網頁圖片
PDF
ePub 版

nologie et morcèle ses chapitres en notices sans cohérence : par exemple le traité brésilien s'intercale (p. 224) en pleine affaire du Tonkin; la question religieuse est amorcée au chapitre VII (vicariat du Kansou) reprise et développée aux chapitres xxvIII et suivants.

On surprend trop rarement l'opinion de l'auteur; on regrette d'autant plus cette modestie que les jugements de M. C. sont à la fois objectifs et dûment motivés.

M. C. insinue que la France pécha peut-être par imprudence ou par excès de générosité en préservant la Chine et la Russie d'une guerre à propos de l'affaire de Kuldja. « A son humble avis » (p. 212) les troupes russes étaient insuffisantes contre les forces chinoises, et celles-ci, demeurées intactes, ont pu se jeter sur le Tonkin.

[ocr errors]

que des

Dans l'histoire du Tonkin M. C. ne craint pas de signaler les erreurs de conduite imputables soit à nos diplomates, soit à nos militaires. Il constate et c'est un avertissement digne d'être médité malentendus et des conflits sont nés de fausses traductions ou interprétations de documents (p. 456); croirait-on que dans les traités le nom de Tonkin signifie pour les Chinois la ville de Hanoi (Cour de Est), pour les Français le pays entier? De même les termes du traité Fournier (traité de Tientsin du 11 mai 1884) furent différemment compris de part et d'autre. Mais le tort principal consiste à faire dégénérer la question tonkinoise en question chinoise : la responsabilité de ce faux pas retombe sur M. Bourée. M. C. qualifie très sévèrement ce ministre (p. 380) et justifie la disgrâce dont il fut l'objet. Il est déplorable que son successeur, M. Tricou, n'ait point gardé la direction. des événements en Extrême-Orient : ses dépêches montrent avec quelle clairvoyance il appréciait l'état réel de l'Empire chinois dont le gouvernement français s'était singulièrement exagéré la puissance (p. 396). A propos du Protectorat religieux, M. C. maintient avec fermeté ce qu'on peut appeler la tradition nationale. Il ne discute pas l'utilité et le prestige de l'institution; il estime qu'il faut à la chinoise sauver la face. Mais ce qui se dégage des documents eux-mêmes, c'est que le Protectorat français est battu en brèche non seulement par les autres nations dont les griefs sont bien fondés, mais par le Saint-Siège luimême et par les protégés surtout. En 1878, Léon XIII crée un vicariat apostolique au Kan-sou en négligeant de prévenir le représentant de la France à Pékin (p. 137 s.). En 1885, l'envoi spontané d'un nonce à Pékin, avec une lettre du Saint-Père à l'Empereur de la Chine, provoqua des menées contre le protectorat religieux de la France et une négociation directe entre la Chine et la Curie par l'intermédiaire d'un aventurier anglais (p. 597 sq.). Enfin, dans l'épisode du déplacement de la cathédrale de l'Est ou Pé tang le procureur des lazaristes, l'abbé Favier, « avec une rare désinvolture » signe une convention pour céder cet emplacement. « On peut s'étonner, écrit M. C. (p. 615) que ce missionnaire que ne recommandaient ni ses grandes vertus

personnelles, encore moins sa science, dont les qualités étaient celles non d'un prêtre, mais d'un homme d'affaires retors, ait été accepté plus tard par notre gouvernement comme évêque de Pé-king; procureur fort bien, vicaire apostolique, point. » Les peu honorables incidents qui ont suivi la prise de Pékin par les Alliés ont remis en vedette le nom de Mgr Favier.

L'on trouvera ainsi, en parcourant ce gros volume, souvent dissimulées entre des pièces documentaires, quelques notes personnelles ou des portraits de diplomates européens et chinois (La España p. 12 s., Li Foung-Pao p. 136, Tchang Tchi T'oung p. 157, etc.) sans parler du curriculum vitæ des agents de premier et second ordre qui ont figuré peu ou prou dans ces épisodes'.

Le troisième volume, l'Empereur Kouang-Siu, 2o partie, 1888-1902 (598 p.), est composé sur le même plan que ses deux aînés. Il termine l'ouvrage par un copieux index alphabétique de 36 pages.

B. A.

Maurice COURANT. En Chine. Mœurs et institutions. Hommes et faits (Biblioth. d'Hist. Contemp. Paris, Alcan 1901, 11-275 p.)

En attendant que la Chine daigne spontanément se révéler ellemême, de rares Européens ont su, selon l'expression de M.Courant, «< se faire une éducation complète, une âme d'Asiatique », pour pénétrer les habitudes et les pensées du monde chinois. M. C. qui a séjourné dans le pays, qui en possède la langue, qui la professe, ne s'amuse pas à noter les traits de moeurs singuliers qui étonnent les globe-trotters passagers ou les apprentis diplomates. Il s'attache aux formes de la vie sociale: les chapitres qu'il consacre à cette étude : Les commerçants et les corporations, les Associations, la Femme dans la famille et dans la Société, le Théâtre, sont les plus substantiels de son livre.

