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nous souhaitons d'en trouver beaucoup de ce genre dans les volumes qui suivront'.

Jean GUIRAUD.

Raoul ALLIER, La Cabale des dévots (1627-1666), Paris, in-12. 448 pp., A. Colin, 1902.

Que voilà un excellent livre sur notre xvIIe siècle et combien instructif et documenté! M. Allier nous fait l'histoire de la Compagnie du Saint-Sacrement dont il a trouvé les Annales à la Bibliothèque Nationale (mss. f. fr., 14489). Ce manuscrit porte faussement le nom du comte Marc René de Voyer d'Argenson, car il a été rédigé par René II de Voyer d'Argenson, qui fut mêlé à la vie de cette société, où il fut reçu le 15 septembre 1656, qui durant dix années il fréquenta, dont il fut trois fois le secrétaire et une fois le supérieur. L'histoire de cette confrérie, déclarant « que le silence était un moyen de se conformer à la vie cachée de J.-C. au Saint-Sacrement, » et par là restant secrète, qui avait des agents dans toutes les situations et fonctions, agents en majorité ecclésiastiques, la plupart évêques, est déjà par elle-même intéressante. Il nous plait d'apprendre qu'elle s'occupa d'œuvres de bienfaisance amélioration du sort des galériens, des malades, des mendiants, des pauvres honteux, des prisonniers, des condamnés à mort, des « jeunes personnes du sexe en danger moral », des orphelins, des pupilles; qu'elle lutta sur ce terrain avec le monde parlementaire dirigé par le maître des requêtes, Charles Maignart de Bernières qui publia un journal, les Relations, contre lequel la Compagnie éleva le Magasin Charitable, organe des besoins et secours.

Mais ce qui nous touche davantage, c'est de suivre la confrérie dans sa direction morale, lorsqu'elle s'essaie à réagir contre les scandales de certaines fêtes, l'Épiphanie, la Saint-Martin, le Carnaval, la Foire Saint-Germain; contre les déportements des femmes par sa création d'une sainte vehme de la moralité publique; contre les abus de certains couvents et les fautes de certains prêtres. Et tout cela avec des ramifications telles que les missions apostoliques en Auvergne, par exemple, et même les Missions Étrangères.

C'est beaucoup, et le livre de M. A. aurait valu le succès qu'il obtient s'il s'était contenté de porter la lumière sur ces points. Mais

1. Signalons au P. M. quelques taches qu'une nouvelle édition fera disparaître. C'est la famille Savelli et non Conti (p. 42) qui prétendait avoir donné naissance à Honorius III. Au temps de Foulques, Toulouse n'était qu'une ville épiscopale; elle ne devint" archiepiscopale » (p. 86) que 100 ans plus tard, sous Jean XXII ; et il fallut encore attendre plusieurs siècles pour que l'évêque de Bologne devint archevêque » (p. 391).

il a fait autre chose et bien davantage. Après trente ans de travail dans l'ombre, cette franc-maçonnerie blanche voulut agir plus ouvertement elle essaya d'arrêter la mode des duels, et par ainsi se découvrit devant la noblesse; elle essaya de jeter son « parti des saints >> dans << le conseil de conscience », et par ainsi elle s'aliéna Mazarin; elle fit interdire Tartuffe, cette « cabale des dévots, » et par ainsi elle cut contre elle l'autorité et le génie, Louis XIV et Molière.

Et voilà connue et éclairée, cette question de Tartuffe, sur laquelle on a tant et si mal ergoté! Tartuffe est un confrère du Saint-Sacrement; et « le prince ennemi de la fraude » est celui qui prononça la dissolution de la Compagnie; et le dénoûment, jusqu'ici cru factice de la pièce, est un dénoûment historique.

Je n'ose en terminant reprocher à M. Allier quelque maladresse dans l'exposition et quelque lourdeur dans le style. Ce sont chicanes d'ergoteur qui n'empêcheront point ce livre d'être un des meilleurs à l'usage des XVII-siéclistes...., et de bien d'autres qui tous en remercient l'auteur.

Pierre BRUN.

