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qui se mit aussitôt à étudier avec ardeur. On l'appela le prince Cam (Orange). Lorsque le jeune prince eût atteint sa troisième année, le roi eut un jour envie de manger un mets extraordinaire; il donna trois ligatures à son maître d'hôtel, lui disant qu'il voulait manger la chair d'une femme ayant de la barbe. Le maître d'hôtel très effrayé, et voyant que le roi voulait l'éprouver, ne savait que faire. Le prince Cam le voyant triste, lui en demanda le motif, et lui dit, en apprenant la fantaisie du roi, que certainement il avait voulu parler d'une chèvre. Le maître d'hôtel acheta une chèvre et en donna à manger au roi qui fut satisfait.

Une autre fois, le roi demanda à manger un mets ayant les cinq saveurs, mais il ne donna au maître d'hôtel que trois sapèques pour l'acheter. Celui-ci alla aussitôt demander conseil au jeune prince, qui lui dit de donner au roi une bouchée de bétel. On trouve en effet dans une seule bouchée de bétel: le goût de l'arec, de la chaux, de la racine, du bétel et du tabac, c'est-à-dire les cinq saveurs, et cela pour un prix modique. Le roi se montra encore satisfait.

Enfin le roi manifesta le désir de manger de l'herbe ayant des tuyaux, et il donna encore trois sapèques pour faire l'emplette; sur le conseil de Cam, le maître d'hôtel acheta des oignons, dont les feuilles forment de véritables tuyaux.

Un jour le roi avait invité tous les camarades du prince Cam à un festin, et, pour les éprouver on les avait fait asseoir à trois mètres et demi du plateau. Seul Cam put manger, car il avait eu la présence d'esprit de se munir d'une baguette, avec laquelle il put piquer les mets.

Un jour que le roi cherchait en jouant quelle était la chose la plus aiguë, il conclut avec ses courtisans que c'était l'aiguille; mais le jeune Cam, prenant la parole, leur fit reconnaître leur erreur. La chose la plus aiguë est l'eau, dit-il, car l'eau s'insinue par les plus petits trous, les plus petites fissures, dans lesquelles même la pointe d'une aiguille ne pourrait pénétrer.

Le roi fut effrayé de cette précoce intelligence, et, craignant que les ministres ne cherchassent à le détrôner pour mettre à sa place un prince doué de dons aussi prodigieux, il forma le dessein de le tuer, et pour cela il lui fit prendre un poison violent.

Quelque temps après, le roi envoya quelqu'un pour demander des nouvelles du prince; il était bien réellement mort, mais sa mère, au désespoir, répondit. au messager qu'il était dans sa chambre comme à son habitude, lisant et étudiant.

Le roi fit alors prendre du même poison à un coq, mais celui-ci n'en fut pas incommodé et s'envola par dessus la haie. Alors le roi tourna ce poison en ridicule; il en mangea et en fit manger à ses conseillers; le poison fit alors son effet et ils périrent tous.

On disposa tout pour la cérémonie funèbre, mais le crime du roi ayant été divulgué, on ne trouva personne pour lui faire des obsèques convenables, et on dut faire porter son cercueil par deux misérables, dont l'un était aveugle et

l'autre sourd, pendant qu'on faisait au jeune prince de splendides funérailles. Dans leur marche rapide, l'aveugle qui portait le cercueil du roi eut le visage frappé par une branche: il recouvra aussitôt la vue; le sourd, voyant ce miracle, lui demanda une branche du même arbre, et, s'étant frotté les oreilles avec cette branche il recouvra l'ouïe. Les deux compagnons jetèrent aussitôt le cercueil du roi dans un fossé et revenant précipitamment avec un rameau de la précieuse plante, ils en frottèrent le cadavre du jeune prince, qui recouvra aussitôt ses sens et fut salué comme roi par tout le peuple.

VII

POURQUOI LE BUFFLE N'A PAS DE DENTS ET LA PANTHÈRE A UNE ROBE TACHETÉE

Une panthère vit un buffle qui à grand peine labourait une rizière sous les ordres d'un homme qui, non content de le faire ainsi travailler, l'injuriait et le battait. L'homme parti, et le buffle se reposant dans un pâturage voisin, la panthère s'approcha de lui et lui demanda pourquoi un puissant animal comme lui se laissait dompter par un être chétif et difforme. Le buffle répondit qu'en effet l'homme n'était pas un être puissant, mais qu'il avait en partage 'intelligence, et que c'était le secret de sa domination sur les animaux. Lorsque l'homme fut revenu à sa rizière, la panthère se présenta à lui et lui demanda de bien vouloir lui enseigner la sagesse. L'homme d'abord effrayé, eut vite repris ses sens et lui dit que pour cela elle devait faire tout ce qu'il exigerait d'elle. Il prit de fortes lianes et la garrotta solidement; dans son ardeur à s'instruire, la panthère se prêtait docilement à toutes ses volontés.

