網頁圖片
PDF
ePub 版

D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 8

23 février

--

1903

ASTON, Littérature japonaise.

[ocr errors]

MAZON, L'Orestie.

PERDRIZET, Ronsard et la Réforme. PEYRE, Marguerite de France. PELLISSIER, Le mouvement littéraire. Lettre de M. James Forbes et réponse de M. Rod. Reuss. Corpus scriptorum christianorum orientalium.

F.-W. THOMAS, Catalogue des manus

crits sanscrits de la Société asiatique de Londres. souabe, V. K. MEIER, Racine et Saint-Cyr.

[ocr errors]

[ocr errors]

[blocks in formation]

[ocr errors]

NETSCHAIEFF, La méBERTOT, Au Lazaret.

[ocr errors]

TRUBERT,

Pascal. HECKE, STIMPFL, GALLE, Feuilles pédagogiques. NIEBERGALL, Le prêche moderne. - V. BERARD, Questions extérieures. moire. SIENKIEWICZ, Lettres d'Afrique. Souvenirs. ROZAN, Les animaux dans les proverbes. GONDRÉ et PERRAUD, L'église Saint-Séverin. - DONNET, En Indo-Chine. TRUEBNER, Minerva, XII. - Box, La connaissance. - Académie des inscriptions.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Littérature japonaise, par William George Aston (traduction française de HenryD. Davray). Un volume in-8° (Librairie Armand Colin, Paris, 1902).

Écrire une histoire de la littérature japonaise était sans contredit. une œuvre ardue. Jusqu'à une époque très proche, les Japonais n'ont produit aucun ouvrage semblable et leurs quelques essais récents en ce genre sont pour l'érudit européen d'un médiocre secours; on trouve au Japon fort peu de ces collections bibliographiques dont quelques-unes sont si précieuses pour l'étude de la littérature chinoise; pour les œuvres littéraires et autres, il existe un petit nombre de traductions, un nombre plus petit encore de travaux critiques; la syntaxe de la langue diffère entièrement de celle des langues européennes; le système des allusions, des comparaisons, des associations d'idées est autre; l'histoire et la société du Japon sont quasi inconnues en Europe. Donc pas de cadre, pas de plan, pas de couleurs pour tracer le tableau. Rien de japonais ne pouvait servir directement sans un choix minutieux, sans une élaboration patiente; rien d'européen de même ne pouvait être employé qu'avec une valeur de transposition bien délicate à fixer. M. Aston a tenté l'aventure; avec son érudition, sa netteté de coup d'œil, sa délicatesse de touche, il était des plus qualifiés pour l'entreprendre; en somme il a réussi. C'est-à-dire que le lecteur européen, totalement ignorant du japonais, peut, grâce à son volume, apprendre que depuis fort longtemps les Japonais ont beaucoup écrit en vers et en prose, qu'ils ont affectionné certains sujets dont quelques-uns ne manquent pour nous ni de grâce

Nouvelle série LV.

8

ni d'émotion, qu'ils ont cultivé des genres littéraires parfois assez voisins, parfois étrangement différents des nôtres. C'est déjà beaucoup que d'avoir réussi dans cette mesure pour le public lettré.

Les spécialistes profiteront davantage de ce travail, qui sera pour eux un guide dans des régions dont la carte d'ensemble n'était pas encore dressée. Mais peut-on dire que M. A. a dressé cette carte? Il me semble que son croquis laisse encore bien des espaces en blanc. M.A. a mis de côté, comme n'appartenant pas en propre à son ouvrage, les œuvres écrites en chinois par les Japonais; il n'a fait d'exception que pour un très petit nombre, en raison de leur importance, encore se borne-t-il à indiquer ces dernières en passant. Cette exception admise est déjà un aveu. Il a fallu, malgré qu'on en eût, mentionner le Nihongi, par exemple, en raison de sa place considérable dans la litté rature japonaise; c'est donc que la littérature du Japon n'est pas toute en japonais et qu'à prendre seulement ce qui est écrit dans cette langue, on néglige la moitié de la pensée de ce peuple. Les Japoponais ont été à l'école de la Chine, ont pensé et écrit en chinois jusque dans le xixe siècle, autant, à certaines heures, que nous avons écrit en latin au XIIIe siècle : c'est fausser leur physionomie et leur histoire que de n'y pas insister.

J'aurais aimé aussi que l'auteur eût parlé avec plus de détails de certains genres, œuvres historiques, lois et règlements, philosophie même; là encore il s'est contenté d'indications un peu rapides, bien plus complètes toutefois que pour l'ensemble des ouvrages en chinois. D'ailleurs, ce reproche se confond en partie avec l'autre, car la langue chinoise était employée surtout dans les œuvres sérieuses. Je trouve que, surtout quand il s'agit de nations aussi différentes de nous-mêmes, la littérature, prise dans l'acception étroite, la littérature d'agrément et d'imagination, ne révèle qu'une face, et non la plus importante ni la plus compréhensible, de l'esprit des peuples; en pareil cas, je cherche dans l'histoire littéraire l'inventaire résumé de tout ce qui a été pensé et exprimé par l'écriture. C'est ce qu'avait admis M. Satow en écrivant son lumineux article Japanese literature (American Encyclopedia, D. Appleton and C°, New-York, 1874). C'est ce que M. Aston a compris aussi, pas assez toutefois à mon gré; mais s'il est trop bref sur les genres sérieux, c'est sans doute que ce plan lui était imposé; je le suppose, du moins, le même défaut se rencontrant, beaucoup plus visible, dans d'autres histoires littéraires de la même série.

