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que cette sirène puisse, le cas échéant, et sans qu'il soit besoin d'une indication supplémentaire, tenir lieu de la déesse. Pour étayer une théorie aussi aventureuse, il faudrait autre chose qu'une peinture de vase obscure et qu'on peut autrement interpréter '. Je louerai, par contre, le soin avec lequel il a étudié et classé les textes littéraires. La sirène y apparaît comme une conception purement grecque, où n'entre aucun élément étranger ou sémitique. Le nom même (p. 84) est hellénique (de apa, la corde): il témoigne du pouvoir que l'imagination populaire attribuait aux âmes errantes, souvent malheureuses et vengeresses.

La seconde partie, qui se confond parfois avec la première, n'est pas étudiée avec moins de zèle, mais on sent, à la lire, et M. W. a eu la loyauté de nous en prévenir, que l'auteur connaît assez mal les musées et n'est pas un archéologue de profession. Pour ne prendre qu'un exemple, la sirène de la page 35 (fig. 15) n'est nullement casquée : M. W. a pris pour une coiffure l'une de ces taches dont les potiers corinthiens parsèment volontiers le champ. De même il accepte sans les discuter les théories aventureuses de Boehlau et s'explique mal sur les rapports de la céramique chalcidienne avec la corinthienne et l'ionienne. Pour lui, et je ne doute pas qu'il ait raison, la représentation figurée de la sirène est d'origine égyptienne. Il écarte toute influence assyrienne et sémitique, et considère les protomes archaïques en forme d'oiseaux qu'on a trouvées sur toute la surface du monde antique comme des produits de l'art grec, primitif et ionien. De l'Asie-Mineure, il passe à Chalcis (p. 30), à Corinthe (p. 37), à la Béotie (p. 145) et à l'Attique (p. 153). Il étudie ensuite l'art hellénistique et oriental (p. 175), puis l'art italiote, dans lequel il distingue l'art étrusque et campanien (p. 184), la céramique (p. 197), enfin (p. 201), l'art romain. Peut-être la partie la plus utile de son livre est-elle la bibliographie, et surtout l'illustration, qui est généralement soignée et qui comprend d'assez nombreux monuments inédits, dont quelques-uns sont de tout premier ordre. Je signalerai parmi les plus intéressants un mastos corinthien du musée d'Athènes (fig. 8, p. 14), un vase étrusque du Louvre (fig. 11, p. 18), un anneau d'or du même musée (fig. 16, p. 43), une curieuse urne peinte de Gizeh (fig. 20, p. 80), une terre cuite de Dali au Louvre (fig. 22, p. 91), un bronze archaïque de Rhodes au British Museum (fig. 26, p. 98), une intaille ionienne du même musée (fig. 28, p. 99), une sirène de bronze de la collection Mundy (fig. 33, p. 102), un vase figuré de Rhodes au British

1. Il s'agit d'une amphore du Cabinet des Médailles (174, pp. 80-82, fig. 5-6 de mon catalogue). Héraklès n'est sûrement pas représenté sur la face en question, donc il n'y a pas de raison pour qu'Athena soit figurée à ses côtés. J'ai supposé que Thésée luttait contre le taureau de Marathon, dont l'oiseau, comme de Witte l'a cru, peut très bien être l'âme.

Museum (fig. 34, p. 103), une importante cenochoé de même provenance, conservée au même musée (fig. 38-39, p. 107), une amphore ionienne de Bonn (fig. 46, p. 120), une terre cuite de Londres (fig. 47, p. 122), une autre de Heidelberg (fig. 52, p. 124), un abraxas de Dresde (fig. 55, p. 129), un alabastron du Louvre (fig. 65, p. 142), une pyxis de Bonn (fig. 66-67, p. 143), une amphore géométrique de Thera, où il n'est pas sûr qu'un oiseau ne soit pas représenté (fig. 6970, p. 143), une terre cuite béotienne de Bonn (fig. 73-74, p. 149), deux autres de même provenance au Musée du Louvre (fig. 75. 76, p. 150), une coupe attique du British Museum (fig. 81, p. 160), une amphore campanienne de Berlin (fig. 94, p. 189), une attache d'anse « étrusque » (fig. 95, p. 190), un fragment de vase arétin du Musée de Boston (fig. 102, p. 203). Il faudrait ajouter à ces monuments inédits, dont je n'ai cité que les principaux, des reproductions nouvelles d'œuvres déjà connues, telles que la sirène du Musée de Gizeh (fig. 91, p. 181). La diligence avec laquelle M. Weicker a réuni ces matériaux mérite toute la reconnaissance des archéologues.

A. DE RIDder.

U. von WILAMowitz-MöllenDORFF: Der Unterricht im Griechischen (Die Reform des höheren Schulwesens in Preussen, Halle s. S., 1902, pp. 157 et suiv.).

