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Tout le monde obscur des apocalyptiques, des théosophes, des auteurs de cosmogonie se trouve au bas de ces pages, à côté des Pères et des poètes classiques. M. G. dépasse ainsi son rôle d'éditeur, pour notre plus grand profit. Du reste, il est bien difficile de séparer ces confrontations de la critique proprement textuelle. C'est ce que ne comprennent pas toujours ceux qui publient des ouvrages religieux.

M. G. a renoncé à donner un index de la grécité. Le texte est trop profondément altéré, dit-il, et il eût fallu accompagner chaque article de raisonnements. Puisque M. G. en a recueilli les éléments, nous espérons qu'il nous le donnera sous une autre forme.

Il y a déjà des indications sur la langue des oracles, dans la brochure de M. G. sur l'origine et l'époque des chants sibyllins. A cause de la nécessité d'unir constamment l'étude historique et la critique textuelle, M. G. considère cette brochure comme une partie essentielle de son édition.

Pour M. G., les livres actuels se sont succédés dans l'ordre suivant : III-VIII, I et II, XII, XIII, XI, XIV. Le livre III représente la propagande savante du 1e s. av. J.-C. Le livre IV est l'œuvre d'un juif qui s'est approprié les doctrines stoïciennes sur la fin du monde; il écrivait avant 80 de notre ère; on voit dans ce livre avec quelle rapidité la légende de Néron s'est formée et répandue. Le Ve livre témoigne de la haine des Juifs pour les Romains après la prise de Jérusalem; l'auteur écrivait en Égypte. Le livre VI, comme l'a déjà vu Alexandre, est un hymne hérétique, on ne sait au juste de quelle secte; il est du 11 s. après J.-C. Le livre VII, sans avoir de lien direct avec le précédent, est sorti du même milieu. M. G. l'appelle un chant gnostique et judéo-chrétien, et le place vers 150 de notre ère. Le livre VIII présente une grande confusion d'éléments divers. D'anciens oracles y sont incorporés. L'ensemble paraît refléter l'époque orageuse du christianisme, le temps de Marc-Aurèle et des apologistes. Les livres I et II viennent de Phrygie; c'est une manière d'apocalypse juive, écrite dans le premier tiers du 11° siècle, remaniée peu après par un chrétien. Les livres XI et XIV, l'un du III s., l'autre au plus tôt du iv, ont été écrits par des juifs. en partie pour répondre aux sibylles juives. L'auteur du livre XII est un oriental, qui est possédé d'une haine furieuse contre le conquérant de l'Orient, Septime Sévère. Le livre XIII est aussi un écho fidèle et vivant des troubles de l'Orient au e s.; il a pour auteur un chrétien partisan d'Odenath.

M. Geffcken juge défavorablement les fragments, ainsi que le prologue, malheureuse composition du vie siècle.

Paul LEJAY.

W. THOMAS. Le poète Edward Young (1683-1765). Étude sur sa vie et ses œuvres. Paris, Hachette, 1901, in-8, 663 pp.

Voici un travail qui témoigne de recherches minutieuses guidées par une science exacte. Dissipée par d'ingénieuses conjectures, l'obscurité cesse de planer sur certains épisodes de la vie de Young. Nous savons par exemple, grâce à M. Thomas, que l'héroïne des Nuits est une fille naturelle du poète, dont l'existence avait échappé à la perspicacité des biographes antérieurs. La thèse générale de M. T., c'est que Young a subi une double influence à l'école de Winchester il doit son indépendance d'esprit, à l'Université d'Oxford sa culture. classique, d'où la dualité de son génie à la fois romantique et classique. M. T. le compare à Janus et a dû goûter cette comparaison, car il la répète deux fois (pp. 216, 580). La seconde partie du livre contient un excellent chapitre sur la grammaire et la prosodie des Nuits. Arrivant à l'influence du poète, M. T., par une louable innovation, ne s'est pas borné à l'Angleterre et à la France; pour que son travail fût complet, il a écrit un chapitre sur Young en Allemagne et en Italie, et même, heureux effet de l'Alliance, en Russie. Peut-être a-t-il alourdi sa thèse par l'addition d'une série d'études que des liens artificiels rattachent au sujet principal. L'histoire de l'École de Winchester, le tableau de l'Université d'Oxford au XVIIIe siècle, l'étude sur la satire en Angleterre avant Young sont autant de monographies indépendantes. L'inconvénient de ces digressions, très intéressantes d'ailleurs, est de brouiller la vue du lecteur. En revanche, l'auteur aurait pu insister sur l'amitié de Young et du romancier Richardson. Leurs œuvres semblent à première vue se rencontrer sur plusieurs points et leur sentimentalisme a comme un air de parenté.

