網頁圖片
PDF
ePub 版

étaient déjà très encombrés. Il semble du reste qu'aux époques les plus anciennes les inscriptions aient été faites de préférence sur des stèles ou des pierres brutes, alors que les monuments qui paraissent de date plus récente semblent se couvrir de caractères [Hoa-lai, Kurong-my, Chien-dang etc., d'une part, tour de Phanrang, Linh-tai (inscriptions non encore lues), Po Klong Garai, etc., d'autre part]. A cette époque, les stèles ou les inscriptions sur roche ne semblent plus se rapporter qu'à des faits indépendants de l'érection des monuments.

Une des dernières, datée de 1178 (1256), nous fait connaître l'installation d'un sanctuaire de Bhagavatī Mātṛlingeçvarī au S.-O. de celui de la grande déesse. C'est peut-être le dernier point vide de notre plan. Ce monument, d'époque plus récente, mais aussi probablement plus mal construit encore, n'a laissé aucune trace précise: peut-être faut-il y rapporter quelques-uns des fragments que nous avons signalés, ainsi que le pied-droit qui sert de marche à la tour centrale; encore peut-il avoir appartenu à la construction qui s'élevait probablement au milieu de la seconde ligne.

Notons, avant de terminer cette étude des inscriptions, que la même princesse qui érige ce sanctuaire donne plus tard des lingots d'argent pour faire une statue de la grande déesse. Ce travail ne fut probablement pas exécuté; ou peut-être ne s'agissait-il que d'une réduction en métal précieux qui aurait disparu depuis.

Voici donc, en résumé, les conclusions qui se dégagent de cet examen :
Le premier monument, de date inconnue, n'a laissé aucune trace.

Le monument actuel n'est pas une œuvre une, mais semble la somme d'une série de fondations religieuses.

La tour S. paraît pouvoir être datée de 706 (784), règne de Satyavarman. La tour centrale et la tour N.-O. sont certainement de 739 (817), règne de Harivarman. De cette date est la salle inférieure, que sa position rend dépendante de la tour centrale; elle pourrait à la rigueur être postérieure.

L'édicule S. est probablement du Ixe (Harivarman ou Vikrantavarman). La statue de la tour centrale peut être, sans crainte d'erreur, donnée comme du xe Çaka (xre de notre ère), et la petite figure qui l'accompagne est contemporaine ou un peu antérieure.

Cette longue étude de dates peut paraître fastidieuse: elle était nécessaire, car le monument de Po-Nagar est le seul avec celui de My-son, qui semble être un peu antérieur à présenter une série d'inscriptions; celles de ce dernier ne sont pas encore lues, ou sont inédites: le sanctuaire de Po-Nagar est donc à peu près le seul actuellement qui puisse servir de base à la datation des monuments chams.

Ces deux études des caractères du monument et de ses inscriptions s'accordent pour montrer que l'édifice actuel est incomplet. Au niveau inférieur, il es

vrai, l'exemple des monuments similaires de Dong-Durong, des Tours d'argent, etc., permet de supposer que la grande salle n'était accompagnée d'aucun bâtiment latéral. Mais comment se fait-il qu'elle n'ait pas été précédée d'une tour d'entrée? Il y a bien, dans les murs du cimetière français établi en ce point, une partie de muraille de brique qui semble chame. Le respect de ce lieu, particulièrement nécessaire, si nous voulons nous faire considérer des Annamites, nous a interdit de chercher à résoudre ce problème (1).

Mais si l'on ne peut rien avancer de sûr pour l'étage inférieur du monument, il semble bien impossible que l'étage supérieur soit complet. Le sanctuaire de Bhagavatī Mātṛlingeçvarī a complétement disparu, et l'on ne conçoit guère un temple cham important sans un édicule allongé. Malheureusement toute la partie O. est enterrée sous une masse de débris qui proviennent du déblaiement ancien des parties antérieures et nous n'avons pu entreprendre le gros travail de ce dégagement (2).

