網頁圖片
PDF
ePub 版

Le 4 janvier 1902 au matin, grâce à l'obligeance de M. l'administrateur Chesne qui me prêta sa chaloupe à vapeur, me pourvut d'un guide et me communiqua tous les renseignements qu'il avait pu recueillir à ce sujet, je pus mettre mon projet à exécution.

Parti à 8 heures de Bien-hoa, je débarquais à 8 heures 3/4 à l'lle de la Tortue (Cùlaorùa) but de mon excursion.

Comme la plupart des terrains anciens qui participent à la formation de l'ossature de la Cochinchine, Culao-rúa semble constituée par un sous-sol de granit ou de gneiss sur lequel les sédiments formés à des époques, déjà fort lointaines, ont donné naissance à cette espèce de poudingue d'argile et de peroxyde de fer que l'on nomme vulgairement en Indo-Chine pierre de Bien-hoa ».

[ocr errors]

Donc, autant que j'ai pu en juger par un rapide examen de ses berges, Cùlao-rùa paraît comporter les couches suivantes, en partant de la plus profonde: granit ou gneiss, silices non compacts, pierre de Bien-hoa, terre végétale.

Or, c'est dans les sables placés entre le squelette de l'ile et les poudingues de la surface, que semblent se trouver les haches et les outils en question, mais je n'ai pas eu le temps de vérifier ce fait qui m'a été affirmé par les indigènes.

Historique. Il y a cinq ans environ, un contre-maître cantonnier, envoyé dans l'île pour en extraire du Bien-hoa destiné à l'entretien des routes, mit à jour ces pierres, de formes étranges, quoique régulières, que les Annamites nomment Lưỡi-tâm-sét, c'est-à-dire « langues de la foudre ».

Ce cantonnier n'attacha pas une grande importance à sa découverte, ne connaissant aucune des légendes qui ont cours dans certains villages sur les propriétés attribuées aux pierres ayant cette forme.

Les ouvriers en recueillirent quelques unes qu'ils emportèrent; mais, quelque temps après, un enfant étant mort accidentellement dans un hameau voisin, ce décès fut attribué à la vengeance de certains génies, mécontents de ce que ces cailloux bizarres eussent été extraits du sol et disséminés. Aussi le chef de village s'empressa-t-il de les réunir tous et de les enterrer pour éviter le retour d'un accident semblable.

-

Recherches. M'étant procuré 8 coolies, je dirigeai mes recherches dans des anciennes carrières d'où l'on avait extrait du Bien-hoa, car le temps me manquait pour opérer réguièrement

J'attaquai donc la paroi d'une carrière située sur le versant Est de l'île et, en trois quarts d'heure de travail, je mis à jour 13 outils en pierre polie (haches à talon, herminettes, ciseaux), et une femme me remit, au même moment, une fort belle hache à talon qu'elle venait de trouver, et qui mesure Om 20 de longueur sur Om 10 de largeur moyenne.

Ces instruments sont de différentes grandeurs, mais les haches se rattachent toutes, sauf deux, à la forme dite «< du Cambodge » et dont Jammes a rapporté de Somrong-Sen des échantillons si nombreux qu'elles pouvaient être classées sous le nom de cette importante station.

Les unes paraissent taillées dans une sorte de roche amphibolique qu'une épaisse couche de «< cacholong » empêche de bien déterminer; les autres sont évidement tirées d'une espèce de schistoïde assez dure.

D

Leur longueur varie de Om 07 à 0m 12 et leur largeur de Om 04 à Om 07; presque toutes ont leur tranchant en demi-cercle.

Folk-lore.

[ocr errors]

A Culao-rùa, la plupart des indigènes ne font pas attention à ces pierres ; ils croient que leur forme est absolument naturelle; c'est l'opinion du bonze du village. D'autres racontent que quelques esprits, voulant se venger des hommes et des animaux, les lapidèrent avec des cailloux ainsi taillés et en tuèrent un grand nombre. C'est pourquoi certains Annamites en firent fabriquer de semblables et les offrirent aux génies des pagodes afin de rendre ceux-ci favorables.

Quand un enfant a la variole, il est bon de posséder une de ces pierres dans l'habitation, pour empêcher les boutons de « se gåter lorsque le temps est orageux. La même propriété est attribuée à certaines petites haches en fer, d'environ 2 centimètres de large sur 3 ou 4 centimètres de longueur.

B. E. F. E.-O.

T. II. 19

Pour guérir un varioleux, il faut prendre deux de ces haches, en pierre ou en fer, les frotter l'une contre l'autre, mettre dans l'eau la poussière provenant de l'usure produite par le frottement et laver le malade avec cette eau afin de neutraliser les effets de la maladie et de hâter la guérison.

