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Dans le volume où M. Rott étudie les relations franco-suisses du temps de François II, Charles IX, Henri III et Henri IV, qui parviennent à renouveler l'alliance d'une façon plus ou moins heureuse en 1564, 1582 et 1602, l'histoire présente, on le voit, de grandes fluctuations causées par les discussions toujours plus âpres d'ordre religieux et d'ordre financier. Et pourtant ce volume présente plus d'unité que le premier. Même à partir de 1605 jusqu'à la fin, en 1610, le résumé des dépêches diplomatiques prend la forme d'un véritable chapitre d'histoire, histoire toute familière à l'auteur, qui l'a déjà traitée dans son beau livre sur Henri IV, les Suisses et la Haute-Italie. M. Rott n'est pas seulement un remarquable assembleur de documents; c'est aussi un excellent metteur en scène. Il sait caractériser avec indépendance les hommes et les peuples. Le jugement qu'il porte sur l'impéritie diplomatique de Louis XII est à retenir; il rend justice à François Ier, à Henri IV et même à Henri III. Vus à travers l'histoire de Suisse, les rois de France se font parfois mieux apprécier. L'histoire des relations diplomatiques de la France avec les cantons peut donner aux Suisses d'aujourd'hui quelque regret de ce que leurs ancêtres du xve et du xvi° siècles n'aient pas su profiter de leurs succès militaires pour fonder un puissant État au centre de l'Europe; elle leur fera apprécier d'autant plus les vertus politiques des Zuricois, qui, en bons disciples de Zwingli, et quoique amis de la France, se refusaient, seuls entre tous les cantons, à se vendre comme soldats mercenaires. Le travail de M. Rott comporte un enseignement patriotique qui ne doit pas être négligé '.

DE CRUE.

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1. M. Rott nous en voudrait si nous ne lui soumettions pas les observations que suggère la lecture attentive de son livre. Louise de Savoie fut régente du royaume sans être reine-mère (t. I, p. 365); après l'avènement de son fils, elle est qualifiée Madame, mère du roi, duchesse d'Angoulème (et non plus comtesse, t. I, p. 257). Les seigneurs français, créés maréchaux de France, quittaient leurs noms de terre pour reprendre leurs noms de famille; La Rochepot est devenu le maréchal de Montmorency; La Palisse, le maréchal de Chabannes et Lescun, le maréchal de Foix (t. I, 257, 262, 355); le frère de ce dernier, Lautrec, désigné au début comme maréchal de France, semble avoir abandonné cet office. Les agents du roi, Cèsar Frégose et Antoine de Rinçon, furent assassinés tous deux en 1541; le capitaine Merveille l'avait été en 1533 (t. I, p. 327). Les succès de l'armée royale de Picardie, en 1554, furent minces; les Suisses empêchèrent le désastre à Renty, le 13 août (t. I, p. 479). - Peut-on désigner le gouvernement espagnol sous le nom de l'Escurial avant Philippe II, qui fit élever ce palais, en forme de gril, de 1563 à 1584, en souvenir de la victoire de Saint-Quentin, le jour de la Saint-Laurent, 10 août 1557 (t. I, p. 324 et 484)? — T. II. M. Rott ne semble pas avoir trouvé en France de documents relatifs à l'emprunt contracté, en 1562, par les agents de Condé en Suisse, et que nous avons raconté d'après les archives de la famille de Saussure, dans là Revue d'histoire diplomatique, en 1889, t. III, p. 192.-Jean de Normandie, qui raccompagne, au camp de Henri IV, le sieur de Lubert, envoyé de ce prince, était simple conseiller au Grand Conseil de Genève

Napoléon antimilitariste, étude d'histoire contemporaine, par Gustave CANTON, Paris, Félix Alcan, 1902, 368 p. in-18°. Prix: 3 fr. 50.