Bien qu'incomplet, le monument présente encore une curieuse variété de formes. Si la tour S. est réellement la plus ancienne, il est intéressant de signaler sa ressemblance avec quelques monuments du Binh-dinh et du Quảng-nam, non datés, Hung-Thạnh (Inv. somm., 42-43) et Bång-an (143-145), comme aussi le rapport de ses pieds-droits avec ceux de My-son (99-142). Nous ne trouvons rien d'analogue au S. du Binh-dinh: la tour centrale au contraire rentre complétement dans le type ordinaire dont nous trouvons des exemples dans toutes les provinces. Il serait, croyons-nous, imprudent de voir dans ces différences une différence historique de styles; car les tours de Hoa-lai et de Kuơng-mỳ, qui paraissent les doyennes de toutes, annoncent les formes de la tour centrale. D'ailleurs aussi considérables sont, peut-être, les différences qu'on trouve entre la tour principale et la tour N.-O., monuments contemporains. Celle-ci a du reste des formes très spéciales et que nous n'avons retrouvées nulle part. Peut-être, mais c'est là pure hypothèse, le temple de Po-Nagar, centre religieux fort vénéré, vit-il affluer, avec les dons de chacun, les traditions d'art de chaque province.

Quelle que fût d'ailleurs son importance religieuse, lorsque vinrent les dernières défaites, les Chams durent abandonner leur vieux sanctuaire et, au moyen d'une transaction bizarre, - d'ailleurs, paraît-il, parfaitement en règle, — le vendre aux Annamites; ceux-ci continuent à rendre un culte dans le temple à la déesse de leurs vaincus.

(1) Une fosse creusée dans ce cimetière, depuis que ces lignes ont été écrites, a rencontré dans l'axe même du monument des parties de fondations, qui semblent bien être les traces de la tour en question.

(2) Nous avons cependant tenté une fouille en croix sur ce point, mais la compacité extrême du sol nous l'a fait abandonner. Nous le regrettons aujourd'hui, car nous avons pu constater depuis, ayant eu ailleurs plus de constance, que les très anciennes ruines de briques se revêtent ainsi d'une couche de près de 1 mètre, qui paraît presque vitrifiée: la présence de cette couche, qui nous a fait abandonner la fouille, était plutôt un indice qu'on l'eût continuée avec succès.

B. E. F. E.-O.

T. II. - 4

C'est pourquoi, devant le monument lui-même, sur l'arête E. de la terrasse, s'étend un long bâtiment de bois et de tuiles, qui sert d'abri aux nouveaux fidèles. Deux pagodons s'élèvent en différents points, l'un en arrière et près des tours centrale et S., l'autre dans l'angle N.-E. La statue de la déesse enfin, toute couverte d'oripeaux, est enfermée dans une sorte de logette en bois : aussi est-elle ordinairement à peu près invisible. Cette logette, d'une facture très annamite, enferme un bâti de quatre poteaux; ceux-ci (н et K, fig. 9), d'un décor spécial bien que grossier, sont réunis par des traverses qui portent un toit à double pente orienté dans le sens E.-O. Cette disposition que nous retrouvons presque pareille dans les rares monuments chams où un culte soit encore rendu par les Chams eux-mêmes à leurs divinités, pourrait être un souvenir des arrangements intérieurs des temples, au moins à la dernière époque chame.

Dans leur besoin d'explications simples d'un panthéon qu'ils ne connaissent guère, les Annamites ont considéré la représentation de Bhagavati comme celle d'une déesse quelconque; ils ont fait de la petite figure qui est à côté sa fille. Quant aux édifices, ils considèrent les grandes piles comme la base d'une scène de représentations; la tour centrale est la maison de Po Nagar, les tours et les pagodons environnants sont la demeure des ouvriers et des domestiques de la déesse: le maçon, le charpentier, le forgeron, le tailleur de pierre et l'écuyer.

Non content d'usurper une place à laquelle il n'avait pas droit, l'amortissement qui est révéré dans la tour S. a accaparé le titre le plus honorable; il est considéré comme le mari de la déesse.

