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Paul LEVIN. Victor Hugo. Copenhague, Gyldendalske Boghandels Forlag, 1901 et 1902, 2 vol. in-8° de 303 et 303 pages.

Cette rédaction d'un cours professé en 1901 à l'Université de Copenhague tient le rang le plus honorable parmi les ouvrages qu'a vus naître le centenaire de Victor Hugo. S'il est vrai que la postérité commence aux frontières, on ne s'étonnera pas de trouver ici, plus que dans la plupart des biographies ou des études françaises, même récentes, un examen impartial de cette personnalité qui persiste à rester, chez nous, si « actuelle ». Il n'est pas indifférent non plus de savoir comment on comprend l'auteur des Contemplations dans les divers pays étrangers, surtout quand on se défend, comme M. L., de porter un jugement sur les mérites de langue, de style et de versification de V. Hugo. En dépit de l'information étendue de l'auteur en matière de littérature française, nombre de détails allusions et appréciations, comparaisons avec des poètes scandinaves ', conclusion faisant valoir l'avantage que pourrait avoir, pour les lettres danoises, une familiarité plus grande avec Hugo, nous avertissent que nous sommes bien en présence d'un livre fait pour un public déterminé, et non pour l'histoire littéraire en général.

de pages exactement

C'est la date de 1851 qui marque la séparation des deux volumes de M. L., et qui fournit, pour lui, à la vie et à l'œuvre de Victor Hugo leur principale division. Il est certain que l'exil ouvre une nouvelle et décisive période dans cette longue carrière; mais n'est-ce pas faire tort aux œuvres d'après 1851 que de leur consacrer le même nombre qu'à la production antérieure ? Cette répartition peu équitable a sa raison la plus apparente dans l'état actuel des recherches concernant les sources de V. Hugo. Les Orientales, par exemple, ayant été l'objet de quelques études, M. L. ne leur consacre pas moins de vingt-neuf pages, alors que les Ballades n'en obtenaient guère plus de deux, et que la Légende n'est soumise qu'à un examen assez superficiel. D'une façon générale, il y a là une discordance qui risque de donner un caractère un peu provisoire au second volume de l'ouvrage tandis que l'ambiance historique, les influences, les précédents littéraires, ont dans la première partie la place qui leur convient, plusieurs chapitres de la seconde donnent l'impression d'être en quelque sorte en l'air, sans attaches suffisantes avec le mouvement

1. Ce n'est pas Aladdin, mais les Guldhorne, qu'écrit Oehlenschläger après sa fameuse promenade avec Steffens (p. 140 du t. II). Inversement (ibid., p. 142), les conférences de Steffens sont postérieures à la composition des Guldhorne.

2. Signalons un très ingénieux rattachement de Cromwell à la seconde attitude de V. Hugo vis-à-vis de la figure de Napoléon. Il est regrettable que la décisive campagne du Globe ne soit pas mentionnée parmi les antécédents de la Préface (I, 120). On ne peut pas dire, strictement, que Mme de Staël fut la première à importer d'Allemagne le terme de romantisme (I, 87).

des idées antérieur ou contemporain. M. L. insiste à plusieurs reprises, il est vrai, sur la situation singulière de l'exilé de Guernesey, son isolement, son détachement des conditions réelles de la politique ou de l'évolution qui se faisait, loin de lui, dans les idées de son temps. Encore conviendrait-il de noter certains contacts entre son œuvre de l'exil et la pensée de l'âge antérieur, l'action probable du SaintSimonisme sur une partie de sa philosophie, l'analogie de son «< messianisme » avec telles théories positivistes, la publication de plusieurs poèmes des Destinées de Vigny précédant les Petites Epopées. Sans doute ces recherches d'influences amèneraient-elles à cette conclusion que Victor Hugo, de 1852 à 1870, n'est ni le visionnaire « claustral »> que M. L. nous montre, ni l'écrivain représentatif, ici encore, de la France intellectuelle du XIXe siècle, tel que le voit M. Brunetière, mais plutôt un continuateur lointain de l'époque antérieure.

Ce défaut de symétrie entre la première et la deuxième parties de l'ouvrage est, ce me semble, le principal reproche qu'on pourra faire à M. Levin, et c'est, au fond, l'état actuel des recherches en cette matière qu'on en rendra responsable. Quelques détails surprennent, quelques comparaisons imprévues, une analyse un peu gauche, en dépit du secours de M. Renouvier, de la métaphysique des Contemplations (II, p. 41), un rapprochement un peu singulier entre les Châtiments et les Orientales (II, p. 13). Il y a plaisir en revanche à voir le grand lyrique français étudié avec cette fraîcheur d'impression et sollicité de révéler surtout, par delà les concepts « de type et de race, qui peuvent recouvrir la prévention et l'étroitesse », ce qu'il contient de large humanité. F. BALDENSPerger.

