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tiques; il ne faut pas leur dire « telle est la loi », si l'on ajoute « mais elle est incertaine », ou si sa formule n'a pas encore d'autre autorité que celle du savant qui la pose. Or c'est ce que M. H. fait souvent, en même temps qu'il néglige de donner des explications préliminaires indispensables. Quand il expose, par exemple, sa théorie des bases et de leurs divers degrés d'affaiblissement, l'initié saura sans doute s'y reconnaître, bien que l'ensemble n'aille pas sans quelque confusion; mais le profane, et celui qui ne connaît que le gros des doctrines courantes ne pourra prendre qu'une idée fort imparfaite du système, faute d'une explication suffisamment nette des premiers principes, faute surtout d'une détermination solide des catégories entre lesquelles doivent se répartir, pour le grec, les différentes sortes de bases. Il en sera de même pour la théorie de l'accent, qui suppose connus de nombreux travaux, dont les résultats d'ailleurs sont loin de concorder entre eux. Et quand avec cela l'étudiant se trouvera en présence d'hypothèses en l'air ou d'énonciations contradictoires, je doute qu'il en retire des principes fermes et des opinions vraiment scientifiques. Il verra par exemple que ev et ce sont issus d'une base seghe, mais il apprendra en même temps que y et quyiv n'ont pas leur base au même degré, et se demandera nécessairement pourquoi le second présente le degré nul de la base, et le premier le degré plein, surtout s'il remarque la séparation ex-av et e-v (p. 97), et pourquoi deux formes identiques subissent un traitement différent. S'il voit p. 157 que dans le groupe sl devenu hl (?) dans le corps d'un mot h disparaît avec allongement vocalique, ex. shot, comment pourra-t-il concilier cette loi avec ce qu'il aura lu p, 79, zihtot pour *zishtot, où, lui dit-on, est la réduction de ? Il lira, même p. 157, que sm devient d'abord hm (?), puisque l'aspiration se reporte sur la voyelle initiale, avec, entre autres exemples, siuí, sk. ásmi; et s'il veut savoir pourquoi slui contredit la règle, il ne trouvera aucune explication. Ces cas sont trop fréquents. Si l'on se place au point de vue purement scientifique, on reconnaîtra, au contraire, que l'ouvrage de M. H. est intéressant et suggestif, précisément pour les mêmes raisons, en partie, qui le mettent selon moi hors de la portée des débutants. Les relations des modifications vocaliques avec l'accent, si elles sont encore pleines d'obscurités, ont grandes chances d'être exactes sur beaucoup de points, telles que nous les voyons exposées, et l'hypothèse de racines disyllabiques répond à trop d'exigences de la phonétique grecque pour ne pas être admise. Mais si des racines comme petă (nitaμai, tva), que M. H. appelle bases disyllabiques « lourdes », peuvent facilement se supposer et se défendre, il n'en est pas de même pour les bases << légères », qui présentent des difficultés nombreuses, dont l'une des plus graves est que la forme même n'en est pas exactement précisée. On nous parle, p. 361, de l'e-o final de ces bases, qui a disparu partout sauf à l'aoriste fort, et l'on ajoute que l'on a le degré nul

à la première syllabe de la base dans cet aoriste. On nous dit ailleurs, p. 337, que les formes ainsi employées accentuaient la seconde syllabe de la base, qui montre toujours le degré plein à cette seconde syllabe, cf. p. 363; enfin p. 367 « les bases légères disyllabiques devaient conserver e-o, qui portait l'accent. » Si alors on se reporte aux pp. 96-97, on y voit quelques types de ces bases, par ex. bheweg base de púyw, seghe base de yw, et on lit que dans le cas de l'accentuation de e-o les deux syllabes de la base sont inaccentuées, d'où généralement le degré nul pour les deux syllabes. La contradiction. est évidente ou bien e-o ne fait pas partie de la base, et l'on a régulièrement -quy-ov. -oy-ov, et par conséquent il n'y a pas lieu de parler d'une seconde syllabe accentuée et de degré plein; ou bien c'en est l'élément final, et en regard de o il faut poser puyo, et alors quelle sera la forme de la base? La conception des racines, telles que la linguistique contemporaine se les représente, est souvent insuffisante et a forcé de recourir, pour l'explication de certains phénomènes, à des hypothèses plus ou moins hasardées; puis l'idée de racines disyllabiques, timidement présentée d'abord, n'a pas tardé à prendre droit de cité; enfin l'on en vient à supposer des racines disyllabiques à la base de presque toutes les formations. Je crois que c'est dépasser le but. Le livre de M. Hirt n'en garde pas moins sa valeur; il tient au courant des récentes recherches, tant de celles de l'auteur, qui renvoie souvent à son Ablaut, que de celles d'autres savants; les maîtres en pourront profiter, parce qu'ils discuteront et sauront apprécier à leur juste prix les théories exposées; mais les novices s'y perdront.

