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pendant quinze jours; elle ne pouvait rien faire. Je dis: Il faut prendre le chien et en faire de la viande (l'abattre). Nous en fimes de la viande. Il en était ainsi, lorsqu'arriva un individu qui avait été dans le Quảng (cette expression désigne ordinairement l'Annam Sud et la Cochinchine). Il demanda : Qu'a donc cette femme? Je lui racontai qu'un chien l'avait mordue et qu'on avait pris le chien pour en faire de la viande. Il dit: Je vais la guérir. Avez-vous un bâtonnet non lavé (dua rác)? J'allai chercher un bâtonnet non lavé. Il le prit, et en appliquant l'extrémité sur la main malade tout près de la blessure, il demanda quel jour elle avait été mordue; je comptai sur mes doigts: c'était le cinquième jour de la lune. Alors appliquant successivement à petits coups le bâtonnet tout autour de la plaie, il compta: cinquième jour, sixième jour, septième jour, huitième jour, jusqu'au cinquième jour du mois suivant, appliquant chaque fois le bâtonnet autour de la plaie; arrivé au cinquième jour du mois suivant, il appliqua la pointe du bâtonnet en plein dans la plaie. La malade n'éprouva aucun mal. Il décrivit alors avec le bâtonnet un cercle autour de la plaie et secoua trois fois le bâtonnet. Il répéta trois fois cette opération. Puis ce fut fini. La main désenfla dans la nuit, et le lendemain ma belle-sœur se livrait à ses occupations comme d'habitude. » (Récit de Bé, de Bông-lai.)

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LE MAÎTRE DU SOL. Dans les champs de pastèques, de concombres, d'aubergines ou autres plantes de jardinage, on élève souvent une cabane minuscule dédiée au « Maître de la terre » Tho-Chů. Cette coutume a peut-être pour but d'attirer sur la récolte la protection de l'esprit; mais en général, l'idée dominante c'est d'éloigner les voleurs en faisant du terrain et des fruits qu'il produit une chose sacrée. La terre est la terre de l'esprit si on vole un fruit, c'est la propriété de l'esprit qu'on prend, c'est lui qu'on offense, c'est lui qui punira.

Ordinairement, à côté de la cabane on suspend à un pieu trois ou quatre branches de bambou ; c'est le symbole de la verge : le voleur sera puni du rotin. Ou bien on y suspend un petit panier en bambou grossièrement tressé: ce panier signifie que le voleur, s'il est pris, sera puni d'une amende d'un cochon; c'est en effet dans des paniers de cette sorte que l'on transporte les cochons au marché. Dans les champs ensemencés de maïs ou de haricots, on suspend un arc en bambou, renversé, la corde en haut. C'est pour éloigner les corbeaux et autres oiseaux dévastateurs. Je ne sais s'il faut voir là l'idée que l'arc l'ancienne arme des Annamites avant l'introduction des fusils - par sa nature fera peur aux oiseaux, ou s'il faut rattacher cette coutume, universellement suivie, à quelque croyance religieuse.

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LA PAIX DU MÉNAGE. Lorsque la désunion règne dans le ménage, que le mari et la femme ne s'entendent pas, les beaux-parents prennent un habit. de l'un et de l'autre conjoint et vont les laver en même temps dans la rivière. Les habits sont censés représenter les individus eux-mêmes. S'il y a quelque chose de malpropre, quelque défaut qui empèche l'union et la concorde,

l'eau du fleuve emportera tout, et désormais mari et femme s'aimeront, ou du moins se supporteront mutuellement.

Parfois le mari va demander une seconde fois sa femme en mariage à ses beaux-parents. Cette démarche est censée annihiler le premier mariage qui n'avait pas eu d'heureux résultats, et ouvrir une ère de bonheur mutuel.

PHILTRES. Les philtres jouent un grand rôle dans la vie passionnelle des Annamites. Ils ne manquent pas d'expliquer par ce moyen toute violation grave des devoirs conjugaux. Mais il est difficile de savoir en quoi consistent ces philtres. Je n'ai pu entendre l'explication que d'un seul. Une jeune fille avait pris les habits d'un jeune homme et les avait fait ròtir dans une poèle. Depuis lors, le jeune homme, ensorcelé, ne pouvait se séparer de cette femme.

BATONNETS.

Lorsqu'en préparant un repas, on a mis un bâtonnet de trop sur le plateau, on se hâte de le cacher sous le plateau, de peur qu'un esprit quelconque passant par là ne s'invite et ne prenne part au repas, tout en molestant les invités.

Si, au contraire, il manque un bâtonnet, c'est signe qu'un des convives est de trop et mourra bientôt.

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Aussi on se hâte de jeter dans le feu quelques pincées de sel dont la crépitation étouffe le rire du feu.

