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Mais, en art, la raison n'est pas tout. Il flotte autour des monuments italiens une poésie que le raisonnement ne parviendra jamais à dissiper. Les colonnettes de la cathédrale de Pise et cette tour penchée, que M. Enlart nous dit être une tour déviée, charmeront les hommes aussi longtemps, je pense, que la cathédrale de Chartres ou le clocher de Vendôme.

Des esprits chagrins ne manqueront pas de relever dans le livre de M. E. des erreurs de détail. Ces erreurs, qui disparaîtront dans une seconde édition, sont peu nombreuses et tout à fait insignifiantes. Moi-même je pourrais reprocher à M. E. d'avoir admis pour vraies certaines propositions qui sont bien loin d'être démontrées. Malgré l'autorité qui s'attache au nom de M. G. Durand, il n'est pas prouvé que les rois de la façade d'Amiens soient des rois de France. Je n'ai été, pour ma part, nullement convaincu par des arguments que je me propose de discuter à loisir.

Mais laissons ces détails. Les grandes lignes du livre de M. Enlart sont inattaquables. Il sait tout ce qu'on peut savoir. L'énorme labeur qu'il s'est imposé et qu'il va poursuivre mérite d'être admiré sans réserve. Je suis certain que son livre sera fécond. Nos érudits locaux, à qui manque souvent une solide instruction archéologique, trouveront dans son Manuel un guide irréprochable. Nous pourrons désormais attendre d'eux des statistiques monumentales bien faites. Ainsi deviendra possible cette description complète des monuments de la France que nous souhaitons tous si passionnément.

Emile MALE.

I. Gonzalez de la Rosa. La solution de tous les problèmes relatifs à Christophe Colomb, etc. (Mémoire extrait du compte rendu du Congrès international des Américanistes tenu en septembre 1900). Paris, Leroux, 1902, 22 pages. II. Henry VIGNAUD. Mémoire sur l'authenticité de la lettre de Toscanelli du 25 juin 1474, etc. (Mémoire extrait du compte rendu du Congrès international des Américanistes tenu en septembre 1900), précédé d'une réponse à mes critiques; lettre à MM. Uzielli, Hermann Wagner et L. Gallois. Paris, Leroux, 1902, XL-31 pages.

III. S. RUGE. Colombus (Geisteshelden. Biographien 5 B. 2te Aufl. Berlin. Ernst Hoffmann, 1902, 214 pages, 3 portraits, 2 croquis cartographiques dans le texte).

La mémoire de Colomb est déjà sortie fort endommagée des procès où le tribunal de l'histoire l'a évoquée. Voici que se produisent des accusations nouvelles et, pour comble de disgrâce, les accusateurs sont des Américains; les âmes candides verraient là de l'ingratitude.

L'on ne dénie pas à Colomb la gloire d'avoir découvert le Nouveau Monde; l'on consteste qu'il l'ait découvert en vertu d'une conception scientifique; l'on va jusqu'à insinuer qu'il dut cette fortune au renseignement d'un simple pilote, comme le soupçonnèrent et le répandirent

ses contemporains. Or, d'après la tradition consacrée par les Historie de Fernand Colomb et de Las Casas, le système cosmographique ou les théories de Christophe Colomb lui auraient été inspirées par la lecture de l'Imago Mundi de Pierre d'Ailly, dont un exemplaire annoté par Christophe - ou Barthélemy- Colomb a été conservé, et par les lettres du Florentin Toscanelli, adressées l'une à Fernam Martins, chanoine et confident du roi de Portugal Alfonso II, l'autre à Colomb lui-même, cette dernière accompagnée d'une carte qui aurait servi de routier à l'illustre navigateur. M. Gonzalez de la Rosa se fait fort de prouver que l'Imago Mundi, dont la date de publication est malheu. reusement inconnue, n'a été imprimée « qu'au moment où Colomb quittait le Portugal ». Quant à la correspondance de Toscanelli, M. Gonzalez de la Rosa et M. H. Vignaud en ont attaqué l'authenticité. Cette correspondance aurait été forgée vraisemblablement par Barthélemy pour accréditer l'opinion que l'entreprise de son père ne procéda point du hasard, mais bien d'une doctrine géographique. Toscanelli n'a pu écrire ces documents ni à la date indiquée par les historiens attitrés de Colomb, ni dans les termes ni dans la langue où ils sont rédigés : outre que le Florentin eût employé un latin plus correct, il n'eût pas tablé sur des notions géographiques surannées, ni proposé la mesure du degré d'après Marin de Tyr, c'est-à-dire celle de l'étendue du monde habité, alors que Ptolémée avait démontré l'erreur de ces calculs.