II. L'ouvrage de M. Gercke est d'allure plus modeste; également destiné aux commençants, il ne leur donne que ce que la science actuelle admet généralement, et se borne au strict nécessaire; l'auteur a compris qu'en pareille matière les difficultés doivent être réservées, et qu'il vaut mieux éviter d'accumuler les hypothèses. C'est par suite de ces principes que M. G. a restreint le plus possible la part du sanskrit dans ses comparaisons, qui sont faites presque uniquement avec le latin et les langues germaniques. C'est peut-être aller trop loin, surtout quand il s'agit seulement de phonétique, comme ici; car des exemples bien choisis dans le sanskrit sont très utiles pour comprendre la relation des sons grecs avec les sons primitifs, et la connaissance des mots suffit; M. G. aurait pu être moins sobre à cet égard. D'autre part, il cite fréquemment des formes dialectales; il donne même des mots phrygiens et macédoniens dont les commençants pourraient parfaitement se passer. Ce qu'ils doivent savoir, au contraire, pour aborder avec profit l'étude de la phonétique grecque, ce sont les divisions de la langue en ses dialectes, avec leurs traits caractéristiques et leurs affinités; quelques pages à ce sujet sont indispensables, et il eût été bon de les écrire. La doctrine est pour l'ensemble celle que l'on retrouvera, par exemple, dans les ouvrages de

Brugmann : « mon but, dit M. G. (p. 11), ne peut pas être de donner du nouveau. » Les règles sont données en effet simplement, le plus souvent avec clarté, parfois cependant avec une certaine confusion, qui provient soit de ce que M. G. réunit ses exemples en bloc, sans les distinguer d'après la variété des cas; par ex. q)τpáñela n'est pas dû au même processus que dε(μ)σnótns (§ 47); soit de ce que la théorie n'est pas toujours d'une précision suffisante, comme pour le traitement de (§ 12). On voudrait plus de rigueur dans l'exposé de l'affaiblissement vocalique: n'est pas plus au degré faible que t n'est au degré fort, et la relation o ὠμηστής est tout autre que la relation payñvzı ¿yvμ (§ 56); M. G. confond des phénomènes bien différents. P. 29 olov n'est pas pour "aFxôFiwv; p. 64 ρós n'a pas la première brève. L'appendice sur la chronologie est une innovation heureuse par elle-même, sinon par la sûreté des résultats: mais on ne chicanera pas M. Gercke, puisqu'il convient lui-même (p. 11) que ce chapitre renferme une grande part d'hypothèses, et ne doit être consulté qu'avec précaution.

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Mr.

Marcel THIBAULT, Isabeau de Bavière, reine de France. Sa jeunesse (13701405). Paris, 1902, Perrin et Cie, iv-448.

Parmi les personnages, fort nombreux en histoire, qui sont célèbres sans être connus, il convient de placer en bon rang la femme de Charles VI. Son nom même, Isabeau, est un sobriquet qui a été imposé à la tradition par un pamphlétaire, et l'imagination populaire, par un goût naïf d'antithèses, a chargé sa mémoire de tous les vices propres à mettre en relief le charme et la pureté de la femme qui devait relever le royaume perdu par une femme. Quelle est au juste la valeur des accusations dont on accable Isabeau? Nous n'en savions rien, et, ce qui importe davantage, nous n'apercevions pas très bien le but et la marche de sa politique. M. Marcel Thibault s'est étonné de cette ignorance et il s'est proposé de compléter les très courtes notices de Vallet de Viriville et de Le Roux de Lincy. Il a étudié avec beaucoup de soin et de critique les chroniques françaises et étrangères; il a éclairé et contrôlé leurs renseignements par ceux que nous fournissent les documents d'archives, et il nous donne aujourd'hui la première partie d'une biographie de la reine. Il a cherché à nous faire comprendre sous quelle influence s'est développé son caractère et comment elle a été préparée au rôle que les circonstances lui ont assigné. Il écrit une histoire psychologique, en même temps qu'il nous apporte les plus précieux renseignements sur la vie de la cour et l'état des mœurs pendant les dernières années du XIVe siècle.

Ce genre est séduisant et dangereux. Il charme les lecteurs et il risque d'égarer les jeunes auteurs. M. Th. qui a été un brillant élève de l'école des Chartes, est rompu aux bonnes méthodes; non seulement il a l'art de trouver les documents inédits et de tirer des pièces les plus sèches des renseignements curieux; mais il est réservé dans ses jugements et prudent dans ses conclusions. Il m'a paru pourtant quelquefois qu'il avait un peu trop le désir de plaire et qu'il lui arrivait de faire des grâces aux lectrices que lui attireront son sujet et son talent. Son style est par endroits un peu maniéré et il n'hésite pas à écrire qu'Isabeau «< préféra aux fleurs de lys les pâles myosotis qui lui rappelaient les humides prairies du pays natal » : ce sont là des tournures bien galantes pour dire que la reine ne fut jamais qu'une médiocre Française et qu'elle sacrifia les intérêts du royaume à ceux de la Bavière. Je ne signale ces vétilles, qui d'ailleurs sont rares et qu'excuse dans une certaine mesure la matière, que pour mettre en garde le jeune écrivain contre une tendance évidente de sa nature. Il est bon d'avoir de l'esprit, à condition de n'avoir pas l'air de courir après, et je demanderai à M. Thibault, s'il m'est permis de me servir de l'argot de théâtre, de ne pas en mettre trop. Qu'il évite les phrases dont le pittoresque romantique cache mal le vague et l'obscurité est-ce faute d'imagination? mais j'avoue que, quand il nous dit que le frère d'Isabeau, Louis de Bavière, peut passer aussi bien pour le dernier des chevaliers brigands de la vieille Allemagne que pour l'un des premiers barons pillards de l'Italie de la Renaissance (p. 319), cela ne me laisse aucune impression précise. Ce n'est pas un des moindres dangers de ces procédés maladroits que de risquer d'induire en erreur le lecteur pressé et de lui cacher ce qu'il y a dans ce travail de sérieuses études, de laborieuses recherches et de réelle probité.

