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l'ordinaire tête de monstre que les Cambodgiens nomment Rahu et où nous croyons reconnaître une déformation de Garuda; le tympan renferme le même sujet sous une arcade ondulée deux fois répétée. Cette porte donne accès à un vestibule constitué par un retour à angle droit du mur de façade.

La galerie prend jour sur l'avenue par dix fenêtres carrées à balustres, cinq de chaque côté de la porte. Le mur opposé est aveugle: il semble qu'on ait voulu dérober aux regards la cour intérieure, qui était peut-être un jardin de plaisance réservé aux femmes du harem.

Aux deux bouts de la galerie, un escalier de trois marches descend dans une petite pièce en contre-bas (C, D), ayant deux fenêtres au Nord et, sur le côté opposé, une porte qui fait face à la porte d'entrée de la galerie postérieure. Chacune de ces deux chambres est séparée de la galerie principale par un mur de refend, indiquant la direction d'un toit à double rampant; le mur extérieur des petits côtés est amorti en pignon et décoré d'une fausse porte avec tympan sculpté de même sujet que celui de la porte d'entrée.

La galerie est construite entièrement en grès. Les blocs sont de dimensions variées, mais n'ont pas été employés au hasard; les plus larges ont été réservés aux angles saillants; ceux des angles rentrants sont taillés en équerre et chevauchent sur les deux côtés de l'angle, de sorte que jamais un joint ne se trouve à l'encoignure. Par contre, ici pas plus qu'ailleurs, les constructeurs ne se sont préoccupés d'éviter la continuité des joints verticaux; mais l'appareil est si bien lié que les petites lézardes qui se sont produites par endroits n'ont pas compromis la solidité des murs.

La galerie que nous venons de décrire est le côté Nord d'un quadrilatère, dont la galerie postérieure E forme les trois autres ; les deux galeries sont coupées, en F et G, par un étroit passage sur lequel s'ouvrent deux portes opposées. La galerie E a une autre porte au milieu de la face Sud, avec un escalier très simple (1).

A l'O. du palais, en H, est un petit batiment de trois pièces éclairées chacune sur la face Est par une fenêtre à balustres. Aux deux extrémités Nord et Sud est une petite terrasse; l'entrée principale est au Sud.

Au sortir de l'esplanade, on pénètre dans une avenue, dont l'entrée, autrefois gardée par deux lions, n'en a conservé qu'un. De chaque côté de l'avenue règnent un petit mur en limonite et une rangée de colonnettes coiffées d'une pyramide à arêtes curvilignes (2). Puis une succession d'escaliers et de chaussées dallées, qui se prolongent de chaque côté en terrasses, conduit à une grande plate-forme I entourée d'une balustrade de pierre. L'escalier, dont l'entrée est ici gardée par des lions et des nagas, reprend l'ascension de la pente et s'élève

(1) Cette porte a été omise sur le plan.

(2) Voir le dessin d'une de ces colonettes dans le Voyage d'exploration en Indo-Chine, 1, p. 187.

par une succession de sept paliers jusqu'au plateau supérieur. Au milieu de chaque palier se remarque un socle creusé d'une mortaise.

L'escalier débouche sur le plateau en face d'un édifice en pierres et briques, d'une forme très particulière (K). Il est partagé par des colonnes carrées en une nef et deux bas-côtés, avec un transept au milieu, et comprend trois salles en enfilade (1). On passe de l'extérieur à l'intérieur et d'une salle à l'autre par trois portes. Aux deux extrémités des bras du transept est un petit vestibule d'un mètre de large entre deux portes.

La façade présente un vestibule en saillie dont la porte est encadrée de piedsdroits formés d'une colonnette octogonale et d'un pilastre à feuillages, au pied duquel est une figure en prière; les sculptures du linteau et du tympan ont disparu, mais le mur extérieur est décoré de deux gracieuses figures de femmes, debout, le buste nu, sous une arcade, et dont l'une peigne sa chevelure.

Les deux portes latérales, en retrait sur le vestibule, ont pour encadrement : un linteau sculpté surmonté d'une frise de feuilles et de boutons; du côté intérieur, trois moulures rectangulaires qui forment la transition du plan transversal de la façade au plan longitudinal du vestibule; du côté extérieur, un pilastre orné de feuillages, au milieu desquels, sous une arcade, est un dvārapāla porte-massue, à figure avenante, nullement démoniaque. Chacun de ces pilastres supporte la tête d'un naga, dont le corps se relève vers le centre de l'édifice, de manière à laisser entre lui et la frise un caisson triangulaire, où s'inscrivent deux sujets différents: à gauche, Çiva tenant un rosaire, entouré d'adorateurs; à droite, un singe volant qui paraît lutter contre des personnages armés de massues (2).