R. FAGE, La Vie à Tulle aux xvII et XVIIIe siècles, 1 vol. in-8° vi et 451 pp. Paris, Picard, 1902.

M. René Fage appartient à cette vaillante phalange d'érudits limousins, dont font aussi partie L. Guibert, Clément Simon, Alfred Leroux, et qui a su, soit à Limoges, soit à Brive et à Tulle, ressusciter les traditions de science du pays d'Étienne Baluze. Son nouvel essai historique succède à un grand nombre de publications par lesquelles s'est manifestée son activité scientifique. Parmi ces travaux déjà nombreux, puisqu'ils ne comprennent pas moins de 71 numéros, on avait déjà remarqué ceux qui concernent les États de la vicomté de Turenne, la biographie du général Souham, le collège de Tulle et le diocèse de Corrèze pendant la Révolution. On y aperçoit les qualités d'esprit qui distinguent M. R. Fage, à savoir l'étendue de l'information, la précision du détail et la clarté des vues d'ensemble. De ces études d'histoire locale il a su tirer, en effet, les idées générales qui seules leur donnent de la vie et de l'intérêt. Dans ce nouvel essai, supérieur encore à ses aînés, le savant président de la Société historique du Limousin a tenté avec un succès réel de tracer le tableau de la vie sociale et économique en Bas Limousin à l'époque du grand siècle et pendant le siècle suivant. Son œuvre est une contribution excellente pour l'histoire de l'ancienne société et sa portée générale dépasse de beaucoup celle d'une monographie provinciale. L'exposé est sobre et précis; les conclusions prudentes et mesurées s'éloignent également des généralisations vagues et des conclusions optimistes ou pessimistes

auxquelles se complaisent les écrivains qui n'étudient l'histoire du passé que pour les besoins d'une cause. Une érudition impeccable y utilise les multiples ressources qu'offrent les bibliothèques et les archives locales, les collections imprimées, les registres municipaux, les correspondances officielles et surtout ces précieuses minutes de notaires, sans lesquelles il est malaisé de pénétrer dans l'intimité de la vie d'autrefois. Mais l'érudit ne gêne nulle part l'historien; partout celui-ci apparaît sachant mettre en œuvre les textes et en tirer les données générales qu'ils comportent. Aussi l'ouvrage de M. R. F. est-il l'un de ceux, rares encore, qui donnent une idée exacte autant que vivante, de l'ancienne société provinciale avec ses mœurs et ses intérêts, avec l'ensemble, en un mot, de sa physionomie morale et de ses préoccupations matérielles. A ce titre, il mérite d'être signalé à l'attention non seulement des spécialistes, mais encore du public qui s'intéresse aux études historiques.

Le milieu qui y est décrit est nettement caractérisé dans les premiers chapitres de ce travail, et il rappelle par bien des traits la plupart des petites villes de province du xvII et du xvIIIe siècles. Qu'on se figure une agglomération urbaine, resserrée entre deux collines, divisée en trois quartiers et deux faubourgs, sillonnée de rues étroites et sinueuses, d'aspect à demi claustral avec sa cathédrale et ses nombreux couvents, et l'on aura l'image de Tulle pendant les deux cents dernières années de l'ancien régime. Là, une population simple, robuste, laborieuse, disciplinée, comptant à peine 5 ou 6,000 âmes, vit sous la domination de son clergé. L'évêque, successeur de l'abbé, règne vraiment par sa fortune, ses 15,000 livres de rentes qui vaudraient aujourd'hui 75,000 livres, par le prestige d'une origine presque toujours aristocratique, par la puissance de l'idée religieuse qu'il représente, par la force de la tradition qu'il continue, et par l'importance des fonctions sociales qu'il exerce comme seigneur vicomte et comme auxiliaire du pouvoir central. Auprès de lui, 120 ecclésiastiques de tout rang forment le clergé séculier, tous fort influents, depuis les prébendés du chapitre, doyens et chanoines, considérés pour leur rang et leur aisance, jusqu'aux curés de paroisses, encore bien partagés, et même jusqu'aux membres du bas clergé, de modeste origine, communalistes et vicaires, qui exercent une grande action sur le peuple, comme les autres sur la bourgeoisie. Dans un certain nombre de villes et de provinces, l'influence du clergé monastique a été plus considérable que celle du clergé séculier. Il n'en est pas ainsi en BasLimousin où ni les Récollets, ni les Carmes, ni les Feuillants, ni les Sulpiciens chargés de la direction du Grand Séminaire, ni les Clarisses, recrutées dans l'aristocratie et la haute bou geoisie, ni les Visitandines, Bernandines et Bénédictines, dont le recrutement est moins aristocratique, ne paraissent avoir joué qu'un rôle assez effacé. Deux ordres seuls font exception. Les Jésuites, à Tulle, comme dans le

reste de la France, ont su, grâce au monopole de l'enseignement secondaire qu'ils exercent au collège et à l'institution de congrégations où ils groupent les notabilités laïques, mettre la main sur la formation de la jeunesse, accaparer discrètement la direction de la grande et de la petite bourgeoisie, et même obtenir des consuls ou de l'autorité municipale la surveillance des écoles primaires. Les Ursulines et les sœurs de Nevers aident au maintien de l'influence de l'Église, en dirigeant les écoles où se forment les filles de la bourgeoisie et du peuple. Tous d'ailleurs, séculiers et réguliers, parfois désunis dans la revendication de leurs privilèges surtout matériels, travaillent d'un commun accord à maintenir et à stimuler les croyances religieuses, par les confréries, telles que celles des pénitents blancs, où ils groupent presque toute la population laïque, ainsi que par les missions et les processions ou manifestations extérieures du culte qu'ils savent organiser. Ainsi s'affirme et se consolide la prépondérance sociale du clergé. Elle est restée presque intacte en Bas-Limousin, même aux approches de la Révolution.

