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Chamard (R. P. Dom Fr.), Le linceul du Christ, Etude critique et historique. Paris, Oudin [1902], in-8°. Du Teil (Le baron J.), Autour du Saint-Suaire de Lirey, Document inédit. Paris, Klincksieck, 1902, in-8°. (Extrait des Mémoires des Antiquaires de France, pp. 191-217.)

I

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Les contradicteurs de M. P. Vignon n'ont plus qu'à se croiser les bras; ses propres amis se chargent de l'exécuter. Encore une ou deux études comme celles-ci et son beau livre, je n'ai pas dit bon, s'effrondrera sous l'enlacement des siens. Heureusement pour lui, que le nombre en diminue chaque jour. Naguères, ce fut M. l'abbé Raboisson (Vérité, 28 juillet 1898), qui ne pouvait comprendre l'identique conformité des deux figures du linceul, géométriquement impossible; plus tard, M. de Bourgade la Dardye (Revue scientifique, 30 août 1902) écartait dédaigneusement l'aloëtine, pour la remplacer par la radio-activité; aujourd'hui Dom Chamard imprime carrément que M. Vignon n'ayant pas su tirer les conclusions de ses prémisses (p. 66), il va donner la solution qui mettra fin à toute polémique (préface).

Ne faisons pas languir le lecteur.

Plus affirmatif, mais non mieux documenté que ses prédécesseurs, avec une naïveté désarmante, qui découvre l'immense horizon d'une invraisemblable jeunesse scientifique, il déclare, positivement, que le suaire vu par Robert de Clari, et qui disparut de Constantinople en 1204, fut dérobé par Othon de la Roche (p. 38) et envoyé par lui à Besançon en 1206. Ce suaire disparut de nouveau en 1349, dans un incendie qui détruisit Saint-Étienne de Besançon; pendant le désastre, Geoffroy de Charny s'en était emparé. Plus tard il en fit faire une copie qu'il rendit aux chanoines de Besançon, alors qu'il donnait l'original à Lirey. Et voilà. Pour preuve, l'auteur cite « l'assassinat d'une vieille rentière, âgée de 80 ans, Mme Mouttet, qu'on trouva étranglée, au quartier de la Blancard, à Marseille, le 17 décembre 1891 » (p. 72).

Tel est le fait nouveau, entouré de longues dissertations sur le Suaire et son histoire dont la critique a cependant fait justice depuis longtemps. Dom Chamard ne paraît cependant pas s'en douter, bien qu'il affirme avoir lu toutes les publications qui ont paru sur le Suaire (p. 83). Je le plaindrais réellement, si j'étais sûr qu'il n'a laissé passer aucune des deux mille études qui lui ont été consacrées. Mais j'ai des doutes; car des quinze ou dix-huit plaquettes, réellement personnelles, qui peuvent se dégager de cet ensemble d'incompétences, sauf le travail du chanoine U. Chevalier, qu'il ne pouvait réellement ignorer et les études de MM. Vignon et Loth, bien en

1. Le Linceul du Christ, Etudes scientifiques. Paris, Masson, 1902, in-4°. 2. Voir la Revue critique, 1900, p. 504.

tendu, je n'en trouve pas une seule autre citée dans les pages de son mémoire.

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En résumé, ce qu'il veut prouver, c'est l'identité des deux Suaires de Lirey et de Constantinople. Depuis longtemps pourtant, la question est tranchée; quand même elle demeurerait ouverte, il resterait à prouver que celui de Constantinople est bien celui de Jérusalem, et que celui de Jérusalem était bien celui de la Passion. Simple hiatus de douze cents ans!

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- Deux mots suffisent pour juger le mémoire du baron du Teil: trop tard. Le 28 mai 1902, quand il fut lu aux Antiquaires de France. il pouvait faire illusion, On en était encore aux origines constantinopolitaines du Suaire : dès lors, il était louable de rechercher la route inconnue qu'il avait suivie pour parvenir en Occident. Aux hypothétiques suppositions du P. Sanna Solaro, M. du T. a donc cru devoir ajouter une généalogie détaillée, celle des Charny, et montrer que réellement, au xive siècle, ils avaient eu avec l'Orient des relations fort étroites. Dreux de Charny, frère de notre Geoffroy, avait épousé en effet, vers 1316, une fille du seigneur de la Vostitza, que Louis de Bourgogne lui donnait avec la seigneurie de ce nom, à la suite de l'expédition de Morée, et « dès lors, écrit-il, il ne serait peutêtre pas téméraire d'indiquer une nouvelle étape dans les pérégrinations du Suaire, en la faisant suivre, provisoirement il est vrai, d'un point d'interrogation: Vostitza? Lirey Chambéry - Turin. » C'est bien là l'école de M. Vignon des affirmations; de preuves, aucune. En vérité, d'ailleurs, pourquoi aller si loin, du moment qu'on cherchait simplement les attaches orientales des Charny? La première femme de Geoffroy de Charny n'était-elle pas une Tocy? Et il était alors tout simple de rappeler que Narjot de Tocy, régent de l'Empire, fut un des signataires de l'engagement de la couronne d'épines, à Quirino de Venise, le 4 septembre 1238. Si l'un des ancêtres des Charny était à même de puiser dans le trésor des Reliques de Byzance, est-il besoin de parler d'un autre? Mais qu'importe ? Aucun de ceux qui prétendaient identifier les suaires de Lirey et de Constantinople n'avait, à ce moment, lu le passage d'Arculfe' qui décrivait le Suaire de Jérusalem où se voyait le Christ, mais entouré des douze apôtres. Et tous aussi, se recopiant à l'envi, sans se reporter au texte original, s'en allaient rééditant la fameuse phrase de Robert de Clari« un suaire ou l'on poioit bien veir la figure de Nostre Seigneur » oubliant par exemple de citer la suite: «< qui cascuns deventes se drechoit tous drois ».

