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M. R. ne donne malheureusement aucun renvoi bibliographique sauf à quelques-unes de ses propres publications, et ne critique — au moins expressément et en le citant — aucun de ses prédécesseurs; quelques renvois n'auraient pas sensiblement allongé le livre et auraient rendu des services; par exemple, ce que dit M. R. de l'e muet ne dispense pas d'étudier l'article remarquable de M. M. Grammont dans les Mémoires de la Société de linguistique, VIII, 52 et suiv. D'autre part, quelques explications auraient parfois été utiles pour guider le lecteur; par exemple, p. 109, M. R. constate très justement que empoigner a conservé dans la conversation sa prononciation par o suivi de n mouillée, tandis que poignant se prononce avec wa; c'est que poignant est un mot à peu près exclusivement littéraire et que les Parisiens apprennent par les livres, tandis que empoigner est usuel. Il n'aurait sans doute pas été inutile d'indiquer à la même page que la forme aimâmes se prononce quand on lit à haute voix, mais n'existe pas dans la conversation. Au chapitre des liaisons, il aurait été bon de mettre à part les cas où s du pluriel d'un article, d'un démonstratif ou d'un possessif se lie avec un subjectif suivant commençant par voyelle; le z ainsi produit a pris une valeur morphologique, et c'est, à vrai dire, la seule marque du pluriel qui soit normale dans les substantifs français; ceci est si vrai qu'on en est venu à dire zenfants avec valeur de vocatif, sans aucun article. Il s'agit ici de grammaire plutôt que de prononciation. — Les vers français, classiques ou modernes, ne sauraient servir à enseigner la prononciation; car les règles de la versification ne répondent plus à la prononciation actuelle; personne assurément ne fait la liaison du t dans intérêt et principal, mais c'est fausser le vers que de ne pas la faire dans la fable de La Fontaine, comme il arrive dans l'exemple de la page 199. A. MEILLET.

Carlo PASCAL Professore nella R. Università di Catania. Fatti e Leggende di Roma antica. Firenze, successori Le Monnier, 1903, 219 p. in-8°.

Du même Studii Critici sul poema di Lucrezio. Roma-Milano. Società editrice Dante Alghieri di Albrighi, Segati et C.: 218 p. gr. in-8°. 5 L.

Pitt Press Series. T. Lucreti Cari. De rerum natura liber tertius edited with introduction, notes and index by J. D. DUFF, M. A. fellow of Trinity College, Cambridge, at the University Press, 1903, 111 p. petit in-12.

Y a-t-il au monde un latiniste qui publie plus ou même autant que M. Carlo Pascal, professeur à l'Université de Catane? La liste jointe au volume cité sur Lucrèce comprend bien une quarantaine de livres, articles ou éditions: c'est là quelque chose sans doute, surtout quand

1. Il est possible que j'aie mal compris quelques parties du premier ouvrage mentionné ci-dessus faute de connaître un livre précédent de M. P. auquel il se réfère Studii di antichità e mitologia, Milan, Hoepli, 1896.

l'auteur s'entend parfaitement à piquer l'attention: c'est le cas ici et M. P. l'a bien montré, il y a quelques années, par sa brochure, réimprimée et traduite en plusieurs langues, sur l'Incendie de Rome et les premiers chrétiens. On retrouvera dans le premier de nos volumes cet article sensationnel, muni de trois ou quatre appendices. C'est un sujet, que, pour cette fois, j'aime autant laisser reposer. Laissons donc cette partie des faits (Fatti); voyons ce qui concerne l'histoire primitive de Rome (Leggende), et aussi le résultat des études de M. P. sur Lucrèce.

On se doute bien d'avance de l'école à laquelle va se rattacher M. Pascal pour la critique de l'histoire des rois, il suit avant tout Schwegler remarquer combien l'influence de ce savant a été profonde et comme on reproduit sans fin ses arguments et ses vues; pour les essais de reconstitution, M. P. est évidemment un élève du professeur de Naples M. Ettore Pais, autant du moins que nous en pouvons juger car nous ne connaissons encore qu'insuffisamment sa doctrine, et nous n'avons toujours pas le volume complémentaire annoncé des Fasti ed Annali, Cuelti e Leggende dell' antichissima Roma; M. P. procède comme M. Pais; il a les mêmes audaces et je ne voudrais pas certes suivre entièrement l'un ou l'autre; mais on trouvera commode d'avoir ici sous la main des articles dispersés dans les Revues et de pouvoir regarder, du point de vue moderne, ces fameux récits de l'histoire de Tarpeia, des Sabines, des Horaces et des Curiaces, de Servius Tullius. Critique historique, linguistique, étude des monuments, toutes les ressources de la philologie sont réunies et employées pour tâcher d'éclaircir les noms et les faits, et il me semble que l'auteur très souvent n'y réussit pas trop mal. L'origine et le sens de Talassio (p. 12 et s.) est sûrement expliqué d'une façon neuve'. Je dois prévenir ceux qui tiennent aux traditions qu'en lisant plus d'une page, ils pourront être déçus que diront-ils en apprenant que dans le fameux combat, c'est les Horaces qui ont été vaincus, et que les Pila portaient leurs dépouilles; que le tigillum sororium n'était que le reste d'un autel dédié à Jupiter Tigillus, le dieu infernal auquel on consacrait les dépouilles des vaincus? Sororium serait ici le souvenir d'un autel voisin élevé à Juno Sororia: cela et le reste sera sûrement un peu dur à passer.