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Nous ne pouvons énumérer ici les arguments à l'appui de cette thèse, encore moins les critiquer. Il ne nous appartient pas de dire si M. Vignaud a répondu victorieusement à ses contradicteurs. Jusqu'ici ces derniers ne se rendent pas (v. L. Gallois, Annales de Géogr., 15 nov. 1902, p. 448-51), et tous ont relevé le défi. Le procès est toujours pendant; l'édition anglaise de l'ouvrage de M. Vignaud (Londres, Sands et C°, 1902, xx-365 p.) et le travail d'ensemble annoncé par M. G. de la Rosa enrichiront le dossier et permettront de préjuger la sentence définitive.

Colomb a trouvé en M. Ruge, non pas un apologiste, ni même un avocat, mais un juge d'instruction sans parti pris. M. R. ne dissimule aucune des faiblesses du caractère de Colomb et le dépouille du prestige légendaire dont le peu scrupuleux Génois avait enveloppé ses origines et sa carrière. Aussi n'accorde-t-il aux Historie qu'une créance limitée.

M. R. adopte l'année 1446 comme date de la naissance de Colomb à Gênes, il déboute de sa prétention la petite ville de Calvi, prétention à laquelle s'était associé non sans quelque ridicule le gouvernement français. Il établit aussi que l'île où Colomb arriva est Watling (Guanahani). M.R. ne met pas en doute l'authenticité de la lettre et de la carte de Toscanelli, et il prononce sommairement (p. 83) que l'accusation de faux portée par M. Vignaud a complètement avorté; « il

suffit de rappeler que Colomb avait avec lui à bord la carte de Toscanelli.'» Mais M. R. reconnaît que Colomb, loin d'être un savant origiginal, accepte docilement les doctrines traditionnelles, qu'en cela, comme en religion,il fut un croyant et un mystique puisqu'il s'imagina avoir découvert le Paradis terrestre, et proclama son œuvre comme un miracle et une mission divine. La conclusion de M. R. est plutôt sévère; « seul le hasard du succès l'a fait grand », mais ce succès fait oublier les imperfections du plan et de l'homme.

B. A.

Photakos.

Απομνημονεύματα περὶ τῆς ἑλληνικῆς Ἐπαναστάσεως (Souvenirs de la Révolution grecque) édités par Stavros ANDROPOULOS, Athènes, Sakellarios, 1900, 2 vol. λx'-562, 483 pag., in-8°. Prix: 10 drachmes.

Photius Chrysanthopoulos ou Photàkos naquit en 1798, dans la province de Gortynia (Arcadie). Après un séjour de sept années en Russie, où il se livra au commerce, il revint dans le Péloponèse pour prendre part à la Révolution grecque. Colocotròni le choisit dans le corps de C. Deliyànni, où il avait déjà servi quelque temps, pour l'élever au grade de capitaine, puis il en fit son aide de camp. Photakos exerça ces fonctions jusqu'à la fin de la guerre; ensuite il se retira à Tripolis, où il mourut, en 1878. Photàkos a écrit une Vie de l'archimandrite Gr. Phlèsa, publiée en 1868, des Vies des héros politiques, militaires, ecclésiastiques, nés ou venus dans le Péloponèse, éditées en 1888, et quelques articles de moindre importance, dont M. Andròpoulos donne la liste, dans la notice biographique qu'il a consacrée à cet auteur, au commencement du premier volume de ses Souvenirs.

Ces Souvenirs seront lus avec fruit par tous ceux qui s'intéressent à la Révolution grecque. Photàkos conte agréablement, et les menus faits ne nuisent pas, chez lui, à la clarté de l'ensemble, comme c'est souvent le cas dans les mémoires dictés à Tertsèti par Colocotròni 2. Les deux ouvrages devront être consultés concurremment. Ils s'accordent souvent, pour leur partie commune, dans les moindres détails 3 et, bien que la version de l'ayoutávt ait pu subir l'influence de celle

1. Cf. Die Echtheit des Toscanelli-Briefes. Zts. f. d. Erdk. Berlin, 1902, p. 498511. Après une discussion serrée et un peu aigre des arguments des arguments de M. Vignaud, M. Ruge affirme sa ferme conviction de l'authenticité de la correspondance entre Toscanelli et Colomb: « toutes les tentatives en vue de nier l'influence du savant florentin sur Colomb demeureront vaines. >>

2. 'O T'épwv Koλoxotρóvns, Athènes, Biblioth. de la Hestia, 1889, 2 vol., 5-176, 196 pag., in-8°.

3. Voir notamment le récit de la bataille du 9 mars 1822 devant Patras; Colocotróni I, 91 sqq. ; Photàkos I, 298 sqq.

du général (les Mémoires de Photàkos ont paru, pour la première fois en 1858, sept ans après ceux de Colocotròni), les historiens seront cependant heureux d'avoir du même événement les récits de deux témoins oculaires.

La première édition des Souvenirs de Photàkos ne comprenait que deux livres et allait des origines de la Révolution à l'année 1823. Celle que publie aujourd'hui M. A. en compte huit et ne s'arrête qu'en 1828. Les deux premiers livres ont subi de nombreuses modifications; des additions y ont été faites; la langue elle-même n'est pas restée indemne, elle a été un peu « épurée ». On aimerait avoir là dessus quelques explications. On voudrait savoir aussi d'après quel manuscrit M. A. publie ces Souvenirs de Photàkos, quelle est son apparence, son histoire, l'endroit où il se trouve. Ces renseignements ont leur importance; un éditeur les doit toujours à ses lecteurs. Les réserves de ce chef une fois faites, l'ouvrage que publie M. Andròpoulos ne mérite que des éloges.