La porte principale est la seule qui ait perdu son linteau sculpté; toutes les autres l'ont conservé intact: il n'y en a pas moins de douze. La plupart de ces linteaux exhibent la classique tête de monstre, mais avec une certaine recherche de la variété tantôt cette bête dévore des rinceaux de feuillage, au lieu des nãgas qui sont sa pâture habituelle ; tantôt elle tient des lions par la queue; ici elle porte Vişņu armé de sa massue, là un dieu barbu tenant un rosaire, qui paraît être Çiva ascète; ailleurs trois têtes humaines à coiffure cylindrique dans une auréole de flammes. Les linteaux de la façade sont d'une exécution particulièrement soignée sur l'un se voit Garuda portant Vişņu: il a une tête et des pieds d'oiseau, un corps et des bras humains, entre lesquels il étreint des nagas; sur l'autre, un personnage coiffé d'un bonnet à triple pointe danse légèrement au milieu des feuillages, au-dessus des têtes des nagas (Çiva dansant le tāṇḍava?). Un des linteaux intérieurs montre Indra, le vajra en main, assis sur un éléphant

(1) Voir le reproduction de la salle centrale dans le Voyage d'exploration, I, p. 191. La quatrième salle que l'on voit sur le plan au fond du bâtiment est une addition très postérieure au reste de la construction; la porte qui y donne accès, faite de blocs grossièrement taillés, n'existait probablement pas non plus dans le plan primitif.

(2) On pourrait y voir la lutte de Hanumat contre les Rākṣasas; mais les adversaires du singe n'ont rien de démoniaque.

à trois têtes, dont deux rats assis semblent caresser les trompes. Signalons encore un groupe singulier au-dessus de la porte intérieure du transept Sud (1): c'est un personnage à coiffure conique, à cheval sur un autre, dont le corps, audessus de la ceinture, paraît se diviser en deux troncs que le premier écarte violemment l'un de l'autre ; bien que les deux bustes soient représentés entiers, il est probable que le corps est écartelé. On songe tout naturellement à une représentation de Narasimha : mais aucun des traits caractéristique de la scène ne se retrouve ici.

Ce curieux édifice a toujours été considéré comme un sanctuaire, et cette destination est probable en effet; toutefois il est prudent de ne donner cette conclusion que sous réserve de ce que peut apporter de nouveau une étude comparative du plan des édifices cambodgiens.

A gauche du monument principal est un petit bâtiment carré L, également construit en pierres et briques, dont la porte, ouverte à l'Ouest, est encadrée d'un chambranle de moulures droites et accostée des pieds-droits ordinaires (colonnette et pilastre). Sur la face Est se détache une fausse porte figurant deux vantaux garnis de moulures en forme de rectangles concentriques, et réunis par une rangée de cubes ornés d'une fleur de lotus.

Un peu au-dessus du plateau sont sculptées dans le rocher les images des trois dieux de la Trimurti: au centre, Çiva Pañcānana, tenant d'une main un rosaire, de l'autre un long manche dont le bout manque (probablement un trident), et pourvu en outre de huit petits bras sans attributs; à sa droite se tient Brahmă Caturmukha, à quatre mains, dont deux sont jointes et deux tiennent un rosaire et un bouton de lotus; à sa gauche est Visņu Caturbhuja tenant le disque, la conque, la massue et un objet sphérique.

On arrive enfin à une dernière galerie adossée à la paroi de rochers, où s'ouvrent deux grottes basses que la dévotion des moines a peuplées de statues du Buddha. Sur le rocher lui-même est un Buddhapada doré.

Du haut de cette terrasse, on peut facilement imaginer la beauté passée de cette magnifique résidence, quand la vue en embrassait toutes les parties se déroulant harmonieusement de la montagne à la plaine: d'abord les petits temples aux élégantes sculptures, puis l'immense escalier coupé de larges terrasses, l'esplanade avec ses deux palais, le grand bassin, le parc, la forêt et à l'horizon le cours majestueux du Grand Fleuve.

Vat Phou a subi les injures du temps, mais la construction en était solide et a en somme bien résisté. Il n'est pas impossible et il est à désirer que des soins intelligents restituent à cette noble ruine quelque chose de son imposant aspect d'autrefois.

L. FINOT.

(1) Voir la reproduction dans le Voyage d'exploration, I. p. 186.

NOTES CHINOISES SUR L'INDE

PAR M. SYLVAIN LÉVI

Professeur au Collège de France

I

L'ÉCRITURE KHAROŞTRI ET SON BERCEAU

La liste des 64 écritures insérée dans le Lalitavistara avait fait connaitre de bonne heure aux indianistes le nom de l'écriture kharoşthĩ ou kharoṣṭrī, qui s'y trouve mentionnée au second rang, immédiatement après l'écriture brahmi ; mais il était impossible d'attacher à cette désignation traditionnelle la moindre notion réelle. En 1886, M. Terrien de Lacouperie (1) signala un passage du Fa-yuan-tchou-lin qui opposait la kharoşthi ( stri), comme une écriture tracée de droite à gauche, à l'écriture brahmi tracée de gauche à droite. Sur la foi de cette indication, les savants appliquèrent la désignation d'écriture kharoṣṭhi à l'alphabet « employé dans le Gandhara du me siècle avant l'ère chrétienne jusqu'au me après cette ère ». Le choix des spécialistes hésita d'abord entre les deux formes attestées: kharoștri et kharoşthi. Bühler, qui avait patronné et popularisé ce nom, finit par se décider en faveur de kharoṣṭhi; sanctionné et consacré par le Manuel de Paléographie indienne, le nom de kharosthi a chance de s'imposer désormais pour longtemps à nos études.