Bien au-dessous de cette classe vient celle de la bourgeoisie. La noblesse est en effet presque éteinte. Les nobles qui avaient hôtel en ville, fief ou repaire à la campagne, ont été remplacés par les bourgeois qui occupent les offices de finance, de justice et de police et qui forment une aristocratie nouvelle de fonctionnaires, possédant la fortune, déguisant sa roture sous les titres des fiefs qu'elle a acquis, exerçant d'ailleurs ses charges avec exactitude et simplicité. La moyenne bourgeoisie, force vive de la cité, généralement instruite au collège, jouissant de quelque aisance, exerce les professions libérales, et ses membres, procureurs, avocats, huissiers, notaires, médecins, apothicaires, chirurgiens, marchands et patrons des métiers, partagent avec les pourvus d'office l'administration municipale ou consulat et la portion d'influence sociale que leur laisse le clergé. Enfin, au bas de la hiérarchie, vit le peuple composé des artisans, des petits patrons ou ouvriers et des journaliers agricoles qui travaillent sans autre horizon que celui de la vie matérielle de chaque jour, docilement soumis à l'autorité des classes moyennes et supérieures.

Cette société presque figée dans le moule de la tradition, ne connaît ni les ambitions, ni la fièvre dévorante, ni l'envie de notre époque. Mais elle n'en possède pas non plus l'activité intense, l'ingéniosité, la souplesse, le bien être qui corrigent les défauts de la société contemporaine. Elle a plus d'équilibre et moins de besoins, elle a moins de vitalité et moins de ces satisfactions que donne l'intensité même de l'existence. C'est ce qui ressort de l'exposé de la vie matérielle en Bas-Limousin que M. R. F., a su tracer avec beaucoup d'art et de précision, et qui fait suite au tableau de la vie morale des classes dirigeantes. La petite industrie, limitée aux besoins de la consommation locale, soumise à une réglementation minutieuse pour ses opéra

tions, domine à peu près exclusivement dans ce milieu provincial. Telle est en particulier la condition des métiers de l'alimentation, du vêtement, des cuirs et des peaux, du bâtiment et de l'ameublement, des métaux et des transports. Vers la fin du XVIIe siècle seulement apparaissent les premières industries importantes que Tulle ait possédées et qui essaient d'étendre leur rayon d'activité hors de la province. En 1696, on voit formés ces ateliers de dentellières qui répandront au XVIIIe siècle dans toute la France le renom du point de Tulle. Un peu auparavant en 1689 ou 1690 est née la Manufacture royale d'armes qui sous la direction de Michel Pamphile, puis de Fénis de Lalombe, occupe 200 ouvriers et fabrique les canons de fusils pour l'arsenal de Rochefort, en même temps que l'armurerie de chasse ou d'exportation. Enfin, au XVIIIe siècle, les papeteries installées sur le cours de la Corrèze deviennent des centres notables d'industrie, dont les produits s'exportent dans le reste du royaume et même au dehors, Leur nombre varie de 17 à 11, entre 1706 et 1772. L'organisation du commerce présente à peu près les mêmes traits. Le petit marchand domine; il s'approvisionne sur place, ne voyage guère, se contente d'une petite installation et d'un étalage d'objets de bon marché; il vit sans luxe grâce à son esprit d'ordre et d'économie. Les plus riches, les bourgeois-marchands briguent les charges du consulat, figurent depuis 1710 à la Bourse du commerce et parmi les juges consulaires, et se placent aux premiers rangs de la corporation aux fêtes patronales. Là encore, le grand commerce commence à apparaître avec les grands magasins, encore très rares, tels que ceux des Brossard et des Levreaud, où l'on vend à la fois de la draperie et des tissus, des dentelles, des toiles, de la bonneterie et de la mercerie et une foule d'objets différents. La ville et la banlieue sont enfin habitées par des propriétaires agriculteurs et par des journaliers agricoles. C'est la petite propriété rurale qui domine autour de Tulle: jardins, vignobles, terres arables constituées en pièces, suivant le terme local, c'est-àdire formées de lots de terrain très morcelés. Les jardiniers y sont nombreux, mais surtout les vignerons qui exploitent, soit pour leur compte, soit au compte d'un propriétaire. Au reste, agriculteurs, commerçants, artisans, petits patrons, dépourvus de capitaux considérables, n'ayant qu'un outillage sommaire et qu'un personnel très restreint, sont rebelles aux innovations et vivent dans la routine, heureux s'ils peuvent atteindre à la médiocrité ou éviter la misère. Le journalier et le petit propriétaire, attentifs aux intempéries et aux variations des cours des foires, ignorent les ressources de l'association. Les commerçants sont groupés en quelques corporations, mais surtout pour faciliter la perception des taxes et afin de satisfaire leur goût pour les cérémonies où ils étalent leurs livrées. Quant aux ouvriers et aux patrons, ils sont astreints aux obligations de la vie corporative, apprentissage, compagnonnage, maîtrise, dont certaines

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