LETTRE DU R. P. MORTIER.

J'ai reçu communication de l'article publié dans la Revue critique d'Histoire et de Littérature sur mon premier volume de l'Histoire des maîtres généraux de l'Ordre des Frères Prêcheurs, par M. Jean Guiraud (9 mars 1903). A défaut de bienveillance, toute œuvre a droit à la justice. Ne l'a-t-on point lésée ?

1o Je n'ai point fait d'emprunts à Réchac ni même à Lacordaire comme sources historiques, mais comme traducteurs : à Réchac, pour son originalité peu commune; à Lacordaire, parce qu'il m'eût semblé impertinent de redire les mêmes choses dans une autre langue que la sienne.

2o Je ne puis laisser affirmer, sans protestation, que Mamachi n'a pas de critique, et par là, pas d'autorité. Je souhaite à beaucoup d'érudits de notre temps de faire des œuvres aussi documentées, aussi sérieuses et aussi durables que la sienne dans son ensemble. N'est-il pas téméraire de laisser entendre que Gérard de Frachet et Cantimpré, contemporains des faits dont il est question, n'ont pas ou ont peu d'autorité?

3o Les cinq généraux dont il est parlé dans ce volume ne « se contredisent » pas sur la pauvreté. Leurs actes capitulaires en font foi (cf. p. 73, p. 173, p. 280, p. 308 et p. 485).

4o Je n'ai affirmé nulle part, pas plus à la page 391 qu'ailleurs, "la supériorité des religieux sur les prêtres séculiers ». L'eussé-je fait, du reste, que j'aurais affirmé une vérité théologique. Un régulier prêtre est supérieur comme état à un simple prêtre séculier, parce que, à la dignité du sacerdoce, il ajoute l'état de perfection (S. Th. 2a 2a Q. 84, art. 8). Ces sortes de questions dépendent de la théologie, et souvent on en parle sans les connaître.

5o Je n'ai affirmé nulle part « la supériorité des Dominicains sur les autres religieux ». Ici encore la question est théologique. Les Ordres contemplatifs et actifs tout à la fois, dont les Dominicains, sont supérieurs par état aux religieux purement contemplatifs ou purement actifs (S. Th. 2a 2 Q. 88, art. 6). J'aurais donc pu le dire en toute vérité pour certains religieux. Mais je ne l'ai pas dit. 6o Je nie absolument avoir fait « appel à l'infaillibilité du Pape >> en faveur du Rosaire. Je proteste de plus contre un pareil procédé de critique et je m'étonne de le trouver en M. G. J'ai fait appel, ou plutót, j'ai constaté un fait, rien de plus (cf. p. 15).

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7° Quant à « l'inspiration divine » qui, à mon avis, et je ne suis pas le seul aurait poussé saint Dominique à fonder la Prédication universelle, je la maintiens sans rougir, malgré les idées personnelles de M. G. qui ne sont pas du tout les miennes sur les origines dominicaines.

8° Je n'ai point « lancé mes imputations gratuitement à la mémoire » d'Innocent IV. Ce que j'avance est appuyé sur deux documents contemporains (cf. P. 448). « Ma rancune dominicaine » n'a rien à y voir. Les Papes est-ce à moi de le rappeler à M. G. ? peuvent avoir leurs faiblesses morales; ils sont sujets, comme tout le monde, aux infirmités de la vieillesse. Les constater n'est pas leur faire injure. Du reste, il suffira au premier venu de lire mes pages sur Innocent IV pour rendre justice à mes sentiments de vénération et de reconnaissance pour sa personne.

9o Les Dominicaines sont chanoinesses. Je « le veux à tout prix » parce que c'est la vérité. Le terme de monialis, sanctimonialis comprend toutes les religieuses à vœux solennels, chanoinesses ou non. La moniale en droit canonique - est un genre; la chanoinesse une espèce.

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Je remercie M. Jean Guiraud des critiques plus justes qu'il a faites sur mon travail, et dont, à l'occasion, je saurai profiter.

D. F. MORTIER.

RÉPONSE DE M. JEAN GUIRAUD.