Certains Annamites affirment que, sur les hautes montagnes de l'Annam, se trouvent des pagodes où les gens du pays vont, chaque année, offrir des haches en métal aux génies du tonnerre. Ceux ci, lorsqu'ils veulent faire tomber la foudre sur la plaine, viennent dans ces pagodes chercher les projectiles dont ils ont besoin.

Enfin, à Hanoi et aux environs, l'on raconte encore que, sur la montagne de Phu-quốc-Oaï, située dans la province de Sontay, se trouve une pagode appelée Toàn-Viên, où autrefois, avant notre arrivée dans le pays, les mandarins allaient tous les ans offrir aux génies du tonnerre de petites haches en métal et des barres de fer. La nature de l'offrande variait chaque année; car, d'après les Annamites, la foudre tombe alternativement sur la terre en forme de haches et de bâtons.

Près de cette pagode vit un Buddha immortel qui, pendant la nuit, vient y prendre les haches et les barres offertes aux Génies et les porte sur le sommet de la montagne. C'est là que les habitants du ciel s'en munissent quand ils veulent les lancer sur la terre où, dans leur chûte, elles s'enfoncent de cinq mères.

Je ne puis mieux conclure cette courte note qu'en rappelant que « les langues de la foudre » des Annamites sont en même temps les « haches du seigneur de la foudre » chez les Bahnar de l'Annam (Xung-bôk-Glaih) et les «< pierres de foudre » de nos paysans de France. Hanoi, le 5 février 1902.

Commandant GROSSIN.

LES PIERRES DE FOUDRE

Les pierres de foudre (dả sấm sét, đã thầm thét, đá sét, cái sấm sét) naissent spontanement dans le sol, trois mois et dix jours après que la foudre est tombée à un endroit. Chaque fois donc que la foudre tombe, une pierre de foudre est produite dans les environs, Mais le hasard ne la fera peut-être découvrir que longtemps après. D'après une autre version, les pierres de foudre remontent à la surface ou près de la surface du sol (nỗi) trois mois et dix jours après que la foudre est tombée le moment de leur production serait peut-être le moment où la foudre tombe; en tout cas, c'est à ce moment que commencerait leur formation.

On trouve assez abondamment de ces pierres de foudre dans le Nord de la province du Quảng Trị, dans les deux régions dites Dat do, la Terre Rouge, et Bái Trời, le Ciel. Dans les villages de la province du Quảng-bình, où j'ai pu prendre des informations, les pierres de foudre, bien que connues, sont en petit nombre, et il ne parait pas qu'elles aient été trouvées dans ces villages même.

Les pierres de foudre ont une grande efficacité pour préserver de la foudre ou des suites funestes de la foudre. En temps d'orage, il suffit de mettre une pierre de foudre dans la grande corbeille (nong, nòng) où l'on élève les vers à soie, pour préserver ces petites bêtes de l'influence pernicieuse de la foudre. Dans d'autres maisons, on rape un peu une pierre de foudre et on projette en soufflant (phun) la poudre ainsi obtenue sur les corbeilles de la magnanerie. Un temps orageux est aussi funeste à ceux qui sont atteints de la variole; on leur pose donc sur la poitrine une pierre de foudre, ou on leur projette en soufflant de la poudre de ces pierres sur les éruptions causées par la maladie. A Bỏ khè, dans le Quảng bình, on prétend même que la pierre de foudre, simplement gardée dans la maison, préserve les petits enfants des influences néfastes de la foudre: il n'ont pas ces mouvements nerveux que cause ordinairement le bruit du tounerre.

Il y a deux espèces de pierres de foudre les unes sont en silex, les autres en cuivre (dóng) ou en une substance rappelant la fonte (gang, peut-être en bronze); ces dernières sont plus rares, mais leur pouvoir est plus grand: on en fait des colliers que l'on met au cou des

enfants nés au moment où la foudre tombe dans les environs (thiên lôi giảng). Cet enfant est en effet condamné à être frappé tôt ou tard de la foudre; mais en portant au cou un collier de pierre de foudre, il est censé avoir déjà été frappé et est préservé de toute atteinte plus dangereuse.

Que sont ces pierres de foudre? Ce sont des silex taillés, dont se servaient les premiers habitants de la côte orientale de la presqu'ile indo-chinoise à une époque qu'on ne saurait encore préciser.