La tâche de M. T. présentait une grosse difficulté. Depuis le fameux article de George Eliot, Young a une mauvaise réputation. On cite son nom quand on veut donner l'exemple caractéristique du moraliste attristé et hypocrite, on l'accole à celui de Swift pour prouver la corruption de l'Église d'Angleterre au XVIIIe siècle. La tradition exige qu'un biographe montre de la sympathie pour son héros; raconter la vie d'un homme, n'est-ce pas en quelque sorte faire son oraison funèbre, et il n'est pas bienséant d'étaler devant une tombe ouverte les faiblesses et les fautes d'un mort; la science d'autre part supporte difficilement qu'on les dissimule, d'ordinaire on en est réduit à plaider les circonstances atténuantes. M. T. fait passer sous nos yeux toutes les pièces du procès et donne, comme c'est son devoir, des conclusions favorables. Malheureusement, le plaidoyer de l'avocat n'a pas effacé l'impression que produit le dossier réuni par le savant. Dans la masse des faits élucidés par M. T. les traits sont nombreux qui ne paraissent pas à l'honneur de Young. Aussi combien son début dans le ministère des âmes est fâcheux! S'il prend la résolution

d'entrer dans les ordres, c'est qu'une place est vacante et qu'il espère l'obtenir. Ses admirations, ses amitiés, ses opinions politiques, une fois prêtre, il les subordonne à l'obtention d'un évêché. Après avoir adulé Walpole, désespérant d'obtenir une mitre du tout puissant ministre, il transfère son allégeance à Bolingbroke, le chef de l'opposition. Les poètes n'ont pas en général une grande réputation d'adresse dans la vie. Si Young calculait beaucoup, il calculait assez mal. Le poste convoité au moment de son ordination lui échappa. Bolingbroke ne devait jamais revenir au pouvoir et Walpole conserva sur son ancien flatteur un « dossier secret ». Et nous qui connaissons les fils de l'intrigue, nous sommes pris de pitié devant les échecs que subit ce malheureux Young, ni meilleur, ni pire en somme que ses collègues plus heureux, devant les humiliations dont on l'accable, les réponses méprisantes qu'on fait à ses suppliques.

Quelques-unes de ses maladresses sont étonnantes. En sa qualité de prêtre, il lui était malaisé de faire jouer des pièces de théâtre. Il eut l'idée de tourner la difficulté en consacrant à une bonne œuvre le produit d'une de ses tragédies. Son biographe ne doute pas de sa sincérité. A la vérité, la question a peu d'importance; au point de vue de Young, l'effet produit était tout. Remarquez bien qu'il se préoccupait beaucoup de l'opinion publique son jardin orné d'inscriptions d'un style aujourd'hui démodé implique chez son possesseur le souci d'afficher sa sensibilité. Il y a chez Young de la pose. On dirait un acteur qui récite un rôle. Comme il est difficile de fixer le moment où le bon acteur oublie sa personnalité pour revêtir une personnalité d'emprunt, admettons la sincérité du poète.

Une seule fois, l'avocat qu'est M. T. s'est laissé entraîner à mettre un passage de son plaidoyer en contradiction avec les faits : « Dan's le courant de sa vie d'Oxford, lit-on p. 317, Young se laisse entraîner par la société qui l'entoure et préfère rechercher, lui aussi, les satisfactions matérielles dont il sentira bientôt tout le vide. » Ceci est au début de sa carrière. Or, en 1758, sept ans seulement avant sa mort, il intriguait encore auprès du duc de Newcastle pour obtenir ce que M. T. appelle de l'«< avancement » (p. 197). Il manque aux Méditations nocturnes une méditation sur le joli mot anglais « preferment ». Vers le milieu du XVIIIe siècle, les prêtres anglicans ne donnaient pas l'espoir d'être remplacés, moins de cent ans après, par un Keble ou un Kingsley, satisfaits tous deux de passer leur vie dans l'humble cure de campagne que leur talent a illustrée. Passerons-nous condamnation comme Georges Eliot? L'essentiel en cette matière est d'expliquer, non de juger. A la différence de l'illustre romancière, nous n'avons aucun intérêt immédiat à noircir des prêtres anglicans. Young n'est qu'un exemple de démoralisation que M. T. pourrait ajouter à son brillant tableau des mœurs anglaises au XVIIe siècle.