Or, sans insister sur ce que le Suaire de Turin représente un homme couché et non pas un homme qui se dresse tout droit, ils ne paraissent pas se douter que « se dréchoit tout drois » est l'exacte

i. Je l'ai publié seulement le 15 septembre.

traduction d'avástasis, la Résurrection, et qu'avec les douze apôtres qui l'entouraient, la toile représentait très certainement l'Apparition aux Apôtres sur la Montagne de Galilée, telle que nous la trouvons justement décrite dans le Guide byzantin de la Peinture (2e partie, § III).

Je m'en voudrais de ne pas citer, pour finir, la véritable trouvaille du baron du T. « Il convient d'ajouter, dit-il, que la succession des seigneurs de la Vostitza... nous met sur la trace d'un autre suaire... celui de Zante, où apparaît suivant M. le chanoine U. Chevalier un fragment du Suaire. >>

Vraiment, n'est-il pas d'un esprit très averti, d'affirmer pour authentiquer le Linceul de Turin, qu'il venait d'une famille, qui sut en fournir d'autres à la vénération des fidèles?

F. DE MÉLY.

G. DOUBLET. Le Jansénisme dans l'ancien diocèse de Vence. Paris, Picard. I vol. in-8°, 340 pages.

En 1709, un humble vicaire de Tourettes, petit village des AlpesMaritimes, de l'ancien diocèse de Vence, nommé de Guigues, fut accusé devant son évêque, « de doctrine suspecte et dangereuse, de vie irrégulière et scandaleuse ». Une minutieuse enquête suivit : de Guigues fut convaincu d'avoir lu et prêté des livres entachés de jansénisme, d'avoir prononcé des sermons d'une orthodoxie douteuse, enfin de s'être rendu coupable de quelques légèretés de conduite indignes d'un prêtre. Il fut interdit pour un an et condamné à une pénitence sévère. M. G. Doublet a retrouvé aux archives de Nice les pièces de ce procès qu'il nous raconte aujourd'hui. Mais il s'est aperçu luimême que cette affaire n'avait en elle-même qu'un intérèt secondaire. La personne de de Guigues est peu sympathique et le modeste desservant de Tourettes, de moralité douteuse, n'offre que de très lointains points de comparaison avec les nobles et pures figures de Port Royal. Aussi M. D., déjà auteur d'un travail remarquable sur Caulet évêque de Pamiers, a-t-il voulu étendre son sujet et nous tracer une histoire complète du jansénisme dans le diocèse de Vence. Pour cette étude, il n'a négligé aucune source d'information et on aurait plutôt à regretter son trop de science que son défaut d'érudition. Pour mieux faire comprendre les faits qu'il nous expose, il n'a pas hésité en effet à entrer dans les détails les plus minutieux de l'histoire du jansénisme. Il en résulte alors que le lecteur est parfois un peu dérouté et perd de vue les points essentiels de la question. Signalons toutefois l'étude très intéressante que M. D. fait de l'épiscopat de Godeau, dont il montre bien le jansénisme opportuniste.

M. D. a cherché à rendre aussi vivante que possible l'histoire

même du procès de de Guigues: le tableau qu'il nous présente de la petite société villageoise de Tourettes ne manque pas de piquant. Mais pourquoi avoir consacré plus de 40 pages à étudier volume par volume la bibliothèque du vicaire de Tourettes, et plus de 60 pages à transcrire ses sermons? Il y a certes là dedans bien des détails curieux, et ces chapitres témoignent en tous cas de la conscience avec laquelle M. D. a composé son travail. Combien cependant liront ces pages qui ont coûté tant de recherches pénibles à leur auteur? M. Doublet eût pu condenser en un article de 100 à 150 pages ce qui fait l'objet d'un gros volume. Les gens du monde lui sauront mauvais gré d'avoir trop peu songé à eux, mais ceux qui étudient l'histoire religieuse des XVII et XVIIIe siècles le remercieront du nombre considérable de renseignements précieux qu'ils trouveront dans son livre. G. G.