Je remercie le R. P. Mortier de sa lettre; car elle me permet de lui exprimer la respectueuse sympathie que j'ai toujours eue pour son ordre et que les circonstances présentes ont encore avivée. Elle ne saurait toutefois porter atteinte à la liberté de mes jugements et j'espère démontrer, en répondant point par point au P. M. que si mes critiques peuvent être discutées, elles sont du moins inspirées par l'unique souci de la vérité.

1o Je demande à tout esprit scientifique s'il est de bonne critique de citer des textes historiques d'après des traductions, fussent-elles d'écrivains aussi originaux que Réchac, ou aussi grands que Lacordaire. D'ailleurs pp. 36, 37, 79, 97, 98, 121, Lacordaire est-il simplement cité comme traducteur?

2o Si j'ai parlé de Mamachi en termes qui ont soulevé l'indignation du P. Mortier, c'est qu'il me semble faire un trop grand cas du récit de la soeur Cécile sur la vie de saint Dominique. Quant à Gérard de Frachet et à Cantimpré, je n'ai jamais dit qu'il fallût les rejeter, mais bien que l'auteur leur avait peut-être fait trop d'emprunts.

3o La législation des actes capitulaires n'est pas une preuve que sur la question de la pauvreté personnelle et conventuelle, les maîtres généraux de l'Ordre n'ont pas grandement varié. Il ne suffit pas que des lois disent la même chose, il faut

encore qu'elles soient appliquées dans le même esprit et avec les mêmes scrupules pour qu'il y ait vraiment continuité. Or, est-il possible de comparer aux constructions basses, étroites et nues que saint Dominique exigea pour son couvent de Bologne, les édifices somptueux ou du moins monumentaux que le P. Mortier décrit lui-même avec tant de complaisance?

vraie

4o et 50 Lorsqu'à la suite de saint Thomas, le P. M. affirme la supériorité des réguliers sur les séculiers, surtout lorsqu'ils unissent l'action à la contemplation c'est-à-dire lorsqu'ils sont dominicains, il est trop facile de lui répondre que comme M. Josse, il est... orfèvre! Mais là n'est pas la question. Il s'agit tout simplement de savoir si en proclamant lui-même cette thèse- qui peut d'ailleurs être le P. M. n'a pas donné à son œuvre un air trop marqué de partialité. Il me répond qu'il ne l'a fait ni à la page 391 i ailleurs. Je me contente dès lors de le citer mettant en parallèle (p. 391) les prètres séculiers et les réguliers qui occupèrent, au x siècle, l'épiscopat, il écrit : « Innocent IV estimait que des hommes rompus à l'obéissance, d'une discipline sévère, habitués aux exercices de la vie intérieure possédaient les qualités maîtresses qui seules sont capables de créer et de diriger des prètres. J'entends des prêtres et non des fonctionnaires ecclésiastiques. Du reste, il suffit de jeter un coup d'œil même superficiel sur l'histoire de l'Église, d'ouvrir un bréviaire pour constater que l'immense majorité des évêques les plus saints sont réguliers. Je n'insiste pas; car la démonstration des faits est tellement brutale qu'elle deviendrait injurieuse. » Au lecteur impartial de voir si j'ai eu tort de dire que dans ces phrases « l'auteur affirmait d'une manière plus ou moins déclarée la supériorité des religieux et des dominicains sur les prêtres séculiers ».

6o Si à propos de la question du Rosaire j'ai reproché au P. M. de faire appel à l'infaillibilité pontificale, c'est que pour prouver l'origine dominicaine de cette dévotion, il ne cite que des lettres de Papes, et les encycliques de Léon XIII. Nous savons fort bien qu'elles existent et qu'elles sont «< un fait »; mais il nous semble qu'il n'est pas probant à moins que l'infaillibilité doctrinale soit mise en jeu, ce qui n'est pas le cas puisqu'il s'agit dans l'espèce d'un débat purement historique. 7° Il semble de bonne méthode en théologie et à plus forte raison en histoire de ne faire intervenir d'explication surnaturelle que lorsqu'il est absolument impossible d'attribuer un fait à des causes naturelles. Cela étant, lorsque saint Dominique quitte le Languedoc après une dizaine d'années de prédications n'ayant produit, selon son propre témoignage, aucun résultat appréciable, n'est-il pas plus simple d'expliquer sa résolution par son insuccès plutôt que par une sorte de révélation? C'est là une manière si banale d'expliquer un fait si simple que je ne revendique pas pour cela un brevet d'invention.

