pas de Saint-Barthélemy en Comminges.

5. Ils y adhérèrent de nouveau le 18 juin 1589. Pourquoi cette seconde manifestation? La réponse est p. 155 : « Attendu que le Roy s'est rendu du cousté de l'hérétique... Ici (n. 2), M. Lestrade dit : « A l'aide de cette calomnie, qui malheureusement trouva créance, les ennemis du roi travaillaient à la rendre impopulaire. Il est notoire que Henri III ne fut pas hérétique. » D'accord. Mais le texte ne dit pas cela. Il dit que « le Roy s'est rendu du cousté de l'hérétique... Cela n'est nullement une calomnie, puisque le 30 avril précédent le roi avait signé avec « l'hérétique» le traité du Plessis-lez-Tours.

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