L'interprétation traditionnelle, préservée par les compilations et les commentaires chinois, semblait justifier cette préférence: kharosthi y est toujours traduit par « lèvre d'âne » (sanscrit khara-ostha, kharostha). A l'appui de cette étymologie, la tradition chinoise rapporte l'invention de la kharoşţhĩ à un rși du nom de Kharoştha, nom peu flatteur sans doute, mais qui n'était pas entièrement dépourvu d'analogies dans la nomenclature des saints (). D'autre part le nom de Kharoştra avait suggéré aux savants européens d'ingénieux rapprochements, en particulier avec Zardusht, Zaratushtra (3).

Une autre information, également d'origine chinoise, semble ouvrir aux hypothèses sur l'origine du nom de la kharoşțhī une direction nouvelle. Elle est indépendante de la tradition des écoles du Siddham, où l'on étudiait les caractères sanscrits en vue de leur valeur mystique; elle se présente comme un fait

(1) Babylonian and Oriental Record, 1, 59.

(2) Bühler, Wiener Zeitschr. f. d. Kunde des Morg. Ix, 66. (3) Cf. Weber, Ind. Streifen, 11, 8-9,

indifférent ou du moins isolé, sans servir de support à aucune spéculation; elle offre ainsi à la critique une garantie sérieuse de loyauté et d'exactitude.

Je l'emprunte au Sin-yi Ta-fang-kouang Fo-houa-yen-king yin-yi, de Houeiyuan. Cet ouvrage est un des textes heureusement préservés par la collection de Corée et que l'excellente édition japonaise du Tripitaka met désormais au service de la science. L'auteur, Houei-yuan, vivait sous la dynastie des T'ang, d'après l'indication du catalogue. Le Dictionnaire biographique des moines célèbres, que j'ai rapporté du Japon, le confond avec le prêtre Iliuan-yuan, appelé aussi Fa-yuan et Houei-yuan, et dont la biographie se trouve au Siu-kao-seng-tchouan, ch. XXVIII; mais ce prêtre florissait dans la période tcheng-kouan (627-649), et il habitait le monastère du P'ou-kouang, tandis que l'auteur de notre Yin-yi résidait au monastère de Tsing-fa; en outre, l'Yin-yi est, comme son titre complet l'annonce, une explication des mots difficiles de « la nouvelle traduction de l'Avatamsakasutra » exécutée par Çikṣānanda en 695-699. L'ouvrage ne peut donc pas être antérieur au VIIIe siècle.

Dans le 45o chapitre (1) de la nouvelle traduction de l'Avatamsaka (éd. jap. I, fasc. 3, p. 22 b), qui correspond au 29° chapitre (éd. jap. I, fasc. 8, p. 46 b) de l'ancienne traduction due au moine indien Buddhabhadra, de la famille des Çakyas (entre 399 et 421), le Buddha énumère les localités prédestinées à servir perpétuellement de séjour aux Bodhisattvas, et les Bodhisattvas attachés perpétuellement à chacune de ces localités pour y prêcher la loi aux créatures.

La liste s'ouvre par une série de montagnes fantaisistes situées aux points cardinaux, aux points intermédiaires et aussi dans la mer; puis vient le tour du monde réel.

Au sud de Pi-che-li (Vaiçālī) il y a un lieu nommé Bon-séjour (Susthāna ?); de toute antiquité les Bodhisattvas y résident.

Dans la ville de Pa-lien-fou (Pațaliputra) il y a un lieu nommé le Seng-kia-lan de la Lampe d'or (Suvarna-dipa-samghārāma); de toute antiquité etc...

Dans la ville de Mo-l'ou-lo (Mathura; Buddhabhadra écrit Mo-yu-lo: Mayura) il y a un lieu nommé la Grotte de la plénitude (Man-tsou-k'ou; Buddhabhadra dit: « le mérite de l'entretien qui fait croitre », Tch'ang-yang-kong-lö); de toute... etc...

Dans la ville de Kiu-tchen-na (Buddh. Kiu-tchen-na-ya, Kundina), il y a un lieu nommé le Siége de la Loi (Dharmāsana); de toute... etc... Dans la ville de Tsing-tsing-pei-ngan (Pur-pur ce bord?) il y a un lieu nommé la Grotte (Buddhabhadra dit : « le mérite ») (2) de Mou-tche-lin-to (Mucilinda); de toute... etc... Dans le royaume de Mo-lan-to (? Buddhabhadra dit dans la Terre-du-Vent) il y a un lieu nommé l'Institution du Roi des Dragons sans obstacle (apratigha); de toute... etc... Dans le royaume de Kan-pou-tche (Kamboja) il y a un lieu

(1) Manque dans la traduction de Çikşananda.

(2) Buddhabhadra semble avoir ici, comme dans le cas précédent, lu le dernier terme du composé guna tandis que Çikşananda a lu guha.

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