La traduction française est exacte et facile à lire. Je déplore d'y voir quelque incohérence pour l'orthographe des mots japonais et quelques bizarreries. Pourquoi écrire la période Nara et la période Tokyo? ces noms de lieux ne peuvent être pris comme qualificatifs en français; nous disons l'école florentine, il faudrait dire la période de Nara, puisque nous formerions difficilement de ce mot un adjectif.

Maurice COURANT.

L'Orestie d'Eschyle, traduction nouvelle, publiée avec une Introduction sur la légende, un commentaire rythmique et des notes, par Paul Mazon, agrégé des lettres, in-16 écu, Paris, Fontemoing, 1903.

On peut dire, sans faire tort à l'œuvre consciencieuse d'A. Pierron ni aux contre-sens sonores de Leconte de Lis le,qu'il nous manquait encore une bonne traduction française du théâtre d'Eschyle. Un jeune agrégé des lettres, M. Paul Mazon, a entrepris de combler cette lacune, et le volume qu'il publie, comprenant l'Orestie en entier, c'est-à-dire trois des tragédies subsistantes sur sept, permet d'augurer au mieux de ce qu'il nous doit encore. Le traducteur a suivi la dernière recension de M. Weil (Teubner, 1891), qui offre le texte le plus intelligible, et, en somme, le plus sûr, que nous ayons actuellement de l'œuvre si souvent altérée du grand tragique grec. Son interprétation est l'œuvre d'un helléniste, à la fois pénétrant et consciencieux, qui a étudié de près toutes les difficultés, en s'aidant des ressources peu à peu amassées par la critique, et qui les a résolues d'une manière souvent heureuse, toujours personnelle et intéressante. Quant à la traduction, on sent vite qu'elle a été travaillée comme une œuvre d'art par un admirateur sincère de la poésie antique, épris de son modèle. M. Mazon a senti mieux que personne qu'on ne pouvait traduire un poète comme un prosateur : il a donc essayé de concilier la hardiesse exigée par le texte avec la nécessité d'être compris par des lecteurs français, et il y a certainement réussi dans la plus large mesure. Mais son mérite propre est peut-être surtout dans la préoccupation constante du rythme, qui joue un si grand rôle dans la structure des tragédies d'Eschyle. Non seulement il a pris soin de distinguer par le choix des caractères typographiques les parties chantées des parties simplement récitées, mais il a noté, comme font les compositeurs de musique, les variations du mouvement et de l'expression. Ces notations pourront assurément être discutées; mais ceux qui voudront bien les contrôler de près, en se reportant au commentaire rythmique qui précède les notes, s'apercevront vite qu'elles ne sont aucunement arbitraires et qu'elles ont été étudiées de près. Le traducteur a mêlé à sa prose un assez grand nombre de vers blancs, et il en a même fait usage systématiquement pour traduire les dialogues stichomythiques. C'est une innovation qui a besoin sans doute d'être ratifiée par les connaisseurs : je crois, d'après mon impression personnelle, qu'elle sera généralement approuvée.

Comme M. de Wilamowitz-Moellendorff l'avait fait déjà dans ses traductions allemandes, M. Mazon a indiqué les jeux de scène. C'est chose si indispensable pour un lecteur moderne qu'on doit s'étonner d'avoir à signaler cela comme une nouveauté. Il est vrai que ces indications sont nécessairement discutables, puisqu'elles ne s'appuient dans le détail sur aucun témoignage antique. Mais lorsqu'elles procèdent, comme c'est le cas ici, d'une connaissance approfondie du

théâtre grec, en même temps que d'une étude très réfléchie du texte lui-même, nous croyons qu'elles ont grande chance d'être aussi près que possible de la vérité.

Maurice CROISET.

Pierre PERDRIZET. Ronsard et la Réforme. Paris, Fischbacher, 1902; 1 vol. in-8° de 177 pages.