L'on ne peut dire qu'il y ait en Chine une vie publique au sens que nous l'entendons chez nous, mais la vie sociale y est intense. La communauté est l'organisme essentiel et primordial de la Chine: famille, clan quasi féodal, qui subsiste encore, loin du pouvoir central; commune florissante surtout dans le Nord, corporation. Le Chinois naît mutualiste et syndiqué. Ces institutions, ces groupes, dont la solidarité est le moteur, ne s'enchaînent pas avec toute la plasticité désirable dans le cadre de l'État, d'où des conflits avec la loi et l'autorité, dont M. C. signale un curieux exemple: c'est le ti-pao, l'agent de l'admi

1. P. 160. Brandt, min. de Chine. P. 291. Le Myre de Vilers, licencié (?). P. 341, lire obscurcies au lieu de observées. P. 552. carrière de Cogordan arrêtée en 1886.

nistration en face du self-governement local. Cette société chinoise qui apparaît comme immuable et fixée est étrangement inquiète.

L'élément stable par excellence, la monade sociale, est la famille, et dans la famille, la femme. La fonction de la femme est uniquement familiale, si bien que son nom pour le monde est celui même de sa fonction, sœur, bru, etc. M. C. décrit la condition des femmes de toutes classes, depuis celles dont on déforme le pied M. C. ne trouve pas la raison de cet usage — jusqu'à celles qu'on vend pour les bateaux de fleurs. On dirait, d'après les détails et anecdotes sur l'éducation, le mariage, le ménage, qu'il a reçu confidence des secrets du gygnécée.

Il est un monde en marge de la société et qui, au dire de M. C., représente ce qu'on appelle « le monde » chez nous c'est celui du théâtre. Si acteurs et amateurs forment une élite - une élite de déclassés ou de bohèmes — le théâtre lui-même ne semble pas refléter les conceptions morales et sociales du peuple chinois, il s'est atrophié depuis la chute de la dynastie mongole; il ne s'est point incorporé à la civilisation confucianiste qui l'a précédé d'un millier d'années; il est en revanche un divertissement des plus goûtés et que les familles les plus orthodoxes s'offrent à huis clos.

Après la question sociale, M. C. aborde la politique d'actualité, le Coup d'Etat réformiste de 1898, la situation dans le Nord en 1900, Étrangers et Chinois, tous sujets rebattus par les publicistes. Le récit des événements importe moins que l'opinion d'un observateur aussi informé que M. C. M. C. reconnaît (p. 190) la tolérance des Chinois; mais il confesse aussi que l'idéal chrétien, du jour où il est apparu dans sa sincérité et son intransigeance, répugne absolument à l'âme chinoise. Les Jésuites avaient respecté les rites et y avaient assimilé le christianisme; les Dominicains, moins souples, mais plus catholiques, gâtèrent cet heureux compromis, ce que déplore M. Courant. Aussi que propose-t-il? Pour modifier l'esprit chinois, si cela est possible, il n'y a que l'éducation, l'œuvre des Jésuites du xvIIe siècle reprise et transformée par les missionnaires contemporains (p. 245). C'est de l'œuvre des missions, écoles, hôpitaux, etc., que M. C. attend

et son chapitre final n'est que le développement de cette thèse -la rénovation de la Chine et subsidiairement le progrès de l'influence française qui se confond bon gré mal gré avec la propagande catholique. Conclusion étroite et qui rendrait platonique l'enseignement de M. C. à l'Université et près la Chambre de commerce de Lyon.

B. AUERBACH.

I. Ludovic LEGRÉ, L'indigénat en Provence du Styrax officinal. Pierre Pena et Fabri de Peiresc. Marscille, 1901, in-8°, 23 pages.

II. Ludovic LEGRÉ. La botanique en Provence au XVI siècle. Louis Anguillara, Pierre Belon, Charles de l'Escluse, Antoine Constantin. Marseille, 1901, in-8°, 195 pages.

Depuis l'époque de la Renaissance, la Provence a compté de nombreux botanistes indigènes et a été visitée par des botanistes étrangers non moins nombreux; la richesse de sa flore, à la fois alpestre et méditerraéenne, explique les vocations qui sont nées sur cette terre bénie, et elle fait comprendre, en même temps que sa situation géographique, les explorations que tant de savants y sont venus faire des pays les plus éloignés. Et cependant personne jusqu'ici n'avait essayé de faire connaître les botanistes, qui sont nés dans cette province, durant les trois derniers siècles, ou qui y sont venus étudier les plantes indigènes. M. Ludovic Legré a eu la pensée généreuse et patriotique de réparer cet oubli vraiment inexplicable, et depuis plusieurs années il a entrepris de faire l'histoire des savants qui ont successivement étudié la flore provençale. Il a débuté par une étude excellente : Pierre Pena et Mathias de Lobel, à laquelle sont venues rapidement s'en ajouter d'autres, quelques-unes fort importantes. Des deux publications que j'annonce aujourd'hui, la seconde offre également un intérêt considérable.

