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de Mercœur et à Hugues de Châlons (nos 583-587), au vicomte de Narbonne et à divers vassaux du roi de Majorque (nos 1139), Jean XXII intervient, à chaque instant, dans les affaires intérieures du royaume. Il correspond directement avec les grandes familles et avec plusieurs sénéchaux. C'est peut-être au sujet du choix des évêques que Jean XXII donne au roi les plus larges satisfactions. Cependant il ne consent pas à suspendre, pour lui complaire, les droits électoraux du chapitre de Sens (no 72). Il refuse à des protégés du roi l'évêché de Meaux (no 977) et le décanat de Chartres (no 929), et il rappelle nettement à Philippe V que les clercs nantis par le Saint-Siège de grâces expectatives doivent obtenir leurs bénéfices avant tous les autres ecclésiastiques, sans excepter ceux qui ont été recommandés par le roi (no 967). Tous ces faits disposent à croire que Jean XXII, s'il a grandement servi d'ailleurs les intérêts français, ce qui est incontestable, les a servis de son plein gré et en connaissance de cause.

Après le roi, c'est la famille royale, le comte de Valois, le comte de la Marche, et la reine Clémence, la veuve de Louis X, qui figurent le plus souvent dans les Secrètes publiées par M. Coulon. Jean XXII a fort à faire pour maintenir ou rétablir la paix dans la famille royale profondément divisée. Il engage Philippe V à payer intégralement à la reine Clémence un douaire convenable, et à conclure avec elle un accord dont M. Coulon nous donne le texte jusqu'ici inédit (n° 233). En même temps il exhorte la reine à la sobriété, à la réserve, et à éviter la compagnie des jeunes gens. Il lui reproche aussi ses dépenses excessives, les dettes qui l'écrasent, et s'interpose entre elle et ses âpres créanciers (nos 231, 233, 318, 476-477). Le moment vient où elle doit déposer ses joyaux en gage: il charge alors un de ses représentants de conserver une clef du coffre où ils étaient renfermés (n° 974).

Les documents publiés par M. Coulon manquaient, pour la plupart, de dates dans le registre du Vatican. Ceci l'a obligé à ajouter des notes dans lesquelles, grâce à une patience, une ingéniosité et aussi une prudence qu'on ne saurait trop apprécier, il a réussi à retrouver la date d'un très grand nombre de lettres. Chemin faisant, il a rencontré bon nombre de petits problèmes historiques, et il a montré qu'il excellait dans la solution des questions de ce genre (no 72) '. Enfin, on recueillera, dans les documents qu'il a publiés, plus d'un renseignement utile pour la diplomatique pontificale (nos 67, 76, 78, 485, 527, 732).

A la différence des registres du XIIIe siècle, les textes seront publiés

1. A la page 3, note 1, M. Coulon parle du sacre de Jean XXII. Il serait plus exact de parler du couronnement. Jean XXII, ayant déjà reçu la consécration épiscopale, n'avait pas à être sacré.

dans l'ordre chronologique, et il n'y a pas lieu de s'en plaindre. Pour tout ce qui regarde les détails de la publication, on peut avoir pleine confiance en M. Coulon. Deux points appellent quelques critiques. A la vérité, le premier de ces points n'a pas grande importance. M. Coulon qui a joint, non sans raison, les Lettres curiales aux Lettres secrètes, aurait dû donner les références des Curiales, non seulement d'après les registres sur parchemin qui sont de simples copies, mais aussi d'après les registres sur papier qui sont les originaux. En outre, si c'est lui qui a le mérite d'avoir inauguré une nouvelle série dans les travaux entrepris par l'École de Rome, c'est lui aussi qui a imposé à la publication tout entière des Secrètes des Papes d'Avignon un cadre trop étroit. Il a posé en principe qu'on s'en tiendrait aux documents intéressant la France. Sa Préface nous apprendra sans doute s'il a adopté, et, par suite, si ses continuateurs ont dû adopter, pour limites, les frontières actuelles, ou bien les frontières variables du royaume au XIVe siècle. Quoi qu'il en soit, si tous les travailleurs adoptaient, dans la publication des documents pontificaux, des principes aussi étroits, on ne trouverait plus, dans aucune collection, les textes canoniques qui n'intéressent exclusivement aucune nationalité, mais qui sont relatifs à l'Église tout entière: telles, par exemple, les Constitutions apostoliques comme les Extravagantes'. Il y avait lieu, au contraire, de maintenir, plus que jamais, aux publications de l'École française leur caractère d'universalité, au moment où l'on abordait l'époque des Papes d'Avignon : l'époque où la France, grâce aux Angevins de Naples, grâce aux principautés de l'Orient latin, grâce surtout à la Papauté qu'elle inspire et qu'elle exploite, déborde sur la chrétienté tout entière. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater que les registres d'où M. Coulon a extrait ses documents sont composés de lettres qui, en majorité, intéressent la France. Obligé, par son plan même, à les prendre dans leur totalité, il n'aurait pas augmenté beaucoup son travail, s'il nous avait donné de courtes analyses pour les documents qui n'intéressent pas notre pays. Elles auraient suffi à reconstituer, dans les grandes lignes et dans l'ordre chronologique, toute la politique des Papes d'Avignon, et à dispenser désormais les travailleurs qui s'intéressent à l'histoire étrangère, d'un dépouillement de registres exigeant le séjour de Rome. Hâtons-nous de dire, à la décharge, je suppose, de M. Coulon, que d'après le Bulletin critique la faute grave qui a été commise sera plus tard presque complètement réparée : un index placé à la fin de chaque pontificat nous