La panthère fortement liée, l'homme la porta sur un lit de paille sèche et d'herbe coupée, puis il mit le feu aux quatre coins de ce bûcher.

Le buffle, qui voyait les contorsions de la panthère, et admirait le bon tour que l'homme lui avait joué, se mit à rire si fort que, dans ses hoquets convulsifs, il frappa son mufle contre une pierre et se brisa toutes les dents de devant. La panthère parvint enfin à se débarrasser de ses liens à demi brûlés et s'enfuit, mais non sans avoir la robe fortement endommagée par le feu. C'est depuis cette époque que la panthère a sa fourrure parsemée de taches noires, et que les dents de devant et du haut manquent au buffle (1).

(1) Une légende analogue existe chez les Annamites de Cochinchine.

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Les objets composant le trésor des anciens rois Chams sont divisés entre plusieurs villages dans la région de Phanri et de Phanrang, où des prètres spéciaux les conservent, sans, hélas ! les entretenir. Ces villages sont, pour la région de Phanri: Thinh Mỹ, où un certain nombre des plus riches pièces sont conservées dans la maison même de la dernière descendante des rois; pour celle de Phanrang: les villages de huroc-dong, où le dépôt important comporte surtout des vases et quelques armes; Huru duc, qui ne conserve que quelques vêtements et des liasses de papiers chams sans intérêt, parait-il; et Hau Sanh, qui possède des objets des deux sortes, sans présenter d'ailleurs de pièces bien remarquables. Depuis longtemps on supposait qu'une partie plus considérable de ce trèsor était cachée chez les Moïs: une heureuse circonstance décida les Chams à nous montrer ce dernier dépôt, qu'ils avaient jusqu'à ce jour soigneusement dérobé aux yeux des étrangers. Encore serait-il possible, étant donnée la duplicité bien connue des Asiatiques, que certaines pièces aient échappé à nos investigations. Ce dépôt était gardé par deux panrongs dans une maison isolée du village churu de Lawang. Il se composait surtout de vases de métal, de fragments de mobilier, de vêtements et d'armes, dont quelques-unes d'une grande valeur et intrinsèque et artistique. Sans entrer dans le détail de la répartition des diverses pièces entre les différents dépôts, nous donnerons seulement un aperçu des éléments dont se composait ce trésor, nous réservant d'en faire une étude plus détaillée dans un des futurs fascicules du Bulletin. Ces pièces auraient fait partie du trésor des deux rois Po Klong Möh-Nai et Po Klong Gahul. Chaque série comporte une mitre royale en or, plusieurs diadèmes de reines de même métal, des vases à couvercle destinés à contenir l'eau des sacrifices et nommés batas; des services complets à bétel, comprenant des vases fermés à bétel, des plateaux pour poser les feuilles, des boîtes pour mettre les noix d'arec, des vases à chaux munis d'un pied et d'un couvercle terminé par une longue tige qui permettait d'opérer le malaxage dans un tube; d'autres vases à chaux sans pied; des vases à eau ou à vin de toutes sortes, ronds, en U, avec fond formant pied, plats comme des coupes, avec ou sans pied; des tasses à vin de toute matière; des services complets à vin, comprenant un vase d'argent qui sert de pied, un petit vase d'or qui sert de récipient, et deux petites tasses qui servent de coupes; dans un autre ordre d'idées des klongs à eau de gahlau ou des klongs à ossements, etc. Ces pièces se rapportent à deux séries qui correspondent aux deux rois : l'une présente des rangs d'écailles finement ciselées, l'autre des rinceaux où s'entremêlent des dragons crêtés ou des figures humaines complètement ornemanisées, les membres n'en étant que l'origine des rinceaux. Cette dernière série a été copiée jusqu'à nos jours et, il va de soi, complètement déformée et de plus en plus mélangée d'annamite.

D'autres se rapportent à des séries disparues, en petit nombre et sans grand intérêt. Une pièce cependant est curieuse, secteur de coquillage à spire montée en argent et qui sert de coupe à boire.