Cette déesse elle-même a une curieuse histoire, qui vaut la peine d'être contée la légende n'est pas sans charme, et peut-être quelque historien y trouvera-t-il un grain de vérité.

Autrefois existait au pays de Nhatrang un bon vieux couple de bûcherons; ils vivaient très retirés au fond d'une forêt sauvage et se désolaient, parce qu'ils n'avaient jamais eu d'enfants.

Un jour qu'ils allaient faire des fagots, ils trouvèrent dans le bois une toute mignonne et toute charmante petite fille, qui venait de naître grande fut leur joie, et aussitôt ils adoptèrent l'enfant. Choyée, gâtée, la fillette croissait à merveille et devenait belle à ravir Un jour qu'elle allait sur ses sept ans, elle vint se promener dans la forêt; elle y trouva un gros morceau de bois d'aigle et, toute fière, le rapporta à la maison et le donna à ses vieux parents. Le ciel leur inspira de le garder précieusement.

Ils vivaient ainsi tout heureux, voyant leur fille grandir et se faire belle à marier, et, tout autant qu'ils aimaient l'enfant, la fillette les adorait; mais

un jour eile devint toute triste: «Il faut, leur dit-elle, que je vous quitte, car je dois aller en Chine, épouser le fils de l'Empereur. » Grand émoi et grande tristesse chez les vieux: la Chine était si loin, eux si pauvres, et quelle existence serait la leur, lorsque l'enfant de leur bonheur serait parti? Mais c'était, leur dit-elle, un ordre du ciel; elle était fille d'un dieu d'en haut, et son père ne l'avait envoyée ici-bas qu'afin de lui permettre d'épouser le fils de l'Empereur. Donc que ses chers parents lui en donnent congé, et elle partirait sans difficulté, car son père lui procurerait les moyens de gagner la Chine. Bien peinés, les pauvres vieux n'osèrent aller contre la volonté divine, surtout quand la chère enfant leur eût promis de les revenir voir: la fillette jeta le morceau de bois à la mer et tout aussitôt disparut.

Bientôt un pècheur de Chine amène dans ses filets le morceau de bois odorant; il juge une telle pièce digne seulement de l'Empereur. Celui-ci veut en faire un sacrifice; mais son fils se jette à ses pieds et le supplie de lui donner ce bois précieux. Il ne sait pourquoi; mais, si on ne le lui donne, il en mourra de chagrin. Pour être Empereur, on n'en est pas moins homme et bon père de famille; le fils obtient le bois si convoité, et, pour qu'on ne le lui vole, le cache dans sa chambre. Bien lui en prend, car mille rêves charmants le bercent la nuit, et tout à coup une merveilleuse jeune fille se dresse à son chevet et l'appelle amoureusement. Il s'éveille tout marri d'un si beau rève sitôt fini: Oh joie! l'enfant adorable lui tend les bras, et, toute vivante et toute réelle, lui offre le charme de sa jeune chair.

En fils prudent et vertueux, il apprend d'elle toute son histoire, et le lendemain supplie son père de lui donner cette fille divine en mariage. Que pouvait le père devant la volonté des dieux, la passion de son fils, le charme de l'enfant? Tout aussitôt il accorde son consentement, et bientôt de cet heureux hymen nait une adorable fillette.

Mais la jeune femme n'oubliait pas sa promesse; elle demande à son mari la permission d'aller embrasser ses vieux parents. Tout enivré d'elle, il veut la retenir elle pleure, elle l'implore; mille prières restent sans effet; alors le bois d'aigle est à nouveau jeté à la mer, et la jeune femme disparaît, comme elle était venue. Grande fut la joie des vieux bùcherons, quand ils la revirent; horribles furent la jalousie et la fureur du mari, quand il la perdit. Il fréte une flotte et vole vers Nhatrang. Mais elle, outrée de le voir si jaloux et si peu confiant, invoque son père : l'orage disperse les vaisseaux; bien peu regagnent la Chine et la barque royale est métamorphosée en pierre. C'est cette roche que les Chams marquèrent d'une inscription au milieu de la lagune.