M. P. résout aussi à sa façon le problème de Servius Tullius : il représenterait l'élément latin, la tribu plébéienne forcée d'habiter l'Esquilin, qui finit par secouer le joug des Tarquins grâce à l'appui des Etrusques du Célius commandés par les frères Vibenna.

1. Rac. tāl, être fort, croitre, fleurir; cf. tak, jeune femme, et tλ0. Surtout rapprocher Festus, Talia, folliculum cepae; et Servius, G. ill, 136 expliquant genitali arvo par muliebri folliculo. La xteis avec le phallus cachés dans le calathus auraient servi de fascini.

Il y a forcément moins d'originalité dans les trois chapitres plutôt historiques sur les procès des Scipion, l'exil du premier Africain, l'assassinat du second Africain. Il peut même paraître quelque peu risqué, à l'un de nos contemporains, d'avoir repris, pour aboutir de même, un des sujets traités à fond par Mommsen dans ses Römische Forschungen.

Louons M. P. d'avoir reproduit loyalement toutes les critiques qui ont été adressées à ses articles sauf à donner sa réplique.

Le grec et les noms propres sont souvent déformés par des fautes d'impression. Je répète une fois de plus que Dubois-Guchan, cité ici coup sur coup (p. 198, etc.), a fait sur Tacite un gros livre qui très justement n'est plus lu chez nous et qui, pour toutes sortes de raisons, n'a véritablement aucune valeur.

Le petit index alphabétique est commode; mais on le voudrait plus complet.

L'exégèse de Lucrèce était jadis anglaise avec Munro; elle s'est faite italienne avec Giussani, et M. Pascal y joint son apport qui me parait très digne d'attention. Il avait jusqu'ici publié des notes séparées sur les livres I, etc. Les voici réunies, ce qui est plus commode et permet de mieux suivre les idées et la méthode de l'auteur 1.

L'originalité de ce nouveau travail consiste, ce me semble, dans les nombreux rapprochements avec les sources grecques : Aristote, les fragments d'Epicure, d'Héraclite, etc.; aussi dans l'effort pour suivre l'évolution des idées anciennes; montrer par exemple comment l'idée de la fin du monde passe d'Héraclite aux Stoïciens et par eux à Épicure. M. P. s'attache à distinguer ce qui, dans la doctrine épicurienne, a pu être modifié, par Épicure, mais qu'il avait emprunté à tel de ses prédécesseurs, par exemple à Aristote; aussi, et ceci n'est pas moins intéressant, il montre comment, dans la doctrine d'Épicure, se sont glissés, sous l'immuabilité apparente, des changements dont on retrouve la trace dans Lucrèce.

En ce qui concerne le texte, je goûte tout à fait les objections que fait M. P. à la méthode qui prétend résoudre par des transpositions de vers toutes les difficultés, comme si nous pouvions faire ce travail de réordination du poème, que les anciens eux-mêmes n'ont pas osé tenter. Le moindre risque à courir est celui de substituer nos visées logiques. à celles du poète. M. P. combat avec d'excellents raisonnements certaines transpositions de vers trop facilement adoptées par Brieger et Giussani (ainsi p. 9 et s. celle de I, 205-207). Les résultats parfaitement contradictoires auxquels sont arrivés les savants qui ont soumis le poème à de tels essais, ne justifient que trop notre défiance.

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1. Mais pourquoi n'avoir pas donné un index dans l'ordre des vers du De Natura? Il n'aurait pas été non plus inutile de joindre à la liste des éditions et des sources (p. vi celle des travaux cités ou visés, coup sur coup, dans le livre.

En ce qui regarde le commentaire, on sera chez nous quelque peu étonné des duretés qu'on trouvera ici à l'adresse de Giussani (p. 60 au bas). Nul n'est prophète...

Notons encore dans la préface le passage où M. P. remarque qu'encore aujourd'hui la poésie de Lucrèce a « tout son effet et sa vigueur »; qu'elle nous amène à étudier dans son fond sérieux et élevé la doctrine épicurienne et qu'il jaillit encore du poème devant notre intelligence une lumière toujours vive. Mêmes fautes d'impression que dans l'autre volume.