On trouve encore des plateaux de bois laqué noir incrustés de décorations géométriques de nacre d'un art tout particulier, de grands vases de même matière destinés à enfermer d'autres vases, qui contenaient le riz cuit; des plateaux de cuivre ; des marmites d'une forme élégante qu'on retrouve identique chez certains Moïs; de grands coquemars de bronze ornés de boutons de métal; des crachoirs, des bassins à laver, etc., et tout un petit mobilier usuel: cuillers de bronze à monture élégante de métaux précieux, petits couteaux à bétel finement ornés, pipes, etc.

Les armes sont représentées par une cinquantaine de pièces où se distinguent deux beaux fusils à chien entièrement montés en or et en argent et d'une forme qui rappelle le mousquet à crosse, des pistolets arabes, un beau sabre, plusieurs kriss de très belle facture, dont l'un a une lame ondulée où toute une série de petites figurines s'incrustent en or, dont l'autre présente une des plus étranges compositions ornementales qui se puissent voir, silhouette d'oiseau, sans qu'aucun détail soit franchement de l'oiseau; un grand nombre de lances, d'épieux, de fourches, de tridents, montés avec des garnitures d'or, d'argent, de cuivre rouge, finement ciselées; une belle hache à rites mortuaires, montée d'ébène et d'argent ; divers poignards, de curieux engins de chasse, etc., etc.

Se voient encore des fragments de mobilier, pied de miroir finement travaillé, nombreuse literie, fragment de palanquin d'un carractère très spécial, etc.

Les bijoux sont représentés par des bracelets d'or ciselés et de gros boutons d'oreilles, ainsi que quelques bagues; des amulettes les accompagnent, pierres étranges ou débris d'animaux mystérieux.

Enfin de nombreuses pièces d'étoffes et des vêtements sont empilés dans des coffres et s'y rongent, écharpes ou sampots chams, ceintures brodées, souliers, robes de cérémonie ou vêtements de divinités, presque entièrement annamites. Quelques détails curieux s'y remarquent de grandes cornes d'étoffe à fixer aux épaules, d'étranges coiffures de route en velours rouge, à chaperon d'or, qui entourent toute la tête comme un casque du moyen âge, laissant seule la face visible par l'échancrure du pan antérieur; ou coiffure du roi dans la vie civile, sorte de bonnet de doge à garniture d'or et de fausses pierreries; ou encore diadème de velours blanc tout couvert de paillettes, coiffure du roi comme prêtre dans sa maison, disent les Chams.

Mais une plus longue énumération ne servirait qu'à lasser la patience du lecteur; elle ne pourra prendre de l'intérêt que lorsque des figures attacheront un sens précis à la description des diverses pièces et permettront d'apprécier la réelle valeur d'art de quelques-unes. Phanri, 24 avril 1902.

II. LE MONUMENT RUINÉ DE PHUOC-THINH

La vallée du Song Darang ou Song Ba paraît avoir été, à l'époque de la puissance des Chams, entièrement occupée par ceux-ci. Deux tours, dont il ne reste qu'une, celles de Nhạn Tháp, dominaient l'estuaire du fleuve; elles semblent avoir été en relation directe avec un monument qui s'élevait en mer à une ou deux lieues de distance et servait de vedette avancée, la tour de l'île Verte, dont il ne reste aujourd'hui que des vestiges. En plein cœur de cette vallée et à plus de 100 kilomètres de la côte par le fleuve, la tour de Cheo Reo, dont nous parlerons plus loin, a été signalée récemment; et ce monument n'est probablement pas unique. A l'entrée même de cette vallée, une citadelle qui porte encore le nom caractéristique de Thanh Hơi « citadelle des Chams », et qui nous a été signalée l'année dernière par M. de Blainville, alors Résident du Phuyên, barre la rive gauche du fleuve. Cette citadelle, que nous n'avions pu alors que reconnaître, où nous avons fait tout récemment diverses fouilles qui ont révélé l'existence d'une sorte de donjon-vigie au centre de la face principale, la plus forte mais la plus menacée aussi, semble avoir fait partie d'un même ensemble avec un monument élevé à 800 mètres, au sommet d'une colline boisée sur l'autre rive du Song Ba; nous en avions soupçonné l'existence lors de cette courte visite, sans avoir le temps d'aller nous en assurer; M. Márchandeau, inspecteur des télégraphes, au cours de recherches pour l'établissement d'une de ses lignes, y avait reconnu des fragments chams et avait bien voulu nous en informer. Nous avons pu nous y rendre cette fois : voici ce qui s'y trouve.