Plus d'un se demandera sans doute en parcourant cette originale étude, dont le titre tire l'oeil et commande l'attention, si l'auteur a voulu se donner le plaisir de démontrer jusqu'au bout un élégant paradoxe ou s'il est vraiment de son avis, s'il reste vraiment convaincu que Napoléon incarne l'esprit antimilitariste et s'il croit avoir convaincu ses lecteurs. On a changé tant de choses de nos jours, en histoire comme ailleurs, qu'on peut s'attendre à tout; je crois tout de même que la thèse de M. Canton aura quelque peine à se faire accepter, en admettant, trop naïvement peut-être, qu'elle doive être prise absolument au sérieux. On aura beau mettre en exergue sur la couverture d'un volume le mot de Napoléon : « Jamais le gouvernement militaire ne prendra en France », on n'empêchera pas que pour tout Français qui réfléchit, le régime impérial reste le type le plus accompli du gouvernement militaire qu'on puisse rêver, soit qu'on l'admire, soit qu'on l'abhorre. Je sous-entends naturellement qu'il s'agit de nations vieilles et civilisées, comme les nôtres; car il est évident que dans des siècles et chez des races plus barbares, la situation pourrait être bien plus violente et plus douloureuse encore. Mais étant donné un peuple sortant de la fièvre chaude de la Révolution, ayant fait les efforts les plus inouïs pour se dégager des liens de l'ancien régime, il n'est guère possible de se figurer une manière de gouverner plus despotique et militaire, d'un ton plus caporalesque, plus destructive de tout sentiment de dignité personnelle et de liberté. Asservir un peuple aux tâches les plus énormes, les plus ingrates, les plus immorales (car c'était une immoralité, en même temps qu'une folie, de vouloir détruire l'indépendance des autres nations), et tout cela par la force seule d'une implacable volonté, appuyée sur des bayonnettes innombrables, n'estce pas là le «< gouvernement militaire» dans toute sa beauté? Si l'auteur me dit non, c'est que les mots n'ont plus de sens. Dois-je être dupe de l'obligatoire hypocrisie de tous les aspirants à la tyrannie qui nient en théorie ce qu'ils accomplissent en pratique? Napoléon, sur ce point,

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et non syndic (t. II, p. 431 et 552). Le Schelandre que Guitry laisse comme chef aux Genevois était, comme lui, un Chaumont, son frère, je crois (t. II, p. 562, 690 et 691). Lire Rumilly (t. I, p. 319 et 402); Boringe (t. II, p. 560); biffer la date 1582 (t. II, p. 360). Je prends note des lectures Daugerant (t. I, p. 289) et Clervans (t. II, p. 181, etc.) au lieu de Dangerant et Clervant. Le roi de France avait signé en faveur de Genève un traité dit de conservation; les Genevois ne pouvaient admettre qu'il s'agit d'un traité de protection (t. II, p. 490 et 518). « Ceste forme, disait le député de la république au secrétaire du roi, me feroit mettre la teste sur un eschafault »>. - Est-il bien sûr que le maréchal de

Bouillon fut coupable (t. II, p. 491, 599, 604)? - Dans cette dernière partie, M. Rott, passant rapidement sur Genève, la porte occidentale de la Suisse, concentre l'intérêt sur les Grisons, porte de l'est.

n'a fait qu'imiter ses grands modèles, un César, un Auguste, un Cromwell; il a parlé, d'un ton pénétré (et j'accorderai même qu'il était relativement sincère) de justice, d'égalité, des vertus civiles; il a rabroué parfois durement ses maréchaux et ses généraux; il leur a reproché leurs vols, leurs concussions, leurs éternelles rivalités, il les a brisés quand ils résistaient à son impérieuse volonté. Tout cela n'est pas niable et personne ne songe à le contester. Mais ce n'est pas une raison pour vouloir nous faire croire que le juge suprême du duc d'Enghien, de Palm, de Hofer, de Staps et de tant d'autres, ait sérieusement «< condamné avec vigueur la justice des conseils de guerre »; qu'il ait été bien démocratiquement inspiré en « interdisant aux officiers de traiter les soldats comme des domestiques et des palefreniers », alors que lui-même, trop souvent, traite ses généraux et ses ministres comme des laquais; que le mitrailleur de Saint-Roch ait été sérieusement convaincu qu'il est mal « d'employer la force armée contre les citoyens »; que l'organisateur de la Grande Armée ait sérieusement << rêvé de supprimer les armées permanentes ». M. Canton croit-il vraiment, qu'une fois son armée dissoute et dispersée, Napoléon se serait maintenu six mois sur le trône, tant il pesait à la France éreintée de 1814?