Alberto LUMBROSO, Napoleone II. Roma, Modes et Mendel; Fratelli Bocca. In-8°, LXX et 301 p.

Dans ce volume fort bien édité et accompagné de belles gravures, M. le baron Albert Lumbroso publie toute sorte de documents et d'études sur Napoléon II. On y trouvera, par exemple, les meilleurs articles qu'a suscités en France, en Angleterre et en Allemagne l'Aiglon d'Edmond Rostand. Mais nous recommandons surtout à l'attention du lecteur les pages du baron Oscar de Watteville Comment le roi de Rouen devint duc de Reichstadt; les souvenirs du capitaine chevalier de Foresti sur l'éducation du duc de Reichstadt; l'étude de M. Edouard Wertheimer sur le maître d'histoire de l'Aiglon (le baron Obenaus); quelques lettres sur Marie-Louise et les Bonaparte en 1814, lettres arrêtées par le cabinet noir et communiquées par M. L. G. Pélissier (avec une introduction de M. le comte de Grouchy); une reproduction de la rarissime brochure de Prokesch-Osten Briefe aus Wien ueber den Herzog von Reichstadt (1831); un cahier contenant vingtdeux brouillons de lettres ou plutôt d'exercices épistolaires du duc de Reichstadt. Il ne faut pas oublier les propres contributions de l'auteur. M. le baron Albert Lumbroso ne s'est pas contenté de former le recueil, de l'annoter avec le soin et l'érudition dont témoignent les publications du savant et infatigable directeur de la Revue napoléonienne. Il a composé, outre une piquante introduction, une très intéressante étude sur le roi de Rome et l'Aiglon; il a reproduit un excellent article qu'il avait donné sur le rôle de la comtesse Camerata « vraie Bradamante qui parvint à s'introduire à la cour de Vienne pour supplier le duc de partir pour Paris à la conquête du trône de son père » : il a collationné sur l'autographe, en rectifiant mainte erreur, le testament et les codicilles de Napoléon. C'est d'ailleurs M. le baron Al

bert Lumbroso, il nous l'apprend p. 97 — qui a fourni à Edmond Rostand une liste bibliographique «< humainement complète » sur le duc de Reichstadt, et il prépare une Bibliografia di Napoleone II.

A. C.

Maurice ALBERT, Les Théâtres des Boulevards, (1789-1848),
Société française d'Imprimerie et de librairie, 1902.

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M. Albert s'est proposé d'écrire l'histoire chronologique des Théâtres des Boulevards de 1789 à 1848, les jeux du peuple entre deux convulsions de la foule, les Circenses, au milieu des deux révolutions; et l'idée, pour être exprimée, ne manque pas de piquante allure et de contraste imprévu. Imprévu? A ce point que sans doute l'auteur n'y a point songé. Et pourtant... Quant à nous, nous ne pourrons manquer d'apercevoir ce que ces révolutions ont imprimé aux récréations intellectuelles de la France, et de remarquer qu'aux comédies rustiques et sentimentales, jouées avant 1789, ont succédé, de 1789 à 1791, les pièces patriotiques à grand spectacle et à grand succès. Succès si prodigieux que la Comédie française s'émeut, mais la liberté des spectacles est votée par l'Assemblée Nationale. et la Compagnie ne gagne par sa plainte que de développer le nombre de ses concurrents. En effet, les salles se multiplient : du Marais, Molière, Vaudeville, la Cité, Nouvelles Variétés, Lycée; et partout la foule se précipite à ces spectacles « populaires », attaquant surtout les couvents, les religieuses, les moines, et même les évêques, les cardinaux et le pape. Et ils font force bruit, les théâtres du peuple: Martin, Variétés-Amusantes, Cité-Variétés, Montansier, Ambigu-Comique, Gaîté, etc..., avec leurs railleries à toutes les idées religieuses, ici présentées sous une forme sérieuse, là sous celle de plaisanteries telles que les Sœurs du Pot et l'Omelette miraculeuse.

La Révolution a un art dramatique particulièrement anti-religieux; ce qu'elle combat, c'est l'influence du clergé; et elle craint Tartuffe qu'elle démasque. L'Empire se jette dans le drame militaire, le mélodrame louangeur des guerriers et cueilleur de lauriers. Ils fleurissent de 1804 à 1807, époque à laquelle un décret de Napoléon ferme une partie des théâtres et donne ainsi plus de vitalité aux autres : Variétés, Vaudeville, Gaîté, Ambigu-Comique.

Mais la Restauration rouvre les salles qu'a fermées l'Empire des

1. P. 204 et 205 peut-être fallait-il mettre en note que Depas, Desaix et Fansch doivent être lus Dupas, Dessaix et Fauche; p. 275 même remarque pour Du Theil (Du Teil); on reprochera à l'éditeur de ne pas avoir donné la date des articles reproduits et le titre de la revue où ils ont paru (p. 158-161 l'article du « critique éminent» n'est pas neuf, et il faut lire Pontoise et non Pontvice).

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