On nous permettra quelques remarques de détail : Pp. 86 sq. L'au

teur aurait trouvé des renseignements sur le clergé contemporain dans le savant ouvrage d'Abbey et Overton, The English Church in the XVIII th. century. P. 90. L'auteur est trop sévère pour Walpole. Il répète à la charge du ministre le mot « tout homme a son prix ». Comme le « enrichissez-vous » de M. Guizot, ce mot n'a pas été prononcé sous sa forme d'axiome. Parlant de ses adversaires qui faisaient parade, ainsi qu'il sied à toute opposition, de sentiments patriotiques et désintéressés, il s'écria ironiquement: « Tous ces hommes ont leur prix » (Coxe, Memoirs of Sir Robert Walpole, I, 757). Maccaulay a expliqué dans ses Essais qu'une Chambre à peu près souveraine sur laquelle l'opinion publique n'avait pas encore de prise ne pouvait être gouvernée que par la corruption. - P. 91. « La corruption attira au Parlement des hommes tarés et besogneux. » La moralité des parlements précédents n'est pas plus élevée. C'est sous Guillaume III qu'une Chambre des Communes doit chasser son propre président Sir John Trevor, convaincu de concussion. Un passage de Burnet achèvera de prouver que Walpole pouvait s'autoriser de précédents : « Je pris la liberté de me plaindre au roi (Guillaume III) de cette méthode de gouvernement (par la corruption); il répondit qu'il la détestait autant qu'aucun homme, mais il voyait qu'il n'était pas possible, vu la corruption du siècle, de l'éviter, à moins de mettre toute la constitution en péril' ». Qu'on lise un roman récemment paru en Angleterre, Houses of Ignorance de M. F. Carrel, on verra que les mœurs parlementaires sont les mêmes aujourd'hui qu'au xvIIIe siècle ; seulement les procédés de corruption, surveillés et dénoncés sans cesse à l'opinion publique, sont devenus plus raffinés. Il est donc injuste de blâmer en Sir Robert Walpole une politique qu'a pratiquée Guillaume III et dont les hommes d'état les plus honorés ne croient pas pouvoir, même de notre temps, se dispenser. - P. 94. Parlant de la lutte contre les déistes à laquelle les plus grands écrivains prirent part, M. T. aurait pu rappeler les articles de Berkeley dans le Guardian nos 39 et 83, et l'opinion d'un laïque, du romancier Fielding (Amelia I, ch. 3). — P. 97. « Les exécutions agrémentées de tortures horribles que rapportent les journaux de l'époque. » Comme preuve de férocité dans les mœurs, l'exemple n'est pas heureusement choisi, puisque la torture était abolie. Les mutilations prescrites par la loi dans le seul cas d'exécution pour haute trahison étaient toujours exercées sur le cadavre. On raconte, et M. T. aurait pu citer le fait, que l'aristocratie anglaise, en assistant à l'exécution de Damiens, chercha à sa curiosité barbare un aliment qui lui manquait en Angleterre. P. 123. Le vote de remerciements adressé à Young par la

1. I took the liberty to complain to the King of this method; he said he hated it as much as any man could do, but he said it was not possible, considering the corruption of the age, to avoid it, unless he would endanger the whole. II, 76.

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Chambre des Communes à propos du sermon prêché devant elle le 30 janvier 1728-9 (anniversaire de la mort de Charles I) n'avait pas le caractère exceptionnel que semble lui prêter l'auteur. P. 196. L'accusation portée contre l'archevêque Secker « d'avoir quitté les rangs des dissidents pour faire fortune dans l'Église officielle » atteint aussi l'évêque Butler, élevé dans la même « Académie » non conformiste. Bien entendu, ce passage d'une communion protestante à une autre ne revêt que très rarement l'apparence d'une trahison. Pp. 218 sq. Pour la satire en Angleterre avant Young, M. T. aurait trouvé, surtout en ce qui concerne le xvi siècle, de précieuses indications dans Alden, The Rise of formal Satire in England under classical Influence. Philadelphie 1899. - P. 462. Il serait plus juste de dire que dans sa Bataille des Livres, Swift ne prend pas parti pour les anciens contre les modernes, mais se garde de conclure, ce qui était habile et intelligent.

On nous pardonnera ces remarques qui portent seulement sur des points infimes. Elles prouvent l'excellence d'un livre où les Anglais devront reconnaître la «< Standard biography » de Young. Quel meilleur éloge en pourrait-on faire ?

Ch. BASTIDE.

Thomas R. LOUNSBURY, Shakespearean Wars, Shakespeare as a dramatic artist. New York. Scribner. 1901, in-8, 448 pp. 15 fr.

Les Universités américaines continuent de produire d'intéressants travaux sur la littérature anglaise. Peu soucieux d'aborder Shakespeare de front après tant d'autres, M. Lounsbury a préféré l'étudier dans ses critiques. Sa préface annonce une série d'ouvrages sur les querelles soulevées par l'établissement du texte de Shakespeare et par sa conception particulière de l'art dramatique. Ce dernier point seul est traité dans le premier volume; comme le deuxième doit être consacré à Shakespeare et Voltaire, la question de critique verbale ne sera vraisemblablement discutée que dans un troisième volume. Le livre que nous avons entre les mains renferme une excellente histoire des trois unités en Angleterre. Le mélange du comique et du tragique, les meurtres sur la scène forment la matière des chapitres suivants. M. L. a découvert une tragédie du XVI° siècle, Soliman et Perséda, dont quatorze personnages sur un total de quinze périssent de mort violente. Chose curieuse, l'influence française qui imposera à un certain moment. au théâtre anglais les trois unités, ne réussit pas à en bannir les scènes d'horreur. Le public y tenait tant qu'un certain Ravenscroft n'hésita pas en 1678 à renchérir sur Titus Andronicus, la plus épouvantable pièce de Shakespeare. Puis vient un historique de diverses questions secondaires, l'usage du vers blanc dans la tragédie, l'amour au théâtre,

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