Un décret du 26 novembre 1900 a mis sur le même pied, en Prusse, le Gymnase, le Realgymnasium, et l'Oberrealschule. Cette innovation, et les remaniements de programmes qu'elle a entraînés, ont donné lieu à la publication d'un gros volume de 436 pages, composé d'articles de différents auteurs, et faisant, branche par branche, comme le commentaire historique de la réforme. M. de Wilamowitz s'est chargé du grec. Sa collaboration nous vaut une curieuse notice, où le régime auquel l'enseignement du grec doit son anémie, est finement analysé, et où ressortent d'une façon saisissante des constatations bonnes à faire connaître à tous et partout.

Je laisse de côté toute la première partie de l'article, qui nous montre les hésitations et les revirements de la règlementation officielle des études au siècle dernier, et j'aborde le passage capital, où M. de W. décrit et apprécie les « réalités » de l'enseignement du grec, entre 1800 et 1900.

D'abord, on n'avait pas vu que le gymnase est tout autre chose que l'université, et l'on y faisait faire trop de philologie. « Les éolismes et les dorismes étouffaient le bruit du combat des héros. » Les élèves voyaient fonctionner le van de la critique, mais le vanneur ne leur donnait pas à goûter les bons grains qu'il avait nettoyés.

Quelle grammaire donnait-on à étudier? Un arrangement moderne de règles et de divisions qui remontaient à la science alexandrine, mais qui s'étaient déformées en passant de manuel en manuel, depuis les professeurs de Rome et ceux de Byzance, jusqu'aux hellénistes du xvIe siècle. « Cette grammaire aurait fini par retrouver et suivre les traces de la bonne théorie antique, si la linguistique ne lui avait ouvert soudain de tout autres voies. »

En fait de syntaxe, on visait à enseigner le grec classique, quelque chose d'analogue au latin de Cicéron. Hérodote et Platon étaient heureusement tenus pour « classiques ». Sinon, la censure leur eût fait passer un bien mauvais quart d'heure. On cherchait dans les textes grecs cette rigueur logique de l'expression des pensées, que l'on trouvait dans les écrits des classiques romains, écrits élaborés d'après les prescriptions de la rhétorique. On voulait imposer au grec, bon gré mal gré, une syntaxe pareille à celle du latin, et l'on ne recuiait pas même devant la «< concordance des temps ». La correction logique paraissait être le apóteрov qússt, pour parler comme Aristote. Quant au langage vivant et primesautier, celui que fait venir sur les lèvres le libre mouvement des impressions et du sentiment, il semblait plein d'imperfections. On le ramena au type dit correct, en supposant des anacoluthes, des ellipses, etc. On obtint ainsi un grec qui était facile à apprendre à cause de sa régularité, mais qui n'était qu'une fiction. Dans l'explication des écrivains, on s'attachait surtout à voir jusqu'à quel point s'y retrouvait la correction grammaticale. Jetez un coup d'œil sur les notes du Thucydide de Krüger, vous aurez l'impression que l'historien a écrit pour donner à l'élève l'occasion de s'informer de ses hardiesses et de ses fautes en fait de syntaxe. Le purisme de cet enseignement fit exclure Arrien de l'école, et il respecta Xénophon. « Que l'élève lût le récit de l'exploration et de la conquête du monde par Alexandre, ou celui des maraudages d'un officier au service d'un condottiere, cela importait peu... C'est une des aberrations les plus étranges que de donner à lire du Xénophon, c'est-à-dire un dilettante borné, que Platon et Aristote n'ont pas jugé digne même d'un seul mot de réfutation, et d'en donner à lire infiniment plus qu'on ne le fait pour les maîtres qu'il a essayé d'imiter ».

Certes, cet enseignement grammatical était excellent pour former des philologues. Il leur donnait une connaissance sûre de la langue, et une grande facilité pour lire le grec. Certes aussi, l'action éducatrice formelle du latin était renforcée par là. Mais, tout aussi incontestablement, le contenu des textes était négligé. Savoir écrire en grec n'était plus un moyen, c'était une fin. Il était inévitable, avec ce système, que l'on vint se buter à une grosse objection : « Si le grec, lui aussi, ne donne qu'une éducation essentiellement formelle, à côté du latin, il est superflu. » Enfin cette façon de traiter la langue grecque impliquait une erreur. C'était admettre comme ayant une valeur

absolue, des formes qui n'étaient que le produit artificiel d'une longue culture et la phase finale de toute une évolution. C'était oublier que le langage vraiment vivant, celui qui part du cœur, doit être analysé non par la logique, mais par la psychologie. Disséquer une phrase de Platon de façon à la ramener à des applications de formules grammaticales, c'est comme si l'on prétendait que le langage se compose des lettres de l'alphabet. Ce à quoi le grec doit servir, c'est à montrer un progrès allant du langage libre et pour ainsi dire improvisé, à la phrase stylisée par les préceptes de l'école. La syntaxe grecque ne doit pas être enseignée parallèlement à celle du latin (procédé appliqué magistralement par Madvig, qui se demandait toujours jusqu'à quel point l'attique correct se soumettait aux catégories logiques, maîtresses souveraines de la grammaire latine: propositions finales, conditionnelles, consécutives, etc.); la syntaxe grecque doit faire contraste avec la syntaxe latine. Ce résultat s'obtiendra si, au lieu de procéder à coup de règles, on s'attache à expliquer et à interpréter avec souplesse et exactitude le langage naturel et spontané, celui qui n'a point subi la contrainte d'un code de syntaxe au moment où il s'exprimait.