I. La question de l'indigénat en Provence du Styrax officinal a-telle été soulevée, en 1896, par la publication de la brochure de M. Tamizey de Larroque : Deux jardiniers émérites? J'avoue que je ne l'aurais pas soupçonné, et en l'affirmant, M. L. L. me semble avoir accordé une importance qu'il n'avait pas à un simple article de journal. Il y a plus; en dépit de la citation qu'il a faite, dans une note, d'une assertion aventurée de Feuillet de Conches, je ne pense pas que Tamizey de Larroque ait jamais cru qu'à Peiresc revenait l'honneur d'avoir acclimaté en France le styrax officinal ou aliboufier. Il connaissait trop bien le passage où Gassendi dit expressément que le styrax se trouve auprès de Beaugentier. Il savait non moins bien que,

1. Voici le titre des principales publications de M. L. L. :

1o La Botanique en Provence: Pierre Pena et Mathias de Lobel. 1899, in-8°.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

50 Un botaniste flamand au xvIe siècle : Valerand Dourez. 1900, in-8.

6° Notice sur le botaniste provençal Jean Saurin de Colmars, 1647-1724. 1899, in-8.

7° La Botanique en Provence au XVIe siècle Pierre Forskal et la Florula Estaciensis. 1900, in-8°.

80 La Botanique en Provence: Le frère Gabriel, capucin. 1900, in-8°.

dans une lettre du 25 février 1604, Peiresc dit à de l'Escluse qu'il voulait «< tascher de s'esclairer entièrement du styrax, lequel à ce qu'en escrit M. Pena croist en ce pays ». Il n'ignorait pas davantage que, dans une autre lettre du 15 février 1605, le grand érudit provençal invitait le botaniste néerlandais à venir à Beaugentier, où il voulait << lui faire remarquer... le styrax qui y croist en grande abondance ». Si Tamizey de Larroque avait, par impossible, pu oublier ces lettres qu'il avait copiées depuis longtemps, elles lui seraient revenues en mémoire, quand il en entendit citer ces passages dans une conférence sur Peiresc, faite devant lui et revue par lui en 1894 ', Il savait également que le « Styrax de M. Pena (ou) aliboufier » figurait dans la liste des « plantes trouvées par Peiresc, sur le terroir de Beaugentier » et envoyées par lui à de l'Escluse, liste publiée en 1895, dans la Revue des langues romanes. Il n'est donc pas admissible qu'il ait pu ignorer en 1896, que le Styrax était indigène en Provence, et c'est par pure inadvertance qu'il a paru accepter l'erreur commise par Feuillet de Conches. J'ajouterai que l'indigénat du Styrax en Provence n'a jamais été mis en doute par quiconque a eu la moindre connaissance de la flore de cette province, puisque cet arbuste figure depuis trois siècles dans tous les ouvrages qui lui ont été consacrés. La question que M. L. L. a prétendu résoudre n'existe donc pas ; mais cela ne veut pas dire que sa brochure soit inutile; elle se lit non sans profit et il l'a enrichie de notes instructives. J'ajouterai qu'elle jette un jour nouveau sur un des épisodes les plus curieux des rapports de Peiresc avec de l'Escluse.

3

II. Il n'y a rien de superflu dans la seconde des deux publications de M. L. L., et les amis de l'histoire de la Botanique en liront toutes les parties avec un véritable intérêt. Elle se compose de quatre études différentes, dont les trois premières se rapportent à des botanistes étrangers à la Provence: Louis Anguillara, Pierre Belon et Charles

1. Fabri de Peiresc, humaniste, archéologue, naturaliste. Aix, in-8°. Qu'il me soit permis de profiter de l'occasion pour corriger une faute qui a passé du ms. de la Méjanes dans mon étude. P. 61, au lieu des «< Maximiens» il faut « mariniers ». A la note 1 de la p. 62, il faut aussi 1605, non 1603.

[ocr errors]

2. L'erreur singulière de Feuillet de Conches vient de Requier (Vie de NicolasClaude Peiresc, p. 244), qui fait importer par Peiresc, outre le Styrax, le lentisque, autre arbuste de la flore provençale.

3. On pourrait admettre à la rigueur que le Styrax officinale, arbuste de la région méditerraéenne orientale, a été importé par les Arabes en Provence; mais ce ne peut-être là qu'une hypothèse, qui n'a rien à voir avec Peiresc.

4. Dans la note 2 de la page 6, par exemple, M. L. L. citant l'art. de Aliboufier du Dictionnaire général de la langue française (arbre de Java qui produit le benjoin », demande avec raison »> pourquoi les auteurs du Dictionnaire n'ont pas mentionné de préférence le St. officinale ; j'ajouterai qu'ils n'auraient dû mentionner que celui-ci, et l'erreur est d'autant moins explicable que Littré avait défini l'Aliboufier « nom vulgaire du Styrax officinal », et s'était bien gardé d'attribuer ce vocable à d'autres espèces du Styrax.

« 上一頁繼續 »