Quand la princesse mourut, les habitants lui élevèrent un temple à Nhatrang: car elle est la déesse secourable qui guérit les pauvres malades et qui adoucit la souffrance des mères à l'heure des naissances.

Une autre version est consignée dans les deux stèles annamites inscrites. L'une d'elles contient une curieuse dissertation sur la variété et la beauté des sites de la vallée de Nhatrang. L'auteur conclut que ce lien doit être habité par des

génies: aussi conseille-t-il d'invoquer la déesse chame, qu'il appelle Thien Y (21o année du règne de Tur dure, 1871).

L'autre stèle, antérieure (1857), a été placée par Phan Thanh Giang, ce gouverneur qui se suicida noblement pour ne pas survivre au déshonneur d'avoir dû nous livrer les provinces dont il avait la garde. Elle donne l'histoire de la déesse telle qu'un vieil habitant la lui avait racontée. Cette histoire est d'ailleurs à peu près semblable à celle que nous avons recueillie, quoiqu'elle s'enchaîne moins bien; elle se rapproche davantage de la version de M. Aymonier (Excursions et Reconnaissances). Nous la reprenons en quelques lignes pour indiquer les différences.

Un couple de vieillards sans enfants adopte une fillette venue d'on ne sait où, qui la nuit leur vole leurs pastèques. Un jour d'inondation, la fillette regrette le séjour des génies, et construit une butte fleurie pour le représenter. Les vieillards la grondent; elle se cache dans les branches d'un arbre à bois d'aigle que l'inondation emportait et qui la dépose sur les rivages de la Chine. Le fils de l'Empereur, qu'on ne pouvait marier, l'envoie chercher. Tandis qu'elle demeure au palais, il rencontre plusieurs fois la nuit une figure humaine qui disparait à son approche. Il se cache, la reconnaît: la jeune fille le rassure, lui conte son histoire. L'Empereur, les devins consultés, les marie, et ils vivent parfaitement heureux. Un jour la déesse regrette Nhatrang et y retourne avec ses enfants, sur l'arbre enchanté. Elle n'y retrouve ni sa maison ni les vieillards, leur construit une pagode, civilise le pays et remonte au ciel sur un phénix. Une barque envoyée à sa recherche au hasard par son mari vient échouer devant Nhatrang: une inscription chame sur une roche instruit les naufragés de ce qui s'est passé, et ils organisent le culte de la déesse. Elle est adorée dans la grande tour, et les édifices et pagodons voisins abritent son mari, ses enfants et les deux vieillards.

L'inscription se termine par un essai d'interprétation de la légende, qui oppose à l'immutabilité des choses la mobilité changeante des idées que personnifierait la déesse à la vie inconstante.

Telle est la légende: est-elle plus chame qu'annamite, plus annamite que chame? Je ne sais. Je tiens ma version du gardien annamite du temple. Phan Thanh Giang ne dit pas l'origine de celle de son vieux paysan. Quoi qu'il en soit, elle est gracieuse. Pourquoi faut-il qu'à cette tradition se mêlent des détails très prosaïques? Ils ont d'ailleurs leur intérêt, car ils montrent à quel point les rites chams sont oubliés. La déesse était restée femme bien que déesse, au moins jusqu'à l'arrivée des Français, et la rigole d'écoulement de la cuvette à ablutions servait à rejeter au dehors du temple les eaux nécessaires à laver ses tuniques à chaque nouvelle lune.

Ce n'est pas le seul fait miraculeux qui se passe là-bas. Encore aujourd'hui une pierre qui sort de terre y croît continuellement et s'élève au-dessus du sol. Aussi est-elle coiffée d'une étoffe rouge, et des baguettes brûlent en son honneur. Le plus curieux est que le fait paraît exact; il faut dire au reste que l'explica

« 上一頁繼續 »