M. Thibault, prévenu du péril que courent les biographes, s'est défendu de toute partialité pour son héroïne, à tel point que l'on est tenté par moment de se demander s'il a présenté avec assez de vigueur les circonstances atténuantes qui diminuent la responsabilité d'Isabeau. Elle a quinze ans quand on l'amène en France, elle ne sait pas le français, et là, sans préparation, presque sans la prévenir, en quelques jours, on la marie à un garçonnet de dix-sept ans, agité, d'une nervosité maladive, incapable d'exercer sur elle une influence sérieuse, de la guider et de la défendre. Son inexpérience et sa candeur sont jetées dans le milieu le plus dépravé et le plus égoïste : elle n'a d'autres leçons que les dilapidations et le gaspillage. Elle n'aimera jamais la France, dit-on: mais qui donc lui aurait appris cet amour, et de tous. les princes du sang qui entourent Charle VI, en est-il un qui songe aux intérêts du pays! L'opinion publique s'éloigne d'elle, avant d'avoir une seule faute sérieuse à lui reprocher; est-ce vraiment à la reine qu'il faut s'en prendre si les impôts sont lourds, la politique royale vacillante, et si le grand schisme qui se prolonge jette dans les âmes une im

pression d'inquiétude et de tristesse? On en veut à Isabeau des maux qu'elle ne saurait détourner, et, à son tour, en face de cette injuste aversion qui grandit autour d'elle, sans appui sûr, tenue dans une sorte de dépendance par Philippe de Bourgogne qui a fait son mariage, sourdement diffamée par les ennemis du duc, bientôt abandonnée par son mari inconstant et frivole, absorbée par des grossesses qui se succèdent presque sans interruption, elle ne peut comprendre la politique que de la façon la plus plate et la plus vulgaire : elle est moins avide d'influence que d'argent, parce qu'elle sent sa situation précaire et que d'ailleurs. les questions générales lui sont inintelligibles, et la seule pensée un peu constante que nous rencontrions en elle, c'est le désir de servir l'ambition et les rancunes de son père ou de son frère. M. Th. n'a pas osé, à ce qu'il me semble, tirer assez nettement les conclusions naturelles de son récit: Isabeau nous apparaît, au moins jusqu'en 1392, et même suivant moi jusqu'en 1398, comme l'instrument médiocre et docile de la politique bourguignonne; ignorante, avec des ambitions mesquines et des pensées courtes, elle subit les événements et ne les conduit pas. Il n'est pas démontré que, même plus tard, son intervention ait été beaucoup plus active et efficace et il est bien possible que son influence ait été à toutes les époques des plus limitées. Avide, frivole, irrésolue et légère, elle n'avait certainement aucune des vertus qui auraient été nécessaires pour racheter les vices de la cour, mais elle était encore plus médiocre que méchante et elle ne ressemble que de très loin à la mégère grandiose et impudique qu'a marquée de traits si vifs la légende populaire.

A la suite de quels incidents Isabeau, qui est encore en 1403 étroitement liée au parti bourguignon, devient-elle brusquement favorable au duc d'Orléans? On a expliqué ce revirement par un coup de passion. M. Th. est un critique trop consciencieux pour ne pas nous indiquer combien l'accusation lancée contre la reine repose sur des indices contestables et vagues. Malgré tout, il semble conclure à une condamnation. Les mœurs, nous dit-il, étaient si faciles; Isabeau, si mal entourée; elle s'était définitivement séparée de son mari et, « très certainement, l'âge n'avait pas encore tué en elle le besoin des doux épanchements ». Quand un historien écrit d'une chose qu'elle est très certaine, cela signifie qu'il n'en sait absolument rien. En somme, la question demeure pour le moment absolument obscure. C'est un de ces milliers de problèmes que l'ingéniosité de la Providence réserve à la sagacité des historiens, qui sont irritants et séduisants parce qu'ils sont insolubles, et qui d'ailleurs n'ont aucune espèce d'importance. Ce qui semble sûr du moins, c'est qu'Isabeau qui avait près de trentecinq ans, qui n'avait jamais été jolie et que de nombreuses grossesses avaient déformée et alourdie, ne devait pas être une conquête bien attrayante. Mais M. Th. me répondra que la politique a quelquefois de plus dures nécessités.

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