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1. Au no 732, M. Coulon constate incidemment les divergences qui existent, d'après les manuscrits connus, entre les dates de l'Extravagante Execrabilis. Il aurait pu utiliser l'indication contenue dans le texte du Reg. Vat. 67, fol. 306 b, cap. 18. On y lit expressément la date; xin kal. decembris anno secundo. 2. 15 février, 1902, p. 84.

donnera en résumé un tableau des documents omis comme n'intéressant pas la France. On devra s'en féliciter.

Louis GUÉRARD.

Eugène DEPREZ, Clément VI (1342-1352).

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Lettres closes, patentes et curiales se rapportant à la France, in-4o, fascicule I. Paris, Fontemoing, 1901.

La publication de M. Deprez fait partie de la nouvelle série des travaux entrepris par l'École française de Rome sur les registres pontificaux du xiv siècle. Malgré le titre inscrit par le scribe d'Avignon en tête des registres dépouillés par M. Deprez, et reproduit en tête de son volume, il s'agit toujours de Lettres secrètes faisant suite aux publications de M. Coulon sur Jean XXII et de M. Daumet sur Benoit XII. Elles portent sur les deux premières années du pontificat de Clément VI. Lorsqu'on compare les Secrètes de Jean XXII et celles de Clément VI, on a l'impression que les lettres écrites par Clément VI aux cours de France et de Naples supposent des relations moins intimes elles rentrent mieux dans le ton ordinaire de la chancellerie. Ces relations continuent d'ailleurs à être très suivies. Le pape reçoit des deux familles royales de nombreux cadeaux dont il accuse réception beaux ornements d'église fleurdelysés (n° 198), reliques et reliquaires précieux (no 211), pièces de gibier (n° 499) et vins de Bourgogne (no 518). Parmi les lettres qui intéressent la politique, viennent en première ligne les lettres relatives aux conflits survenus entre la France et l'Angleterre. Les documents publiés par M. Deprez forment la suite naturelle des textes qui lui ont servi pour composer naguère son intéressante étude sur les relations de la papauté, de la France et de l'Angleterre, avant la guerre de Cent ans. Comme Benoît XII, Clément VI fit son devoir de pape, qui était de s'interposer entre les belligérants: comme tous les papes d'Avignon, il usa son activité et son influence à essayer de concilier des prétentions et des intérêts en réalité inconciliables. Son avènement (19 mai 1342) tombait au milieu de la guerre qui avait éclaté, pour la deuxième fois, entre Philippe VI et Édouard III, à l'occasion de la succession de Bretagne. Douze jours après son avènement, il envoie (31 mai 1342) deux cardinaux chargés de rétablir la paix ou du moins de procurer une trêve, avec pouvoir de l'imposer d'autorité (nos 94-153). Lorsque la trêve de Malestroit eut été conclue par leurs soins, au commencement de l'année suivante, nouveaux efforts de Clément VI qui se fait l'intermédiaire de Philippe VI dont il annonce les intentions au sujet de la libération du comte de Montfort, prisonnier du roi de France (no 176). Les négociations continuent à Avignon où Édouard III envoie deux ambassades (nos 327, 420, 448, 449, 581). La trève est renouvelée pour un an à dater de la fin de l'année 1343 (nos 593-595).

Mais la Bretagne continuait toujours à être le point au sujet duquel on ne parvenait pas à s'entendre. La ville de Vannes avait été remise provisoirement dans les mains des représentants du Saint-Siège; ils en furent chassés. En même temps, Édouard III essayait d'engager à fond le pape dans la querelle, et lui demandait d'imposer de son autorité la réparation des torts faits aux Anglais au mépris de la trêve (nos 635, 697, 743, 812).