8° Quant aux accusations portées par l'auteur contre Innocent IV, je ne les rejette pas en principe je sais fort bien que les papes peuvent avoir des faiblesses morales; mais pour les admettre j'attendrai les preuves que le P. M. ne donne pas. Le lecteur n'a qu'à se reporter à la page 448 pour voir qu'à la suite d'Étienne de Salagnac et de Cantimpré le P. Mortier n'allègue aucun fait à l'appui de ce jugement sévère porté sur Innocent IV.

9° J'attendrai de même qu'il définisse exactement la signification du mot chanoinesse pour admettre que les « moniales » de Prouille soumises à la pauvreté, à la chasteté, à l'obéissance, à la clôture perpétuelle, n'appartenant en rien au monde des «< clercs » ont formé un ordre canonial, plutôt que monastique. Depuis plus de dix ans que j'étudie leur vie, je n'ai pas saisi dans les documents les différences essentielles qui pouvaient les distinguer des autres religieuses de leur temps n'ayant elles-mêmes aucune prétention au canonicat.

J. GUIRAUD.

M. Thém. PHILADELPHIEN a publié il y a quelques mois (impr. Sakellarios, 1902) en deux volumes et en grec une Histoire d'Athènes sous la domination turque (1400-1800). M. Philadelphien a utilisé des documents nouveaux et inédits; son Histoire est une œuvre originale et digne d'attention. S.

La collection La Peinture en Europe (Société française d'éditions d'art, vol. in-12 carré, ornés de 100 reproductions; prix relié : 10 fr.) dont nous avons signalé successivement les volumes relatifs au Louvre, à la Belgique, la Hollande, Venise et Florence, vient de s'enrichir d'un volume sur Rome, qu'on attendait depuis longtemps et qui est arrivé juste à point pour le congrès d'Histoire convoqué dans la Ville Éternelle. Ce n'est qu'un premier tome, l'inventaire des tableaux de Rome devant en comprendre deux, mais c'est probablement le plus neuf et le plus curieux de la collection. MM. G. Lafenestre et Richtenberger y décrivent les toiles, les panneaux, les fresques, que renferment le Vatican et les quelque 50 églises, dans et hors les murs, décorées d'oeuvres peintes. Un bon aperçu général, avec une bibliographie, précède la description même des œuvres et des palais, salles, chapelles ou temples qui les renferment; un index la termine. Cette description, brève mais précise, est souvent accompagnée d'une petite documentation essentielle, au besoin de citations de textes anciens, qui témoigne d'un soin très heureux. Pour certaines églises, il y a des détails précieux et vraiment de première main, qui donnent à ce volume un attrait particulier dans la collection. Les clichés, qui proviennent de la maison Anderson, sont assez nets, malgré leur réduction, pour servir utilement. C'est en somme un livre très réussi. - II n'est pas sans intérêt de noter, en passant, que le premier volume, celui du Louvre, vient d'être remis à jour en une nouvelle édition très remaniée. Nous avions reproché à la première édition d'avoir décrit les tableaux salle par salle, parti que les remaniements continuels rendaient absurde: c'est maintenant par école que nous les trouvons inventoriés. Ce procédé, seul logique, devrait toujours être adopté. - H. DE C.

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L'Année cartographique, le supplément à tous les atlas, que dresse chaque année M. F. Schrader, vient de paraître à la librairie Hachette (12° supplément, 3 feuilles de cartes avec iexte au dos; in-folio, prix : 3 fr.). Il contient les modifications géographiques et politiques des années 1900-1901. Le texte des cartes d'Asie a été rédigé par M. D. Aitoff (expédition Koztoff, itinéraire Barclay Parsons, etc.). Le texte des cartes d'Afrique l'a été par M. M. Chesneau (chemins de fer, Éthiopie, etc.). Celui enfin des cartes d'Amérique (Honduras, Bolivie), est dû à M. V. Huot. La netteté des cartes est parfaite.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS et belles-LETTRES

Séance du 8 avril 1903.

M. Eugène Lefèvre-Pontalis adresse le programme du Congrès archéologique qui doit se tenir à Poitiers du 16 au 24 juin.

M. Delisle communique la photographie d'une grande peinture exécutée par Jean Fouquet et qui appartiennent à la même série que neuf peintures contenues dans le célèbre ms. de la traduction française des Antiquités juives de Josèphe conservé à la Bibliothèque nationale.

M. Clermont-Ganneau écrit qu'il attache une importance toute particulière à l'apparition, dans la nouvelle inscription du temple d'Echmoun, du titre de Melek Melakim << roi des rois ». Selon lui, le titre protocolaire adon melakim « seigneur

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