Ici, M. de W. dit un mot de la version : elle ne doit servir qu'à faire constater si l'élève a compris le texte qu'il lit. Du moment que la version vise plus haut, qu'elle se fait artiste, qu'elle prétend produire un effet identique à celui de l'original, elle devient un exercice étranger à l'étude du grec, quelque parti d'ailleurs que puisse en tirer un maître intelligent pour instruire et intéresser. L'élève qui voit pourquoi ceci peut être traduit et pas cela, a appris bien plus que s'il s'est approprié une certaine habileté à exprimer approximativement dans un allemand passable le sens d'un texte grec.

M. de W. parle ensuite de la réaction qui a suivi tous ces excès. Depuis vingt ans, les abus de philologie ont cessé. On ne fait plus d'éditions savantes à l'usage des élèves. Il y a toute une collection de textes publiés de façon à leur épargner la fatigue de la préparation. La grammaire s'est simplifiée, elle a rejeté tout ce qui ne se rencontre pas dans les auteurs expliqués. Les lexiques se sont faits plus sobres, petits et peu coûteux : « rempart solide contre la lecture à domicile >>. Quel a été le résultat? La connaissance de la langue, et notamment celle de la grammaire manque aux jeunes gens à tel point qu'ils ne sont plus capables de lire du grec.

Après cet exposé plutôt navrant des dernières expériences faites par le gymnase, M. de Wilamowitz indique les tendances de la réforme de 1900-1901, qui est due en grande partie à son intervention. Il montre avec éloquence que la situation n'a rien de désespéré; que les modernes n'éprouvent d'horreur que pour le grec tel qu'il est enseigné; qu'ils sont pleins de sympathie, au contraire, pour l'Hellénisme que la science est occupée à découvrir, et que c'est cet Hellénisme qui

doit être évoqué dans l'éducation du gymnase. Mais l'espace me manque pour faire connaître ici les principes de la réforme. Peut être les extraits cités ci-dessus donneront-ils le goût de chercher ailleurs des renseignements sur un programme grandiose, qui ne restera pas un vain rêve, et qui déjà gagne de plus en plus d'adhérents. Il est en effet la mise en œuvre d'une idée féconde, et il a pour lui l'influence d'un esprit puissant, qui sait faire voir les choses de haut et de loin. J. BIDEZ.

Geschichte der rheinischen Staedtekultur von ihren Anfaengen bis zur Gegenwart, mit besondrer Berücksichtigung der Stadt Worms, von Heinrich Boos. Vierter Theil, Berlin, Stargardt, 1901, VIII, 741 p. in-4°, illustr.

Nous avons parlé précédemment ici des deux premiers volumes du grand ouvrage de M. H. Boos sur l'histoire de la civilisation dans les cités rhénanes et spécialement à Worms. Le troisième volume, qui raconte sans doute l'histoire du développement des forces matérielles et de l'influence politique de ces riches cités dans les derniers siècles du moyen âge, ne nous est malheureusement point parvenu. Le quatrième et dernier tome de ce splendide ouvrage, illustré par les gravures sur bois si originales de M. Joseph Sattler, embrasse l'histoire de Worms pendant les quatre siècles de l'histoire moderne; il débute par l'avènement de Jean de Dalberg à l'épiscopat, en 1482, et s'étend jusqu'à la proclamation du nouvel Empire allemand en 1871. C'est, en somme, le tableau de la décadence lente, mais irrémédiable; après les guerres contre les évêques, à la fin du xve et au début du xvre siècle, viennent les luttes contre François de Sickingen, la Réforme et la Contre-réformation sur les bords du Rhin, la guerre de Trente Ans, celles de la succession du Palatinat et de la succession d'Espagne, qui ruinent et dépeuplent la malheureuse cité et à un moment donné (1689) l'anéantissent presque tout entière sous les torches des soldats de Louis XIV. Si le xvII° siècle, dans son ensemble, est une période plutôt calme, les cités rhénanes, stagnantes désormais et comme éteintes, n'en profitent guère pour refleurir et l'ère de la Révolution, la Franzosenzeit, ne les tire d'abord de leur torpeur que pour les faire souffrir davantage. M. Boos raconte encore avec quelque détail l'arrivée des émigrés, l'invasion de 1792, les menées des commissaires de la Terreur, les exactions des agents du Directoire, l'ère napoléonienne. A vrai dire, son récit s'arrête avec le traité de Vienne et ses

1. Cf. Revue critique du 28 juin 1897 et du 25 avril 1898.

2. M. B. n'est pas très sympathique, naturellement, aux agissements de la Révolution sur les bords du Rhin. Il reconnaît néanmoins que les populations rhénanes seraient devenues d'aussi bons Français que les Alsaciens, si; la réunion avait duré un ou deux âges d'homme de plus.

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