Le fascicule publié par M. Deprez contient encore plusieurs lettres relatives à la crise dans laquelle devait disparaître, malgré les efforts du pape, le petit royaume de Majorque, absorbé par l'Aragon (nos 159, 167-168, 254, 256, 260, 295-296, 342, 356, 583-586). Il ne réussit pas mieux à rétablir la paix en Italie, à commencer par la famille royale de Naples; là se préparait le drame où devait périr le jeune roi André (nos 196, 199, 237, 627, 643-646). L'Orient et les projets de croisade sont également représentés par plusieurs lettres adressées, soit à l'empereur de Constantinople Jean Paléologue, soit aux rois de Chypre et d'Arménie. Une lettre adressée à l'« empereur des Tartares », recommande à ce prince les chrétiens répandus dans son empire (no 298).

Partout le pape signale des attentats contre la juridiction et les biens ecclésiastiques. Dès le 31 mai 1342, des légats sont chargés de porter aux rois de France et d'Angleterre les doléances de Clément VI (n° 97-100). Comme toujours, l'Angleterre occupe à cet égard la première place dans les sollicitudes du pontife qui se plaint surtout des difficultés que rencontrent les cardinaux dans la jouissance de leurs nombreux bénéfices (nos 275, 318, 326, 375, 394, 713).

En France, on signale des conflits entre les officiers royaux et l'archevêque de Narbonne (no 399), entre le sénéchal et l'évêque d'Agen (no 582), entre les gens du roi et l'évêque du Puy (no 691), entre le duc de Bourgogne et l'archevêque de Besançon, au sujet du droit de frapper monnaie (no 217, 763) entre le duc de Bourbon et l'église de Limoges où l'on constate également des difficultés relatives à la régale (nos 562, 682). Une longue série de plaintes est, de même, adressée au roi de Majorque, au sujet des entreprises de ses gens contre l'église d'Elne (no 717). En général, Clément VI n'hésite pas à porter ses plaintes, non seulement au roi lui-même, mais aussi, comme ses prédécesseurs, aux sénéchaux et au Parlement (nos 178, 261, 268, 582).

En même temps le système de fiscalité et de centralisation déjà développé très largement par Jean XXII, continue de produire ses effets. Dès le lendemain de son avènement, Clément VI se réserve, pour deux ans, le revenu d'une année de tous les bénéfices vacants apud Sedem. Au bout de ce terme, il prolonge pour deux ans encore les effets de cette réserve (nos 1 et 826). Le 6 février 1343, la nomination aux évêchés et aux monastères du royaume de Naples est, pour

deux ans, réservée au pape (n° 170). Le 5 mai 1343, il renouvelle toutes les réserves déjà portées par ses prédécesseurs, et y ajoute un décret visant spécialement toutes les églises du royaume de Sicile auxquelles on avait l'habitude de pourvoir par voie d'élection (nos 173, 174).

Le Comtat Venaissin est assez largement représenté dans le registre. Citons simplement ici la fixation des gages du préposé à la « Cour générale de justice » de cette province, et quelques lettres qui sont intéressantes pour l'histoire de la topographie d'Avignon (nos 453, 508, 661, 639, 642). Un procès de sorcellerie est mentionné au n° 48I.

La publication parait excellente, comme on pouvait l'attendre de M. Deprez '. On remarque seulement qu'en dépit du titre de « lettres se rapportant à la France », c'est la chrétienté presque entière qui passe sous nos yeux. Il est visible que M. Deprez s'est senti, non sans raison, à l'étroit dans le cadre qui lui était imposé, et a tout fait pour l'élargir, sans qu'on sache bien quels principes il a suivis dans le choix de ses documents. Les historiens ne se plaindront guère d'un procédé qui met à leur disposition un plus grand nombre de textes qu'on ne pouvait l'espérer.

Louis GUÉRard.

Kr. Nyrop: Manuel Phonétique du Français parlé. Deuxième édition traduite et remaniée par E. PHILIPOT. Copenhague, E. Bojesen, et Paris, A. Picard, 1902;

un vol. in-8° de vi-182 pages.

Commençons par remercier M. Philipot de nous donner une traduction de cet excellent livre, qui avait paru d'abord en danois, et qui méritait à tant d'égards de se répandre un peu chez nous. Le Manuel de M. Nyrop est en effet très simple et très savant à la fois : j'entends par là que l'auteur y a résumé avec une dextérité très sûre tout ce qu'il importe vraiment de connaître sur la prononciation actuelle du français. S'adressant, comme il le dit dans sa préface, « à ceux pour qui l'étude de la phonétique est un moyen, non pas un but », il a voulu que la science y restât, pour ainsi dire, à l'état latent. Point de considérations historiques à proprement parler, aucun étalage d'expériences de laboratoire et malgré tout, on y sent à chaque page la griffe du maître, l'homme qui a réfléchi longuement sur l'évolution des sons et qui a étudié de près le mécanisme de leur formation. Joignez à cela que le livre est relativement court, d'une clarté

1. Au n° 233, il faut lire s. Engracie au lieu de Eugracie. Sainte Engrâce est le nom d'une sainte espagnole dont le culte s'est répandu dans le Sud-Ouest de la France.

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