Il reste donc, à notre avis, de l'étude de notre auteur une collection d'extraits piquants, patiemment colligés dans l'immense correspondance impériale ou dans les mémoires des contemporains, et très heureusement groupés dans une série de chapitres qui ne laissent pas de faire une certaine impression quand on les parcourt sans se donner le temps de réfléchir; mais, quand on examine de plus près la thèse qu'ils doivent étayer, on ne saurait la déclarer acceptable, avant d'avoir changé d'abord le sens des mots les plus simples et les idées les plus familières à l'esprit moderne.

R.

Gustave FAGNIEZ. Le duc de Broglie (1821-1901). Paris (Perrin et Cie) 169 p. in-8.

L'éloge historique que M. Gustave Fagniez, membre de l'Institut, vient de composer à la mémoire du feu duc Albert de Broglie, son prédécesseur à l'Académie des Sciences morales et politiques, se présente sous une forme classique. Le style a l'ampleur traditionnelle et il nous semble que, dans ce court volume, il existe plus de périodes académiques que dans les pages de l'importante histoire de l'Economie

1. Encore s'agirait-il de savoir si les ordres de Napoléon ont été obéis quand il exigeait, par exemple, que Masséna ou Brune rendissent les sommes immenses volées ou extorquées par eux (p. 129-131). Il faudrait voir si elles figurent au budget des recettes pour l'année suivante.

sociale de la France sous Henri IV. Je ne veux pas dire par là que l'œuvre l'emporte par les qualités de forme. Le fond est des plus solides. Cette notice se divise en trois parties, qui correspondent aux phases de l'activité de M. de Broglie: la période de jeunesse, dont l'œuvre maîtresse est l'histoire de l'Empire et de l'Église au Ive siècle ; l'âge mur avec les luttes politiques et les ministères de l'époque du Septennat; la vieillesse consacrée aux études d'histoire diplomatique du xvIIe siècle, si différentes, par le sujet, de celles des premières années.

C'est en 1856 que parut la première partie de L'Église et l'Empire romain au iv siècle. Cette œuvre dut être inspirée en partie au duc de Broglie par l'éducation très chrétienne qu'il avait reçue d'une mère bientôt perdue. Protestante fervente, la noble fille de Mme de Staël a semé dans la nature si favorable d'Albert de Broglie les germes d'une foi religieuse qui devait l'attacher de plus en plus, jusqu'à la fin, à l'Église catholique romaine. M. F. atténue peut-être ce que la puissance de ce sentiment risquait d'enlever de valeur critique a un ouvrage, qui traite les relations du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel à leur origine et se termine par le triomphe de l'Église, à peine sortie des persécutions. Ce spectacle de l'humiliation du prince devant le prêtre devait se renouveler à plusieurs reprises pour la plus grande satisfaction de toute une école historique. M. F. note les objections que pouvaient faire ceux qui sont restés les admirateurs quand même de la civilisation gréco-romaine, et il rappelle que Tocqueville regrettait que la réforme morale du christianisme ne fût pas parvenue à améliorer le monde politique et eût pour conséquence la chute de la société romaine. L'apparition de la religion nouvelle et sa victoire constitueront toujours le sujet le plus captivant de l'histoire de la civilisation.