Ces silex se divisent en général en deux parties: le corps même de l'instrument, et la queue ou tenon plus étroit, qui servait à maintenir le silex dans le manche: c'est la forme bien connue dite « indo-chinoise ». Dans un seul des spécimens que j'ai recueillis, il n'y a pas de tenon, mais on remarque du côté de la tête de la hache (si toutefois cet instrument est vraiment une hache), un collet creusé seulement d'un côté, où l'on voit d'une manière très sensible l'usure produite par la corde qui retenait la hache au manche ou par le manche lui-même.

Tous ces silex sont polis sur tous leurs côtés, mais on remarque sur tous des inégalités accusant nettement qu'ils ont été primitivement dégrossis par éclat. Les uns sont en silex bleuté, les autres en silex blanchâtre. Ils n'étaient tranchants que d'un seul côté opposé à la queue ou tenon, mais l'arête tranchante qui paraît avoir été toujours plus ou moins arquée n'est visible que dans quelques spécimens et à de rares endroits; ailleurs elle a été déformée par les grattages successifs que les Annamites ont fait subir à la pierre pour la réduire en poudre : les Annamites en effet grattent ordinairement ces pierres du côté de l'arête tranchante.

Le corps de l'instrument a les côtés tantôt amincis comme l'arête tranchante, tantôt coupés à pans droits. Les deux faces sont ordinairement convexes plus ou moins irrégulièrement ; tantôt l'une est convexe, l'autre plane, ou bien elles sont formées de divers plans se recoupant par des arêtes irrégulières mais adoucies. Le tenon est tantôt régulièrement rectangulaire, tantôt l'angle de jonction avec le corps de l'instrument est plus ou moins adouci.

Les Annamites comparent ces instruments à un fer de hache (lưỡ riu) et c'est l'usage qu'ils ont eu sans doute primitivement. Le spécimen qui n'a pas de tenon distinct montre clairement qu'on s'en servait comme de la hache ordinaire, c'est-à-dire le plan de l'instrument étant vertical. Quelques Annamites m'ont dit cependant qu'on pouvait se servir des autres comme d'une doloire, mais c'est peu probable. Il faut remarquer que ces haches, contrairement aux haches annamites actuelles, où le manche vertical (chuên riu) entre dans le fer de la hache, pénétraient elles-mêmes dans le manche où elles étaient maintenues par le tenon.

Je n'ai pu me procurer ni voir de haches en cuivre ou en bronze. On m'a dit que leur côté tranchant était très arqué, et qu'elles avaient une certaine ressemblance avec les haches françaises.

Il ne sera pas sans intérêt de dire quelques mots de la région où on trouve ces silex plus abondamment. Le Ciel, ou Bai Trời, est une région assez élevée, très fertile, qui se rattache aux grandes montagnes d'Annam et envoie plusieurs éperons dans la plaine de rizière qui la sépare de la grande dune et de la mer. La Terre Rouge, ou Dát Đỏ, est une succession de petits mamelons formés de la même terre rouge légère que l'on remarque au Ciel, et qui viennent finir brusquement au cap Lay, en annamite Trôc Voi. Ces deux régions, aujourd'hui encore très fertiles, ont dù être peuplées fort anciennement, alors qu'une grande partie de l'Annam actuel était encore couverte de marécages incultes. Les pierres de foudre sont les derniers vestiges de cette civilisation primitive.

Si j'en juge par ce que j'ai pu voir autour de moi, tous les Annamites connaissent les pierres de foudre; mais dans certaines régions on en trouve beaucoup en fouillant la terre, et chaque pierre que possède telle ou telle famille, a pour ainsi dire son histoire: on sait dans quel champ elle a été trouvée, quel arbre fut frappé de la foudre. Dans d'autres endroits au contraire, les pierres de foudre sont rares, on se les transmet de père en fils sans savoir leur origine. Il serait intéressant de déterminer dans tout l'Annam quelles parties renferment en grand nombre des pierres de foudre et furent par conséquent habitées par les hommes des époques préhistoriques.

L. CADIÈRE.

UNE TOUR DU SILENCE » AU CAMBODGE?

Au milieu des sanctuaires de forme consacrée qui se répètent à l'infini dans toute l'étendue du Cambodge, se détache un monument unique, de forme singulière et de destination mystérieuse, véritable énigme archéologique sur laquelle il nous paraît utile d'appeler l'attention.