Du monument primitif il ne reste que des débris informes. Mais une partie des sculptures a été sauvée par les Annamites qui ont, des débris des tours, construit une sorte de grossière enceinte orientée au S.-S.-E. Les principales de ces sculptures sont: 10 une figure de tympan de 85 centimètres de hauteur: Lakṣmī assise à l'indienne sur un coussin de lotus; elle tient de ses quatre mains des fleurs de lotus, une conque et un disque; 20 Ganeça, fruste, mais dont

la tête brisée semble bien se rapporter au corps auquel elle a été soudée; 3° Civa assis de côté sur Nandin, un œil vertical au milieu du front, tenant dans ses mains le glaive et le trident (hauteur 85 centimètres). Sur la dalle à laquelle il est adossé se lit péniblement une inscription de 3 mètres environ de développement linéaire; 40 une figure debout, roi ou bodhisattva, appuyée à une dalle de 1 m. 45 portant une belle inscription qui fait près de 13 mètres; statue d'une exécution remarquable et qui ressemble de très près à certaines figures de Java; 50 un petit Buddha en terre cuite, se détachant d'une dalle arrondie, couverte d'une inscription d'écriture courante grossièrement gravée.

Il faut y ajouter toute une série de fragments ornementaux: amortissements de pinacles, parties de piédestal, et surtout acrotères qui s'ornent de serpents, rappelant ainsi ceux de Po Klong Garai et ceux du monument qui a abrité la stèle de Posah près de Phanrang.

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La tour chame nouvellement signalée chez les Moïs du Phuyên par le Résident de cette province avait été indiquée à M. Stenger, garde principal, chargé d'installer un poste de milice à Cheo Reo, au confluent de l'Ayoun et du Song Ba, par les Moïs, de cette région, frappés de la ressemblance des briques que faisait exécuter M. Stenger pour la construction de son poste avec les matériaux de cette tour. M. Stenger s'empressa de visiter ce monument et de le signaler; l'Ecole doit lui savoir gré encore d'avoir pris le soin de recueillir des fragments de grès vernissé épars sur le sol, et qui constituent les torses de deux statues anciennes en grès vernissé polychrôme : il a pu sauver ainsi des pièces intéressantes au plus haut point, car elles présentent un exemple, que je crois encore unique aujourd'hui, de l'emploi de cette matière par les Chams.

La tour est située en plein bois; elle est d'ailleurs en partie envahie par la végétation. Elle s'élève seule dans l'orientation habituelle, au fond d'une terrasse en limonite, longue et peu élevée, munie en avant d'un escalier. C'est une construction fort simple et de petites dimensions. Une porte y donne accès; la tour est cantonnée de trois fausses portes plus petites dont l'une, celle de l'O, s'est abattue ou a été démolie récemment par les Moïs. Profils et parties hautes différent du type ordinaire : les parties supérieures constituent une pyramide curviligne à quatre pans qui se décore au bas, sur chaque face, de trois grandes feuilles de lotus, disposition fort simple et d'un effet assez heureux. Cette tour abrite une belle statue de Çiva assis à l'indienne, les bras levés, un ankus et un trident à la main. Dans l'angle S.-E. de la terrasse se dresse une stèle à quatre faces dont les principales surtout sont bien lisibles. En avant de la terrasse, un petit Çiva assis sur Nandin a été juché tant bien que mal sur un grossier autel. Il semble de même époque que l'autre, la dalle à laquelle il est adossé porte également une belle inscription. L'une et l'autre ensemble donnent un développement linéaire d'une trentaine de mètres.

Les débris de terre vernissée étaient jetés sur le sol au N. de la tour. Les figures dont ils proviennent devaient être placées sur la terrasse, des deux côtés, en avant de la porte, car nous avons trouvé en ce point les débris du socle vernissé de l'une d'elles, où les traces des pieds sont marquées. La forme de cette terrasse semble indiquer dans cette construction quelque influence cambodgienne; la sculpture, en revanche, est nettement chame.

Cheo Reo, 30 juin 1902.

H. PARMENTIER.

NOTE SUR UNE FOUILLE FAITE DANS L'ILE DE CULAO-RUA, PBÈS DE BIEN-HOA

Ayant appris à Saigon que l'on avait trouvé dans une île, près de Bien-hoa, des haches en pierre de formes diverses, je me proposai d'explorer rapidement ce gisement lorsque je me rendrais dans la province.

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