M. Duff nous est connu par deux éditions de la même collection; un Juvénal que j'ai signalé autrefois ', et un livre V de Lucrèce que je ne connais pas. M. D. signale les derniers travaux sur Lucrèce (Heinze et Giussani) qu'il estime à leur prix et qu'il a soigneusement utilisés. Les notes critiques au bas des pages ne constituent pas un apparat critique, mais indiquent simplement les divergences avec le texte de Munro (sauf celles qui ne concernent que l'orthographe et la ponctuation); en tout 47, si j'ai bien compté. Pour la seule correction proposée par M. D. (sur le 544 per artus au lieu de per auras), voir les objections ingénieuses de M. G. Birdwood, Athenaeum, n° 3937, p. 466.

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Émile THOMAS.

Histoire de Belgique, par H. PIRENNE, professeur à l'Université de Gand. II. Du commencement du xive siècle à la mort de Charles le Téméraire. Bruxelles, Lammertin, 1903. In-8°, 470 p. avec une carte.

On retrouve dans ce deuxième volume, consacré à la Belgique au xive et au XVe siècles, les qualités qu'offrait le tome premier. L'auteur est maître de son sujet; il l'ordonne clairement; il le traite avec savoir et habileté. Grâce à de patientes recherches dans les archives, il mêle des faits nouveaux aux faits déjà connus (notamment en ce qui concerne l'industrie drapière dans la Flandre du xive siècle). Grâce à la sagacité de son esprit, à la finesse de sa critique, à la sûreté de sa méthode, il expose on ne peut mieux les causes et les conséquences des événements. Il explique par la situation des villes pourquoi l'établissement d'un modus vivendi contractuel entre le prince et ses sujets a été inutile dans le Hainaut et impossible en Flandre: l'équilibre s'est établi en Hainaut entre les trois ordres; en Flandre, les villes avaient une prépondérance trop marquée pour partager le pouvoir avec la noblesse et le clergé. Il fait voir comment la politique d'Artevelde a été inspirée par le désir de donner à Gand avec l'aide de l'Angleterre l'hégémonie de la Flandre et de lui assurer parmi les autres

1. Voir la Revue de 1899, I, p. 283.

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villes une place analogue à celle que Berne aura plus tard parmi les cantons suisses; comment la politique de Louis de Male — qui a été, non pas, comme on l'a cru, un insouciant et un débauché, mais un esprit pratique et adroit, tout l'opposé de son loyal et chevaleresque père, Louis de Nevers lui fut dictée par l'intelligence parfaite des conditions qui s'imposaient en Flandre à l'exercice du gouvernement; comment la politique des ducs de Bourgogne fut aidée, sauf à Liège et à Gueldre, par le sentiment public.

Certains chapitres, comme ceux qui sont intitulés Le soulèvement de la Flandre maritime, La guerre de Cent Ans, Les nouvelles dynasties, intéresseront le lecteur français qui y trouvera le récit de la lutte de Philippe de Valois contre les grandes communes flamandes, de la dictature d'Artevelde, du destin de Louis de Male chassé parce qu'il s'allie à la haute bourgeoisie et empiète sur les franchises urbaines, ramené par le duc de Bourgogne qui doit prochainement recueillir sa succession.

Une des parties les plus curieuses et les plus vivantes, les plus brillantes du volume est celle qui traite des ducs de Bourgogne, de cette dynastie qui unit les diverses principautés, de cette maison française qui arrache les Pays-Bas à la France. Successivement passent devant nos yeux Philippe le Hardi, bon français après tout et toujours Valois, ennemi acharné de l'Angleterre, ne pensant d'ailleurs qu'à donner à ses descendants le premier rang en France, étranger aux Pays-Bas, mais sachant par sa modération se concilier les vaincus de Roosebecque; Jean sans Peur, Bourguignon et non plus Valois, retiré dans les Pays-Bas comme dans une forteresse et prenant pour devise les deux mots flamands ik hou « je tiens »; Philippe le Bon, le « grand duc d'Occident », allié à l'Angleterre, puis se retournant vers la France pour obtenir au traité d'Arras la reconnaissance de sa souveraineté, le conditor Belgii, comme le nomme Juste Lipse, qui crée en quinze ans un État nouveau, le « bon duc » qui se rend populaire et qui donne aux Pays-Bas une telle prospérité que Commines les compare au paradis terrestre; Charles le Téméraire, orgueilleux, obstiné, absolu, usant pour gouverner de violence et de terreur, commettant envers les Liégeois une « barbarie inutile », et dans l'aveuglement de sa puissance entreprenant une politique de conquête qui le ruine et le perd. Notons en passant que M. Pirenne met à part la narration des guerres liégeoises. Il retrace ainsi d'une seule teneur et avec une plus saisissante clarté l'histoire si compliquée et si pleine de la principauté de Liège, de ce Liège devenue une ville de charbonniers et d'armuriers, et de ces cités de la vallée de la Meuse qui résistent à la maison de Bourgogne pour sauver leurs franchises et ne veulent vivre que « sous l'autorité illusoire d'un prince impuissant. »

Ce qu'on devra louer encore chez l'auteur, c'est la part considérable et méritée qu'il fait aux rapports entre les pays et les princes, ceux-ci

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