Le Kompong Rosei Tang Kuoch, dans lequel réside le Gouverneur actuel de la province d'Anlong Reach, est situé sur la rive orientale d'une des grandes îles que forme le déversoir du Tonlé Sap. Les eaux provenant du grand fleuve ou y retournant, traversent dans ces parages une région marécageuse dans laquelle viennent se perdre des cours d'eau, comme le Prek Kompong Sa et surtout le Stu'ng Chimnit, qui ont un débit assez considérable. Ces eaux, de différents régimes, se sont creusé des canaux tortueux et multiples dans un sol formé d'alluvions, noyé une partie de l'année et couvert de forêts touffues au feuillage d'un vert sombre. On y trouve en certains endroits des amas considérables de dépôts de coquillages et des ustensiles de l'époque préhistorique.

Des berges du Kompong on voit vers le Sud-Est un petit groupe de hauteurs à peu près orienté Nord-Sud, indiquant un sol plus ferme, s'élever au-dessus de la forêt noyée. La plus méridionale des hauteurs de ce groupe est indépendante et séparée des autres par une petite vallée cultivée en rizières. Elle est spécialement désignée sous le nom de Phnom Chidos. Partant en barque de Rosei Tang Kuoch on descend jusqu'au Kompong Chamkar Kambor, où on fabrique de la chaux avec des coquillages provenant, disent les indigènes, d'amas considérables situés dans les grands lacs. On remonte de là un bras parallèle; puis, par un canal rectiligne tracé à travers les bancs, on gagne directement le sol émergé. Le canal conduit à un village nommé Phum Thbong, dont les cases sont groupées au pied des pentes septentrionales du Phnom Chidos. C'est un gros village de potiers où on fabrique par des moyens très rudimentaires de la poterie commune avec des terres recueillies aux basses eaux dans les parties inondées.

Le Phnom Chidos est une colline arrondie à la base qui s'élève en forme de cône à une hauteur de 50 mètres environ. Le sommet a été arasé et aménagé en terrasse. L'ossature de la colline, formée de grès grossier, affleure par couches obliques sur le terre-plein. Pour combler les inégalités de ce sol rocheux, on a employé, sur une épaisseur qui atteint parfois Om 80, un béton formé de pierres de grès liées par un mortier très résistant.

Sur cette terrasse, s'élève un édifice qui présente des dispositions telles qu'il ne peut être classé dans aucun des types de monuments du Cambodge.

Le corps principal est une tour presque ronde, A, de forme peu régulière, en briques, mesurant environ 8 mètres de diamètre. Cette construction ne présente aucune ouverture. Au centre, sur toute la hauteur, est une cheminée verticale à section carrée, d'environ 2 mètres de côté. Les murs qui sont, par suite, très épais (environ 3 inètres) ne s'élevaient pas à plus de 4 m 50 au-dessus du sol et sont arrêtés à cette hauteur par un petit entablement formé de briques en saillie. Ces murs sont recouverts sur leur face extérieure du parement ordinaire en briques soigneusement rejointoyées. Ce parement, mal lié au plein du mur, se détache en ceraines parties vers l'Ouest comme l'écorce d'un arbre qui se dépouille. Les parois de la cheminée centrale ne sont pas parées de même façon.

La façade est divisée sur le pourtour en huit panneaux par des pilastres à faible saillie. Entre les pilastres, accrochés à leurs chapiteaux, tombent en guirlandes des ornements formés de cordons de briques en saillie. Celui des huit panneaux qui est tourné vers l'Ouest, ne présente pas cette ornementation. Il est dépourvu de parement. La surface est inégale, creusée de cassures, comme si son ornementation avait été enlevée au pic sur toute sa hauteur. Il nous a paru que cette ornementation avait pu être formée par quelque grande figure de divinité semblable à celles qu'on voit encore sur le Prasat Kambot, dans la province voisine de Baray.

Devant ce panneau se creuse une fosse carrée, B, à revêtement de briques, qui mesure 2 mètres de côté sur 2 m 50 de profondeur. Les murs de revêtement des parois dépassent légèrement le sol sur les trois faces, et sur celui de l'Ouest s'élève en outre un petit autel pyramidal, en briques, formé de trois gradins (C.). Cette partie du monument est en très mauvais état, et comme détruite à plaisir.

Rien n'indique que la tour circulaire qui forme la partie principale de cet édifice ait été voùtée. Cette construction ne semble pas avoir dépassé le couronnement actuel. Les indigènes

[merged small][ocr errors][graphic][merged small][merged small][ocr errors][subsumed][ocr errors][merged small]

ont fait en F une large brèche communiquant avec la cheminée centrale, et en G, une sorte de tunnel percé à travers les fondations permettant de passer de la cheminée centrale dans la fosse carrée antérieure, dans le but, disent-ils, de chercher des Bouddhas. Ils affirment que

« 上一頁繼續 »