Dans ce livre, M. Perdrizet recherche « les vraies et profondes raisons qui ont animé Ronsard contre les protestants (p. 4). L'ouvrage s'ouvre par plusieurs chapitres préliminaires où l'on remarquera une excellente << Bibliographie de la polémique entre Ronsard et les protestants » (p. 13-40). Puis l'auteur, venant à son dessein, énumère et développe les diverses raisons qui ont fait que Ronsard n'est pas devenu protestant; ce sont, et je me borne à transcrire ici la table des matières, le patriotisme de Ronsard, l'humanisme dont il est imprégné, son loyalisme et enfin sa situation de poète de cour. L'analyse de M. P. est pleine de remarques justes et fines; je ne trouve pas qu'elle nous fasse pénétrer dans l'âme même du poète. L'auteur raisonne tout le temps comme si Ronsard et, avec lui, les Français de son temps avaient été des philosophes qui doivent prendre parti entre deux systèmes opposés. Ronsard ne s'est jamais demandé s'il devait se faire protestant; il était né catholique : il l'est resté, sans avoir besoin de se formuler à lui-même les raisons de sa croyance.

Ce qu'on pourrait dire, il me semble, c'est que Ronsard resta indifférent aux querelles religieuses, tant que la France ne lui parut pas y être directement intéressée'. Mais voici que les protestants, de secte religieuse, deviennent un parti politique. Du coup Ronsard s'émeut et croit entendre la grande voix de la France lui crier ses misères : c'est alors qu'il prend la plume. Est-ce à dire qu'il soit mal informé du protestantisme ou que, pour le combattre, il manque d'arguments solides? Non, certes, et M. P. rabaisse trop la « Valeur des attaques de Ronsard contre la Réformation » 2. Selon lui, Ronsard ne connais

1. En 1567, c'est-à-dire bien après qu'avait pris fin sa polémique avec les protestants, Ronsard écrivait encore :

Ne romps ton tranquille repos
Pour papaux ny pour huguenots;
Ny amy d'eux ny aduersaire,
Croyant que Dieu pere tres-dous
(Qui n'est partial comme nous)
Sçait ce qui nous est necessaire.

Cité par Pellissier, ap. Petit de Julleville, Hist. de la littérat. franç., t. 3, p. 185;

cf. Blanchemain, t. 2, p. 369.

2. C'est le titre du chap. 6.

I

sait pas l'hérésie qu'il s'était proposé de combattre; cependant les huguenots eux-mêmes convenaient que Ronsard avait lu «< leurs écrits >> ' et celui-ci semble traduire une impression personnelle quand il parle des << prédestinations fantastiques, et songes monstrueux de Calvin ». Voici encore, à ce sujet, un autre texte qui semble avoir échappé à M. P.:

"

J'ay autrefois gousté, quand j'estois jeune d'âge,
Du miel empoisonné de votre doux breuuage;
Mais quelque bon daimon m'ayant ouy crier,
Auant que l'aualler me l'osta du gosier 3.

Pour les arguments de Ronsard, ils ne sont pas non plus si faibles qu'on le veut bien dire. Il se peut que les variations de l'Église protestante, dénoncées par Ronsard bien avant Bossuet, fassent « sa gloire et sa force » (p. 80) mais ce n'était point l'avis des protestants de son temps, et le reproche de Ronsard les ambarrassait fort. De même, il me semble que celui-ci frappait juste quand il accusait de Bèze de prêcher en France « une Évangile armée, Un Christ empistolé tout noirci de fumée ». Pour prêcher la doctrine du Christ, il lui demandait d'abord de se faire semblable au Christ, et cet argument était assez fort, à ses yeux, pour le dispenser de discuter, surtout dans un poème, la théologie calviniste.

Enfin est-il vrai de dire qu'on ne peut croire à la sincérité du catholicisme de Ronsard? Lui reprocher ses Folastreries, c'est oublier que Théodore de Bèze a fait, lui, ses Juvenilia. L'hymne de l'Hercule chrétien, avec ses « figures », est tout à fait dans le goût du xvre siècle, qui voyait dans la mythologie antique comme un autre Ancien Testament, où se retrouvent, sous forme d'allégories, tous les enseignements du Nouveau; et si, en lisant cet hymne, des protestants se scandalisèrent, ils furent plus rigoristes que les catholiques du temps. En réalité Ronsard fut aussi bon catholique que la plupart de ses confrères du clergé; au temps de la polémique contre les protestants, sa vie privée, sans être fort austère, n'avait plus, semble-t-il, rien de dissolu ".

1. Cf. Response, Blanchemain, t. vii, p. 106:

Ne conclus plus ainsi : Ronsard est bien appris,

Il a veu l'Évangile, il a veu nos escris,

Et n'est pas Huguenot...

2. Cf. l'Épître en tête de la Response; Blanchemain, t. vii, p. 86.

3. Remonstrance; Blanchemain, t. vii, p. 60. S'agit-il ici de la présence de Ronsard au concile de Hagueneau? M. P. (p. 90, in. n.) remarque qu'il y put voir et entendre Calvin et Melanchton.

4. Cf., pp, 158-159, un extrait de la Remonstrance à la Royne, sur les Discours de P. de Ronsard.

5. Continuation du Discours; Blanch., t. vII, p. 22.

6. Cf. le tableau que lui-même en a tracé dans la Response; Blanche., t. vII,

PP. 112-114.

« 上一頁繼續 »