Cette belle carrière d'historien fut interrompue durant quelques années par la politique. Tout jeune, Albert de Broglie avait, secrétaire d'ambassade, assisté à la chute de la monarchie parlementaire qui lui était chère. Sous le second empire, il avait pris la défense de l'indépendance de l'Église, que le pouvoir semblait asservir par ses séductions. Après l'année terrible, son passé et ses talents le recommandèrent au choix des électeurs qui l'envoyèrent siéger à l'Assemblée nationale. Diplomate utile, il ne tarda pas à devenir ministre et l'on se rappelle le rôle qu'il joua au sein du parti conservateur. C'est avec impartialité, même avec quelque sympathie, que M. F. étudie ce rôle et l'on remarquera qu'il dégage la responsabilité de M. de Broglie dans l'affaire du 16 mai. Le duc ne se déroba pas au mandat que lui confia le maréchal et il le soutint aussi bien que possible.

Rendu à la vie privée, M. de Broglie, sans se désintéresser jamais des questions politiques, notamment dans leur rapport avec l'Église catholique, entreprit ses belles études d'histoire diplomatique sur le

XVIII siècle. « Ce fut son grand oncle, le comte de Broglie, qui l'introduisit, pour ainsi dire, dans cette société du xvIIIe siècle, si peu chrétienne, si peu française. » Il devint dès lors l'habitué remarqué des dépôts d'archives. « Il a décrit lui-même l'intimité qui s'établit entre l'historien et les personnages historiques à mesure que passent sous les yeux des premiers les pages jaunies où les seconds ont déposé l'expression confidentielle de leurs sentiments. » Le Secret du roi, dont le vide des intrigues se fait par trop sentir, fut suivi de la série d'études sur la politique du grand Frédéric, de Marie-Thérèse et de Louis XV, politique intéressante pour le monde entier. M. F. fait l'analyse de cette œuvre capitale en atténuant encore ici, à ce qu'il semble, la vivacité des conclusions de l'auteur. L'étude du renversement des alliances forme le nœud du sujet. Elle a été souvent traitée. Il me semble qu'après avoir constaté d'une part la rivalité exclusive de Frédéric II et de Marie-Thérèse, d'autre part celle de l'Angleterre et de la France, qui ne l'était pas moins, la question se ramène à ces termes : MarieThérèse ne s'alliera jamais à l'allié de Frédéric; la France ne s'alliera jamais à l'allié de l'Angleterre; donc Frédéric se rapprochant de l'Angleterre, la France se rapprochera de l'Autriche, et réciproquement. Ainsi, sans recourir à des explications d'un caractère secondaire, se déroule tout naturellement l'imbroglio.

M. F. n'a garde de négliger les autres travaux littéraires, historiques ou politiques de M. de Broglie. Du premier au dernier il les passe en revue avec exactitude et impartialité. C'est surtout l'homme public et le publiciste qu'il fait connaître, en mettant en relief les belles qualités de fidélité aux principes, de droiture, de courage, de labeur intellectuel, sans oublier les mérites littéraires. A part les sentiments religieux et politiques, qui sont analysés avec fidélité, l'homme privé paraît moins. M. Fagniez ne dit que ce qu'il sait et il le dit bien, toujours égal à lui-même, historien bien informé, grave écrivain et élégant.

DE CRUE.

PAUL et VICTOR GLACHANT. Un laboratoire dramaturgique. Essai critique sur le théâtre de Victor Hugo. I. Les drames en vers de l'époque et de la formule romantique. Paris, Hachette, 1 vol. in-12, de 400 pages.

MM. P. et V. Glachant poursuivent les travaux d'archivistes litté raires dont ils nous avaient donné quelque aperçu dans leurs Papiers d'autrefois, et continuent de soumettre la formidable masse des manuscrits de Victor Hugo à un dépouillement et un examen digne de ceux que nos érudits latinistes pratiquent pour l'établissement de leurs textes critiques. Je ne sais pas si le résultat de ce labeur prodigieux est aussi favorable à la gloire de notre grand poète que le

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