ORGELETS.

Lorsqu'on a un orgelet à l'œil, on va trouver la bonne femme qui guérit les orgelets. Elle ramasse par terre des débris de paille, prend un vase en terre qu'elle remplit d'eau, puis, mettant les brins de paille dans un crible, elle les crible tous en disant:

Đàm mộng xót mộng,

Mộng tiêu mộng tan,

Ra nước.

« Pilons l'orgelet, écrasons l'orgelet;

Orgelet, anéantis-toi; orgelet, dissipe-toi,

Fonds-toi en eau. »

Prenant ensuite un charbon ardent, elle le plonge dans le vase d'eau, et l'on est guéri.

Ailleurs on met une poignée de sel dans une tasse, puis, lorsque le soleil est près de se coucher, on pile ce sel avec un bâtonnet et l'on dit :

Đâm mộng xay mộng,
Mộng tiêu mộng tan,

Mộng lặn theo mặt trời!

« Pilons l'orgelet, écrasons l'orgelet ; Orgelet, anéantis-toi, orgelet, dissipe-toi ; Orgelet, disparais avec le soleil. »

On est guéri.

VOYAGES. Les voyageurs, les commerçants tâchent de se concilier la faveur des esprits dont ils rencontrent les pagodes sur leur route. Celui qui va en mer jette des feuilles de papier doré à la sortie du fleuve, pour s'attirer la protection des génies. Il en jettera si la tempête menace d'engloutir son bateau. Celui qui va par voie de terre jette du papier doré aux cols dangereux afin de n'être pas dévoré par le tigre. Sur la route mandarine, après avoir dépassé le village de Ròn, il y a une petite niche dédiée à une jeune commerçante morte en voyage, à cet endroit même, à laquelle on offre tant de papier doré qu'on est obligé de le brûler de temps en temps dans la niche. Au pied de la porte d'Annam, Đèo Ngang, il y a une pagode jouissant d'une grande renommée : les passants y consultent le sort et y font des offrandes parfois considérables. Plus loin le voyageur rencontre sur son chemin un grand morceau de cailloux : c'est la tombe d'un soldat mort en route pendant qu'il revenait dans ses foyers. Chaque passant doit prendre un caillou dans le torrent et le jeter sur la tombe.

LE POT A CHAUX. Lorsqu'on vient de construire une maison neuve, on achète un pot à chaux neuf dont les membres de la famille et les visiteurs se serviront pour manger le bétel et l'arec. En lui s'incarne « le maître, le protecteur de la maison », Chủ nhà. On le conserve précieusement dans l'espoir que les habitants de la maison atteindront une heureuse vieillesse, auront comme lui une auréole de cheveux blancs autour de leur tête. Le pot à chaux est en effet ordinairement tout barbouillé extérieurement de chaux, ce qui le fait ressembler à un vieillard vénérable. Lorsque, à l'orifice, la chaux constamment remuée par la spatule se dessèche et s'allonge, formant un goulot lippu, c'est un signe de prospérité. Si au contraire le goulot est tout petit, si surtout il se casse, c'est signe de misère. Plus les visiteurs sont nombreux, plus les membres de la famille mangent de chiques de bétel, et plus la chaux s'amasse au goulot; plus au contraire la famille est pauvre, moins elle se sert du pot à chaux, et moins le goulot est grand. Mais les Annamites considèrent comme un présage de misère ce qui n'est qu'une suite de la pauvreté de la famille, à savoir la petitesse du dépôt calcaire à l'orifice du pot à chaux.

Quand ce goulot fragile a atteint une longueur raisonnable, on le scie délicatement, et on le suspend aux solives de la travée réservée aux visiteurs, afin que tous puissent se rendre compte, d'après le nombre de ces tubes, de la richesse de la famille.

Si le pot vient à se briser, ou simplement à s'ébrècher, c'est un mauvais signe pour la famille; le « Maitre de la maison » n'est pas content; il se vengera sur les habitants; aussi s'empresse-t on d'en acheter un nouveau et de placer religieusement l'ancien auprès d'une pagode, sur les branches, dans le tronc d'un gros arbre, partout où il y a un génie qui puisse préserver de la vengeance de l'ancien «Maître de la maison ». A cette idée s'en ajoute cependant une autre, c'est le respect que l'on conserve pour le pot déchu de sa dignité: on n'oserait le jeter sur le bord des chemins comme un vulgaire débris.

M. Dumoutier (Actes du XIe congrès des orientalistes, 1897, 2e section, p. 306) ajoute qu'on considère cet acte comme une offrande aux àmes errantes qui s'abritent dans les buissons et les arbres des pagodes. L'explication qu'on m'a donnée est un peu différente.

L. CADIERE.

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