Hubert PERNOT.

A. MEILLET. Esquisse d'une Grammaire comparée de l'Arménien classique. Vienne (Autriche). Imprimerie des P. P. Mékhitharistes, in-8°, vIII-116 p. Pr: 6 francs.

Nous n'avions pas jusqu'ici de grammaire comparée de l'arménien classique le fondateur même et le maître incontesté des études arméniennes, M. Hübschmann, tarde aujourd'hui encore à nous donner celle qu'il nous a promise. Quant à ses collègues et élèves, ils ont vu surtout dans un domaine linguistique aussi neuf une belle matière à étymologies nouvelles. Maintenant la lacune est comblée, et le livre de M. Meillet est fait pour contenter aussi bien les arménisants désireux de connaître le passé et les attaches de la langue dont ils ont fait leur spécialité que les linguistes curieux d'envisager l'un des aspects les plus surprenants qu'ait pris l'indo-européen. Le mot esquisse, qui figure un titre, ne doit pas faire illusion: le livre est sommaire mais complet, et le doute que l'auteur laisse subsister sur tant de points. tient non pas à l'œuvre, mais bien à la matière. L'arménien comporte une quantité trop petite de mots d'origine indo-européenne, il apparaît dès les documents les plus anciens comme trop éloigné de la langue primitive, trop original déjà, et surtout trop isolé, pour que sa grammaire comparée n'en garde pas toujours un caractère d'incertitude bien spécial; il s'y rencontre trop de lois basées sur un nombre restreint d'exemples parfois douteux pour qu'elle puisse perdre jamais le caractère d'esquisse.

Mais M. M. ne nous a pas seulement donné un guide avisé, sobre et clair dans une matière difficile et obscure, il a écrit un livre origi

nal. Il n'a pas comparé des lettres à des lettres, ni même des sons à des sons, ou des mots à des mots, il a opposé une langue à une autre, c'est-à-dire un système strictement défini à un moment donné à un autre système pareillement arrêté, à une date également donnée, tant au point de vue psychologique qu'au point de vue organique, dans les trois domaines de la phonétique, de la morphologie et de la syntaxe. Chaque langue, avec l'emploi caractéristique qu'elle fait des ressources générales du langage, est tout entière en jeu dans l'examen des moindres points de détail. Ainsi la valeur précise du système consonantique de l'arménien classique est illustrée par les trois considérations principales suivantes : par les rapprochements de l'arménien avec les langues voisines, par l'histoire des altérations particulières de chaque série de consonnes dans les dialectes postérieurs, et enfin par un examen très fin et très rigoureux des conditions phonétiques générales où ont dû se trouver les phonèmes en question (pp. 5 et suiv.). Ainsi, pour en venir à un point de moindre importance mais de très grande difficulté, que l'on se reporte à l'exposé du traitement arménien erk - dans erku « deux » de l'indo-européen * dw — (p. 28); on y verra qu'il n'est pas possible actuellement de réduire davantage l'obscurité d'un changement phonétique aussi surprenant que ne le fait M. M. à l'aide de sa connaissance de la phonétique générale, du système arménien et, en particulier, du rôle qu'y joue l'ancienne sonante * „ dans ses différents emplois et, en tant que consonne, dans ses diverses positions. Enfin, si l'on veut se rendre compte de l'effort original qu'a fait M. M. pour pénétrer aussi loin que possible le mécanisme vivant de la langue, qu'on lise aussi les chapitres, nouveaux parfois jusqu'en leurs titres, consacrés à La syllabe (p. 30 et suiv.), aux Alternances (p. 36 et suiv.), à l'Emploi des formes nominales (p. 66 et suiv.) entre autres.

Mais ce n'est pas la moindre originalité de la grammaire de M. M. qu'avec un emploi si ingénieux des considérations générales et une conception aussi large des moindres questions, le style reste d'une précision rigoureuse, la forme brève et l'allure scientifique. Rien n'est donné aux mots, rien à la littérature sous quelque forme que ce soit on ne voit figurer que les seuls faits avec leur nature et leurs relations. Car il n'en faut pas davantage à M. Meillet dont la manière reste toujours strictement analytique et comparative, qui cherche bien à atteindre le général sous le particulier par le moyen d'une érudition de plus en plus vaste et sûre, mais qui jamais ne se laisse entraîner à généraliser 1.

Robert GAUTHIOT.

1. L'exécution typographique du livre de M. M. est digne de tous éloges : l'imprimerie des P. P. Mékhitharistes de Vienne est arrivée à faire bien, en un délai fort court, et dans une langue étrangère. Aussi nous ne relèverons que les trois

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